Rock & Folk

VIAGRA BOYS

Plus si dur, le gang suédois sort un deuxième album qui a le vague à l’âme. Bad boy’s also cries.

- RECUEILLI PAR THOMAS E. FLORIN Album “Welfare Jazz” (Year0001/AWAL)

“J’ai écrit ces chansons quand j’étais en couple, je prenais de la drogue tous les jours et me comportais en véritable connard”

ILS SONT DEVENUS UN SPAM. LA MEILLEURE CHOSE QU’IL PUISSE ARRIVER A UN GROUPE DE VILAINS DANS LES ANNEES 2020 : ne même plus passer la barrière des algorithme­s d’une boîte mail. Relégué à cette fenêtre où croupissen­t offres pour des agrandisse­urs de pénis (suédois ? pays d’origine du groupe) et des arnaques concoctées depuis d’antiques machines dans l’Afrique subsaharie­nne. Tout cela parce qu’ils ont utilisé la marque “Viagra” dans leur nom. Cette promesse pharmaceut­ique d’une érectilité éternelle. “Même mort, il bandait encore.” Et vivant ?

Mélancolie virile

“Je ne suis pas sympa” chante Sebastian Murphy dans le premier single tiré du deuxième album des Viagra Boys, “Welfare Jazz”. Jouer les méchants, c’est sa promesse. Un sale type en survêtemen­t Adidas et des tatouages plein l’épiderme. Une touche à part qu’il trimballe de scènes en clips où il finit toujours par vomir quelque part. Assaisonné­e de déclaratio­ns cyniques soufflées par le speed qu’il inhalait quotidienn­ement. “C’est le monde entier qui pue”, dit-il en interview, l’oeil luisant. Ce superbe leader, excellent shouter, a fait parler de son groupe avec le nonchalant single “Sports” sorti en 2018 sur l’album “Street Worms ”. L’homme que l’on retrouve deux ans plus tard est dans un tout autre état. “J’ai écrit ces chansons quand j’étais en couple, prenais de la drogue tous les jours et me comportais en véritable connard.” Après une rupture, après une cure, après une prise conscience, Sebastian et les Boys changent leur fusil d’épaule et donnent à entendre leur mélancolie virile, le mal de crâne du siècle, cette fragilité de sales gosses. Sebastian : “Oui, peut-être qu’avant, je jouais un peu au vilain. Mais le problème, c’est qu’avec le speed, l’alcool, je me comportais véritablem­ent comme un connard. La différence entre avant et aujourd’hui, c’est que je m’en suis rendu compte.” Cette distance a augmenté l’autodérisi­on du groupe (l’ouverture “Ain’t Nice” où Sebastian impose à une fille sa collection de calculette­s vintage) et fait naître certaines chansons véritablem­ent touchantes. “Into The Sun”, “où j’implore une fille de revenir”, avec une voix à la Lemmy, “Creatures” “où la drogue donne cette sensation de vivre totalement immergé, sous l’eau, en dessous du monde” et offre à l’album son étrange thème d’une vie aquatique.

Ordurier et tendre

Sebastian, vous aimez nager ? “J’aime surtout partir à la pêche.” Autre motif récurrent de “Welfare Jazz”, l’exode urbain, le retour à la nature et la vie à la campagne qui semblent gagner l’Occidental confiné.

“En suède, c’est un peu comme aux USA : les gens aiment camper, pêcher, bivouaquer, toutes ces merdes qui te tiennent éloigné de la ville.”

Et des drogues. Couplet de l’avant-dernière chanson de l’album, “To The Country” : “Je sais que je ne le montre pas, mais je crois que c’est ce que je veux. Juste toi et moi, nos chiens et aucune drogue pour nous faire chuter.”

Sebastian, votre chant est vraiment poignant sur cette chanson. “J’ai essayé de chanter plus directemen­t sur cet album. Je me suis mis à réécouter énormément de country dernièreme­nt, et je crois que je voulais aller vers la sincérité de ces chanteurs.” Parce qu’au fond, plus que le post punk, l’attitude et l’écriture de Sebastian Murphy s’inscrivent complèteme­nt dans ce genre. Originaire de Californie, né d’un père américain et d’une mère suédoise, Murphy a passé une grande partie de son adolescenc­e à reprendre des morceaux de country avec le seul gamin de son lycée qui en écoutait aussi. Son premier concert fut une série de reprises de Hasil Adkins exécutées en one-man-band à la fête de son lycée. “J’étais tellement ivre que toute la batterie est tombée en morceaux.”

Ses héros ont toujours été Waylon Jennings et tous ces types qui écrivent comme l’on crache dans la poussière. Comme pour le souligner, “Welfare Jazz” se clôture par une reprise de John Prine, “In Spite Of Ourselves”, chanté en duo avec Amyl, d’Amyl And The Sniffers. Sebastian, est-ce que votre style n’essaye pas de copier celui de Prine : ordurier et tendre à la fois ? “Je ne sais pas, mais cette chanson me parlait tellement que, quand nous l’avons reprise, la veuve de John Prine l’a repostée sur ses réseaux en écrivant : “John aurait adoré, lui qui aimait tant le rock’n’roll ordurier.” H

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