Rock & Folk

Hackensack

Pantalon à carreaux et bottes de cow-boy

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LE HARD ROCK BRITANNIQU­E REGORGE DE SURPRISES ET DE RECOINS MECONNUS. Hackensack a pourtant accueilli les débuts de Nicky Moore, Ray Smith et Simon Fox, lesquels ont plus tard rejoint les rangs de Samson, Mott The Hopple et Be-Bop Deluxe. Hélas, la gestion hasardeuse d’Island Records scellera sa perte.

Ce tortueux récit nous emmène ce moisci du côté de la verdoyante bourgade de Chelmsford, au nord-est de Londres, en 1969. Là se monte Gas Avenue, power trio constitué de David Caulfield (guitare), Stu Mills (basse) et Patrick O’Connor (batterie), cornaqué par un duo de managers locaux, Al et Nobby. Ces derniers se lient avec Nicky Moore, adipeux choriste ayant quitté son bled du comté de Devon pour aller chercher meilleure fortune à Londres. Au départ, ce barbu hirsute est censé écrire des chansons, mais se retrouve bien vite à hurler dans le micro, torse nu, arborant pantalon à carreaux et bottes de cow-boy. Bientôt, O’Connor laisse sa place à Billy Rankin, et c’est ensuite au tour de Caulfield de quitter le navire. Il est suppléé par Mick Sweeney, la formation devenant Khama Sutra, puis Light. Elle décroche une longue résidence au Wunderbar de Leicester Square, qui s’achève avec la fuite de Rankin, lessivé. Le groupe opte pour un nouveau nom, Hackensack, avant de coucher quelques démos. Celles-ci n’éveillent aucun intérêt, ce qui mène déjà la jeune formation à une première pause. En mai 1970, Hackensack repart au front avec John Turner à la batterie. Nouveau rebondisse­ment : c’est Sweeney qui s’éclipse pour être remplacé par le sémillant Ray Smith, cheveux lisses et Ray-Ban à verres teintés. Le quartette se taille une réputation de monstre scénique qui attire l’auguste label Island. L’ombrageux gang entre en studio pour graver quelques pistes, qui seront plus tard regroupées sous le titre “Give It Some”. Ces premières déflagrati­ons dévoilent un son rêche, crépitant, dominé par le timbre rocailleux du colosse Nicky Moore et les riffs nerveux de Ray Smith, pétillant soliste influencé par la musique classique. On en distingue les rugissante­s “Good Old Days”, “River Boat”, “Rock And Roll Woman”, ainsi qu’une épatante reprise de “Gloria” et la zeppelinie­nne “No Last Verse”. L’époque Sweeney offre les réjouissan­tes “Downtown Traffic” et “The Hustler”. Turner décampe, et l’expériment­é marteleur Simon Fox intègre finalement ce qui sera le line up définitif de Hackensack. La troupe s’envole pour la tournée “Rock’N’ Roll Circus” de Mott The Hopple, avant d’ouvrir pour Free. Muff Winwood produit alors un premier simple rappelant Bad Company, “Movin’On”, sans retentisse­ment. Hackensack laboure intensémen­t le territoire britanniqu­e avec plus de deux cents concerts pour la seule année 1972. La conquête se poursuit avec les premières parties d’Uriah Heep et Status Quo, avant que Hackensack ne s’aventure aux PaysBas, en Allemagne, en Belgique, en France, puis en Suisse. Une radio helvète capture la performanc­e donnée à Bâle, qui sera publiée sous le titre “Live - The Hard Way”. Elle permet de se rendre compte de la puissance sonore de nos ruffians, qui clouent de brutales versions de “Rock And Roll Woman”, “Statesboro Blues”, ainsi qu’une roborative “Up The Hard Way” (quatorze minutes au compteur), avec solo de batterie. Hackensack anime ensuite l’ultime nuit de la Cavern de Liverpool, avant sa fermeture. Le fidèle Stu Mills, las d’attendre que l’album se matérialis­e, décide de s’en aller. Dommage, car le groupe vient de parapher un nouveau contrat avec Polydor. Paul Martinez, bassiste de séances bien connu (et futur Stretch), est appelé à la rescousse pour la captation de “Up The Hard Way” au sein des célèbres studios De Lane Lea de Wembley, sous la houlette du producteur Derek Lawrence (Deep Purple, Wishbone Ash). Nettement moins cru, parfois renforcé par des choeurs, le son lorgne ici parfois vers la soul, comme sur la prenante “A Long Way To Go”. Quelques ballades flamboient, comme “Blindman” ou “Northern Girl”, sur laquelle Ray Smith cite, de manière surprenant­e, l’ “Hymne A La Joie”. On retient surtout deux sommets : le boogie débonnaire de “Lazy Cow” et le hard rock fier, bravache, de l’épique “Angels Theme Goodboy, Badboy”.

Cet estimable disque paraît en 1974 sous une pochette typée comics, réalisée par l’artiste irlandais Jim Fitzpatric­k. Trop propre, il ne contente pas le groupe. Frustré par son insuccès, Hackensack décide de se séparer brutalemen­t en avril 1974. L’ogre Nicky Moore et son gosier d’airain vont mener une passionnan­te carrière, d’abord avec Big Jim Sullivan au sein de Tiger, puis en prenant la suite de Bruce Dickinson (parti pour Iron Maiden) comme vocaliste de Samson. Ray Smith deviendra Ray Majors en passant par Mott The Hopple, tandis que Simon Fox sera un pilier de Be-Bop Deluxe. On le croisera aussi, étonnammen­t, sur “Sales Romances” d’Extraballe. Hackensack se reformera finalement autour de Moore et Mills pour l’honnête “The Final Shunt” en 2017.

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