Rock & Folk

LIAM GALLAGHER

- PAR JEAN CHAMOULAUD

Le 5 décembre, le plus jeune des frères Gallagher donnait un concert à bord d’une péniche sur la Tamise. Un live en streaming payant, intitulé “Down By The River Thames”. Dix-huit euros. Dont une partie des revenus a été reversée aux roadies au chômage technique pour cause de pandémie.

LA NUIT TOMBE SUR UN LONDRES CONFINE lorsque les premières notes de “Hello” résonnent. Sur une péniche voguant sur les flots de la Tamise, l’exleader d’Oasis s’offre une heure de live Made in England, 100% rock’n’roll, 100% en streaming. Chapka enfoncée sur la tête, parka et lunettes noires sur le nez, Liam Gallagher bouffe son micro comme un chanteur privé de concert depuis le mois de mars.

Revoir Bonehead

La scène se veut sobre et le son massif : quelques lumières, des amplis, une batterie, trois choristes, et la capitale anglaise comme décor grandiose. Le chanteur n’a pas fait les choses à moitié : le concert est filmé sous tous les angles, la réalisatio­n est léchée, un hélicoptèr­e capte des images depuis le ciel. Avec ou sans public, la dernière rock star post Internet chante comme s’ils étaient des milliers devant lui, comme s’il ne pouvait en rester qu’un. Le groupe est concentré, statique. Les plans de coupe montrent les musiciens émerveillé­s de jouer dans ce cadre tellement inhabituel. Les titres de ses deux albums solos se mêlent aux tubes d’Oasis. L’occasion de revoir Bonehead, le guitariste fondateur du groupe de Manchester, convoqué depuis deux ans dans le line-up quand il s’agit de rejouer les tubes de la grande époque. Liam sait d’où il vient et il le revendique. Son plus jeune fils passe derrière les fûts

pour un “The River” à propos. Une histoire d’héritage et de filiation, avec en tête, à n’en pas douter, le concert des Sex Pistols sur cette même Tamise, quarante-trois ans plus tôt. Un groupe dont les Gallagher n’ont eu de cesse de rappeler l’influence majeure dans leurs compositio­ns. Si Liam s’offre un solo de flûte sur “Halo”, il n’est pas là pour jouer du pipeau. Sur les réseaux sociaux, le chanteur a promis des surprises, il n’aura pas déçu ses fans. “Hello”, “Headshrink­er” et “Fade Away”, trois morceaux d’Oasis oubliés depuis plus de vingt ans et interprété­s avec rage dans une explosion de guitares saturées. De quoi tacler au passage son frère, Noel, qui interprète sur scène “Fade Away” en acoustique : “It’s being emo!”.

En douceur et en panache

Le tempo ralentit sur “Once”, ballade mélancoliq­ue jouée sous le London Bridge, où des passants saluent l’idole. Avant un final qui sent le soufre. “Morning Glory” où Liam, en feu, engueule le cameraman qui s’approche trop près de lui. Puis “Cigarettes & Alcohol”, hymne à la joie anglaise dédicacée à Rishi Sunak ministre conservate­ur, qui a eu la mauvaise idée de suggérer aux artistes de se “recycler”. Et enfin “Supersonic”, premier tube d’Oasis. Vient le temps des au revoir, tout en douceur et en panache, avec un “Champagne Supernova” piano-voix et batterie légère, pour rappeler à ceux qui en doutent que la musique peut sauver les âmes, et pourquoi pas le monde. Capitaine de son bateau, Liam Gallagher aura réussi, le temps d’un concert, à faire oublier ce foutu virus, à nous faire bouger sur notre canapé. A nous faire sentir vivant, tout simplement. Le rock n’est pas mort, Liam est en vie.

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