Sous la direction de Mark Plati
Parmi les autoproduits, certains aiment emprunter des chemins balisés, d’autres préfèrent arpenter ceux de traverse et s’aventurer au-delà de leur pré carré musical pour se confronter à des univers différents : entre aficionados du heavy metal ou du rock sixties et adeptes de l’electro-folk ou du “heavy hypnotic bluzz”, ces deux tendances se retrouvent parmi les huit sélectionnés du mois (sur les trente-sept arrivages à la rédaction).
Fondé par deux vétérans du rock marseillais, les Batmen (à ne pas confondre avec le groupe grenoblois des années 1980) ont choisi d’oeuvrer en duo pour revisiter cinq classiques qui fleurent bon les années 1960 et témoignent autant de leur bon goût que de leur érudition. La formule minimaliste reste très musicale grâce aux dons de multi-instrumentiste de Dan Imposter et à la voix séduisante de Henri Sanchez. Réussissant à tisser un lien entre Buddy Holly, Vince Taylor et Bob Dylan, leur version de “Peggy Sue”, “Cadillac” ou “Corinna, Corinna” ne se contentent pas d’être de simples reprises et s’affirment comme des relectures enthousiasmantes (“For Sale”, Disques Tchoc).
Venu de Seine-et-Marne, Bullrun n’en est qu’à son second EP en neuf ans d’existence, mais cette rareté discographique lui permet peut-être de soigner l’intensité de son impact. Car, tout au long de ses six titres proposés, le trio, qui se réclame de parrains comme Metallica ou Motörhead, impressionne par sa puissance de frappe. Tout en défendant une approche mélodique au niveau du chant, il mène la charge avec un gros son et des rythmiques qui ne font pas de quartier, et parvient à échapper à certains des stéréotypes et des travers du heavy metal pour s’affirmer comme un modèle de rock rentrededans, tout simplement (“Wilderness”, facebook.com/BullRunOfficial).
Le quatuor nantais Stoned Harpies en piste depuis 2011 (sous forme de trio à l’origine) définit sa musique comme du “heavy hypnotic bluzz” sous influence Black Keys/ Black Angels. L’écoute de son second EP cinq titres permet de discerner ce qu’il met derrière cette appellation : un rock très atmosphérique, qui peut évoluer de périodes apaisées à des accélérations incantatoires. Empruntant à la fois au stoner et au rock psychédélique, les morceaux gavés de fuzz et de reverb adoptent souvent un parti pris obsessionnel et jouent volontiers sur la durée, avec une longue plage de plus de sept minutes (“Another Land”, facebook.com/stonedharpies).
Basé en Bourgogne, Sylvain Lasco est un artiste pluridisciplinaire : plasticien, photographe et également multi-instrumentiste et chanteur. Son premier essai (chroniqué il y a cinq ans dans cette rubrique) révélait également un chanteur à la voix étonnante. Son second album ne fait que confirmer d’une manière éclatante cette impression première : au rythme de suaves ballades folk, finement orchestrées à grand renfort de guitare, piano, violon, flûte et thérémine, il multiplie les compositions mélancoliques et élégantes qu’il transfigure de sa voix de crooner ténébreux et habité (“Hoogan II, sylvainlasco.com).
Si ses débuts en groupe et en solo remontent aux années 1980, Hervé Paul a conservé intacte sa passion musicale en marge de ses activités de réalisateur, et son cinquième album démontre ses talents de songwriter. Pour l’occasion, il a bénéficié de conditions haut de gamme : enregistrement à New York sous la direction de Mark Plati avec des musiciens réputés, comme le batteur d’Elvis Costello. Parmi les dix morceaux francophones qui assument leur caractère pop-rock vintage, les ballades s’imposent particulièrement (“Omaha Beach”, “La Terre Tourne”), mettant en valeur la voix un peu rentrée et voilée et des textes nostalgiques (“#5”, Absilone, hervepaul.com).
Devenu un trio parisien, les Dust Lovers sont nés à Nantes en 2011 avec un nom nettement plus long (Texas Chainsaw Dust Lovers), une formation plus étoffée et une attirance certaine pour Queens Of The Stone Age ou Eagles Of Death Metal. Leur troisième album se distingue par son éclectisme bien négocié au fil de morceaux qui savent soigner des ambiances différentes : ces ouvertures les entraînent du stoner rock débridé au pop-rock 60’s amateur de fuzz en passant par des réminiscences new wave avec une évocation du cinéma expressionniste allemand (“Fangs”, Besta Records, facebook.com/DustLoversOfficial, distribution L’Autre Distribution).
Installé en France depuis 2011, le duo vénézuelien La Gallera Social Club célèbre les traditions de son pays natal en les confrontant à la modernité : son quatrième album (enregistré en Normandie mais célébrant Maracaïbo, sa ville natale) propose une fusion de musiques latino-américaines et caribéennes avec des influences psychédéliques et électroniques. Ce mélange festif se révèle particulièrement détonnant, alliant, sans rupture de ton, des passages typiquement folk à des soubresauts dansants qui ne dépareraient pas sur un dance floor (“Tropico Salvaje”, Tortuga/ Derapage Prod, facebook.com/lagallerasocialclub, distribution L’Autre Distribution).
Au centre du quartet Le Deal, fondé début 2019 à New York, se trouve le parisien Florian Pellissier, pianiste de jazz réputé, mais aussi touche-à-tout qui a travaillé avec Arthur H, réalisé le brûlot féministe punk de Blast Candy et participé à l’enregistrement du dernier disque d’Iggy Pop et à sa tournée. Autant dire que s’il ressort du jazz, et plus précisément du hard bop 60’s, l’album de sa nouvelle formation mérite qu’on y prête une oreille attentive : enregistré dans le mythique studio du label Blue Note, il fascine grâce à ses lignes mélodiques répétitives, ses atmosphères ouatées, son groove nocturne et son ampleur nostalgique (“Jazz Traficantes”, Favorite Recordings, facebook.com/ florianpellissier, distribution The Pusher). o