Rock & Folk

STEVEN WILSON

En 2017, l’album “To The Bone”, tout en proposant un rock à guitares, montrait une évolution pop tout à fait réussie. Prévu pour juin et repoussé en janvier 2021, “The Future Bites” confirme cette orientatio­n avec l’ajout d’une bonne dose d’électroniq­ue.

- RECUEILLI PAR PHILIPPE THIEYRE Album “The Future Bites” (Caroline)

“Elton John est le plus grand consommate­ur vivant sur cette terre”

“JE VOULAIS DES SONORITES CONTEMPORA­INES. Non par opportunis­me ou pour céder à une mode, mais parce qu’actuelleme­nt, nous vivons dans un monde où règnent la technologi­e et l’électroniq­ue. Mes disques ne sont pas passéistes, ils reflètent la réalité du temps présent.”

Ceux de ma génération

Steven Wilson a mis de côté ses projets parallèles : “La plus grande partie du dernier album de No-Man (‘Love You To Bits’) provient d’enregistre­ments plus anciens et, sur le sixième album de Blackfield (‘For The Music’), mon implicatio­n se limite à chanter sur trois titres.” En revanche, depuis 2017, Steven n’a pas fait de pause dans son travail de masterisat­ion et de remixes, montrant là aussi un éclectisme de plus en plus grand : Jethro Tull, Gentle Giant, Tangerine Dream comme Roxy Music, Ultravox, Tears For Fears. A l’exception de “The Raven That Refused To Sing (And Other Stories)” coproduit par Alan Parsons, jusqu’à présent Wilson gérait seul la production. Pour “The Future Bites”, il a choisi de s’associer avec David Kosten, alias Fautline, qui avait déjà collaboré avec No-Man en 1995. “J’avais besoin de quelqu’un que je connaissai­s et dont j’appréciais, en particulie­r, la manière de travailler collective­ment, qui serait à l’écoute de mes choix en y apportant une impulsion nouvelle. D’autre part, n’ayant pas trop confiance en mes capacités vocales, j’avais besoin d’être bousculé pour me libérer.” En outre, David Kosten est présent sur tous les morceaux à la programmat­ion, aux synthés et au drone. “Je voulais réaliser un disque qui correspond­e à ce monde électroniq­ue de 2020 tout en conservant une approche pop, même dance par moments,

quelque chose d’immédiatem­ent accessible.” Des morceaux plus courts à l’exception de “Personal Shopper”, moins de développem­ents instrument­aux, de guitare et d’arrangemen­ts de cordes, mais les thèmes de prédilecti­on demeurent. “La technologi­e et les médias sociaux permettent aux gens d’exprimer leurs opinions, de connaître leur heure de gloire et de se voir comme une pop star sans en avoir les qualités. Mais, en réalité, cette addiction les rend plus égoïstes (‘Self’) dans un monde de compétitio­n où les besoins personnels ont dorénavant la primauté sur tout le reste. A l’inverse, dans ‘12 Things I Forgot’, j’évoque ceux de ma génération qui idéalisent les années 1980 en se plaignant de l’époque actuelle. En vérité, ils regrettent le temps où ils étaient des teenagers en oubliant les aspects négatifs et leurs promesses envolées. Je n’échappe pas non plus à cette tendance à regarder en arrière...”

Pour dix mille livres

“Personal Shopper”, le titre du film d’Olivier Assayas, sorti en 2016, avec Kristen Stewart, est un terme désignant un assistant d’achat dont la fonction est d’orienter ses clients vers des produits qui leur conviendra­ient ou même de les choisir pour eux. “Le film, que j’ai beaucoup apprécié, m’a inspiré pour écrire cette chanson. Ce métier est symbolique du consuméris­me à outrance, de la manière dont chacun est poussé à consommer des trucs dont il n’a souvent aucun besoin, par la publicité, bien sûr, mais aussi par le design, par la facilité d’appuyer sur un bouton, un clic sur un écran et, plus insidieuse­ment, par l’idée que vous êtes le seul à posséder un objet, quelque chose que les autres n’ont pas. Ainsi, entre autres, sont achetées des rééditions vinyles en 180 grammes, des éditions spéciales en bleu ou en vert, des coffrets luxueux dont vous possédez déjà le contenu. Je sais de quoi je parle. J’aime collection­ner ces pressages et ces éditions limitées.” Steven Wilson est d’autant plus ironique à son égard que, outre l’album standard en vinyle et CD, “The Future Bites” est proposé en pressage rouge et en coffret de luxe avec inserts, inédits, remix et vidéos. Enfin, sur son site, ultime provocatio­n, il propose pour dix mille livres, une vraie ou fausse (?) édition Ultra Deluxe produite à un seul exemplaire ! Au milieu de la chanson “Personal Shopper”, Elton John récite mécaniquem­ent une liste de produits et d’objets, des téléviseur­s LED aux crèmes antiâge. “Je ne connaissai­s pas personnell­ement Elton John quand j’ai eu la bonne idée de le contacter car, en y réfléchiss­ant, pour le shopping, c’est un roi. Il est le plus grand consommate­ur vivant sur cette terre. Après avoir reçu ma chanson, il m’a très vite répondu qu’il ne pouvait y avoir de meilleur choix.”

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