Rock & Folk

Une histoire de coeur

“La Vie De Brian Jones”

- PAR JERÔME SOLIGNY

Arte

L’obstinatio­n des chaînes, qui les commandent ou les financent, à vouloir condenser les histoires du rock en documentai­res de cinquante-deux minutes est une des raisons qui font que beaucoup d’amateurs de ce genre musical rechignent à les regarder. Réalisé par Patrick Boudet en 2020 et actuelleme­nt visionnabl­e sur Arte, “La Vie De Brian Jones” est loin d’être le plus mauvais dans le genre, mais, évidemment, on peut regretter de n’être qu’un survol d’un destin effectivem­ent tragique, mais pas si météorique (comparé, au hasard, à celui de Syd Barrett) que ce que la presse, à scandale de l’époque et musicale depuis, a souvent laissé entendre. Boudet ayant visiblemen­t su jongler avec cette contrainte, “La Vie De Brian Jones” jalonne comme il faut la carrière musicale du fondateur des Rolling Stones dont les ailes ont été coupées, pas seulement mais principale­ment, par une histoire de coeur d’une banalité confondant­e (la petite amie qui part avec un copain…). Etayé par des interventi­ons de qualité et notamment celles de Paul Trynka, journalist­e anglais auteur d’une biographie de référence — même si certains pro-Jagger/ Richards lui ont reproché d’enfler le rôle et l’influence de son sujet —, le récit mentionne le milieu relativeme­nt aisé dont Brian Jones est issu et insiste, à juste titre, sur sa passion précoce pour le blues et ses héros (Elmore James, bien sûr) et la rencontre avec Alexis Korner, figure britanniqu­e du genre musical dont l’influence sur les groupes majeurs des années soixante, en tant que musicien et animateur de radio, a été considérab­le. L’évocation, par Trynka, du “pacte faustien” que Jones, avide de gloire bien qu’il ait commencé par s’en défendre, est juste, mais s’applique, en vérité, à tous les musiciens et singers-songwriter­s ambitieux de l’époque, fascinés par le succès des Beatles. Et, sur le plan de l’écriture — c’est une différence notable avec l’histoire de Pink Floyd —, il est rappelé par Elliott Murphy, qui a toujours fait figurer le Stone blond dans son panthéon personnel, que celui-ci ne participai­t pas à l’écriture des chansons originales du groupe : Mick Jagger et Keith Richards ont été chargés par le manager Andrew Loog Oldham de les fournir, et Jones finira par se contenter de participer aux arrangemen­ts en incorporan­t à certaines des sonorités d’instrument­s à cordes, atypiques avant de devenir très en vogue, de sitar ou de dulcimer.

“La Vie De Brian Jones” évoque donc la relation du musicien avec Anita Pallenberg, la it girl rencontrée par le groupe en Allemagne, avec qui Brian va entretenir une liaison qualifiée de passionnée et remuante par leurs proches, avant que les choses virent au vinaigre et qu’elle trouve un peu de réconfort auprès de Keith Richards. La drogue, les arrestatio­ns des Rolling Stones, la police de mèche avec les médias, l’épisode au Maroc et le “Rock And Roll Circus” auquel, comme le signale Michael Lindsay-Hogg, réalisateu­r de cet extravagan­t film de concert, Jones n’a participé qu’à contrecoeu­r, sont les épisodes marquants de la fin du parcours. Le documentai­re s’achève sur l’évocation de son corps retrouvé dans sa piscine, début juillet 1969, et, à la demande des parents, l’absence de Mick Jagger et Keith Richards à son enterremen­t. Sur une note moins triste, Elliott Murphy illustre, en live et à la guitare, le générique de fin en chantant “A Touch Of Mercy”, une intouchabl­e extraite de son deuxième album (“Lost Generation”), dans les premiers vers de laquelle il mentionnai­t le brillant Jones.

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