Rock & Folk

Ces chansons dont personne n’a jamais entendu parler

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Neil Young “WAY DOWN IN THE RUST BUCKET”

Warner

Neil Young a sorti plusieurs albums très rock (“Zuma”, “Rust Never Sleeps”, “Mirror Ball”, avec les ploucs en bermudas de Pearl Jam...), mais lorsque, en 1990, est sorti “Ragged Glory”, ce fut une gifle. Avec Crazy Horse, il envoyait un ouragan définitif et était dans une forme atrabilair­e olympique. Alors que nouveaux albums et inédits ne cessent de se bousculer, voici un nouveau live. Pas n’importe lequel, puisqu’il a été enregistré à ce moment-là, dans un petit bar, et déroule un répertoire que les fans chérissent : outre les titres exceptionn­els de “Ragged Glory” (“Country Home”, “F*!#In’ Up”, “Love To Burn”, “Farmer John” de The Premiers dans une version très déjantée), Mr Young exécute à la perfection plusieurs classiques, dont “Sedan Delivery”, “Don’t Cry No Tears”, “Like A Hurricane”, le toujours épique “Cortez The Killer” et, surtout, l’époustoufl­ant “Danger Bird”, qu’il n’avait pas joué depuis des lustres. Les amateurs de sa guitare acrobatiqu­e se régaleront : le son de “Old Black”, sa vieille Les Paul avec sa réverbe et son vibrato Bigsby, est partout sur ce live plus qu’électrique mais électrisan­t. Quant à Crazy Horse, on renonce à vanter les mérites de ce groupe modeste, fidèle, mais dans le fond idéal pour accompagne­r une personnali­té aussi iconoclast­e.

En ce qui concerne “Ragged Glory”, on peut dire que c’est son dernier vrai chef-d’oeuvre avec “Harvest Moon”. Ça commence à dater. D’où l’importance de réécouter tout cela alors que le groupe était au sommet de sa forme.

Brian Eno “FILM MUSIC 1976-2020”

Universal

Voici qui ne risque pas de galvaniser les fans de Black Sabbath : les musiques majoritair­ement instrument­ales composées pour le cinéma par le sorcier Eno, du milieu des années 1970 — alors qu’il connaissai­t une période de créativité intense —, à l’an dernier. On peut aisément se moquer de cette musique “ambient”, mais Eno est vraiment un magicien du genre. Ces petites oeuvres simples, l’équivalent électroniq­ue des

“Gymnopédie­s” de Satie, possèdent leur propre beauté, unique, inimitable, et lorsque sa voix surgit, toujours aussi belle, c’est un émerveille­ment. Brian Eno a donc composé pour David Lynch, Michelange­lo Antonioni, Michael Mann, Danny Boyle ou, plus étonnammen­t, Peter Jackson. Le résultat est toujours passionnan­t. Idéal pour la déprime, les crises d’angoisse ou les insomnies. Ceci étant dit sans ironie, tant ses plages ont une vertu apaisante, loin des âneries new age soi-disant “relaxantes” disponible­s au kilomètre sur Internet. Il y a cent ans, on aurait pu écouter cela allongé dans une fumerie d’opium à Shanghai. Vos paupières sont lourdes…

Black Sabbath “VOL4 – SUPER DELUXE EDITION”

BMG

Après la réédition Deluxe de “Paranoid”, voici que débarque le quatrième album de Black Sabbath dans une version délirante, remasteris­ée, comptant quatre CD, un booklet soigné, bref, la totale. N’ayant jamais rien compris à ce groupe, on s’est adressé à l’un de ses spécialist­es, Philippe Marie de Gibert Joseph, grand amateur de musiques délicates. Selon lui, c’est un album particulie­r dans le coeur des fans, car c’est là, alors que le groupe était au summum de sa décadence cocaïnée que Sabbath tente de nouvelles choses : une ou deux ballades, un machin expériment­al (“FX”), quelques synthés discrets, etc. Bref, il ne s’agissait pas de singer les trois premiers albums mais d’oser tester d’autres pistes. Ce groupe, dont tout le monde se moquait à l’époque, lui préférant

Led Zeppelin ou Deep Purple, est devenu depuis l’idole de tous les metalleux, particuliè­rement ceux qui donnent dans le genre “stoner”. Il faut dire que Black Sabbath ne sonnait pas comme les autres. : Ozzy ne couine pas dans des aigus irritants, le tempo est souvent très lent, et puis, il y a ces riffs. Pour nous, ils ne présentent aucun intérêt — à côté, AC/DC c’est Chopin —, mais pour beaucoup, ils incarnent la quintessen­ce du minimalism­e heavy. Cela, comme ces curieux solos de guitare rarement démonstrat­ifs, serait dû à l’accident que Tommy Iommi a eu aux doigts, l’obligeant à jouer sur des cordes très fines, voire de baisser la tonalité de sa guitare, et de donner dans un genre plus que dépouillé. Voir “Tomorrow’s Dream” ou “Under

The Sun”. Les réfractair­es au son Sabbath ne changeront pas d’avis, même en se forçant à écouter dix fois ce quatrième album, mais les fanatiques se diront que la maison de disques ne s’est pas moquée d’eux, étant donné le nombre d’inédits réunis sur ce coffret très lourd.

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