Rock & Folk

NEIL YOUNG

- Thomas E. Florin

Depuis 2006 qu’il a ouvert ses archives, avec plus de seize sorties et un site internet empli à ras bord, le loner enfonce le clou avec une version anniversai­re de “After The Gold Rush”, un live inédit de la tournée “Greendale” et ce fantastiqu­e coffret dix CD couvrant, de 1972 à 1976, sa période personnell­ement la plus trash et musicaleme­nt la plus fascinante.

“IL FAUT OUBLIER QUE L’ON ENREGISTRE, ALORS J’ENREGISTRE EN PERMANENCE.” Neil Young a tout enregistré. Tout. Et photograph­ié, filmé, gardé, archiviste de sa propre oeuvre. L’homme à la cinquantai­ne d’albums en ajoute à son palmarès, des inédits, des lives et, dix ans après le premier volume de ses archives, ce coffret couvrant la période 1972 – 1976. Soit celle courant de “Time Fade Away” à “Zuma”, en passant par “On The Beach” et “Tonight’s The Night”. Quatre années pesantes et prolifique­s, d’un magnétisme rare où se cachent ses oeuvres les plus personnell­es. Passade maudite, journal de la folie, des divorces et du mariage tequila-cocaïne ; le Canadien y chronique merveilleu­sement la putréfacti­on des idéaux sixties et sa renaissanc­e à l’aide d’un Crazy Horse transformé. Voici les quatre années où Neil Young saignait littéralem­ent de la musique.

La période maudite

Il avait acheté trois cent quarante mille dollars ce coin de verdure de cinquante-six hectares dans la baie de San Francisco, qui deviendrai­t l’endroit où s’enterrer, lui et son âme. Le Neil Young que l’on retrouve à la première piste du premier disque de ce coffret a quitté Los Angeles et vit dans son ranch de Broken Arrow. Il a divorcé de sa cinnamon girl, Susan Acevedo, et vit depuis deux ans avec l’actrice Carrie Snodgress. A 27 ans, il vient de sortir le plus gros succès de sa carrière solo, “Harvest”, quatre fois disque de platine. Voici un homme riche, reconnu, émancipé de ses compères de Crosby, Stills & Nash, envié par Bob Dylan lui-même. La plus grosse tournée de sa vie doit débuter en janvier 1973 : soixantede­ux concerts en quatre-vingt-dix jours dans des stades de vingt mille personnes. Sold out. L’allée royale vers la richesse, le succès éternel et l’encroûteme­nt. “‘Heart Of Gold’ m’avait mis sur les rails. Comme c’était chiant, je suis allé me planter dans le bas-côté.” Neil est un homme dur, déterminé, qui n’en a toujours fait qu’à sa tête. Ce 15 novembre 1972, il a roulé jusqu’à Los Angeles pour maquetter de nouvelles compositio­ns qu’il veut enregistre­r live lors de sa tournée triomphale. Il est parti seul, laissant le groupe au ranch car les répétition­s se passent mal. Aux musiciens de “Harvest”, Neil a voulu ajouter Danny Whitten du Crazy Horse comme deuxième guitare. Mais Danny est aux fraises et dort debout sous l’influence du cocktail valium et alcool, son substitut à l’héroïne. Jack Nitzsche, très intoxiqué lui-même, le repère dès son arrivée. “Neil, il n’y arrivera pas.” Young installe le guitariste dans un camping-car devant la salle de répétition et lui rend visite pour lui apprendre les morceaux. Parfois, Danny joue ses parties parfaiteme­nt… Dommage que ce soit après que le reste du groupe a terminé la chanson. Le 18 novembre, deux jours après l’enregistre­ment à Los Angeles, Neil lui donne cinquante dollars et un billet d’avion pour rentrer chez lui. Il est viré. Danny meurt à peine arrivé dans la

Cité des anges. Le lendemain, Neil compose un nouveau morceau : “Don’t Be Denied”. La période maudite de Neil Young peut s’ouvrir.

Le temps file

“Fourteen junkies, too weak to work.” Le rythme est frénétique. Kenny Buttrey, l’un des batteurs les plus bookés de Nashville, se bat pour ne pas utiliser les cymbales qui brillent dans le coin de son oeil droit : Neil l’a exigé. Le génial Ben Keith envoie des lignes nonchalant­es de guitare slide pendant que Tim Drummond compresse cette ligne de basse country tout en haut du temps. Jack Nitzsche fait courir ses doigts engourdis par l’alcool sur le piano, écumant de rage contre Neil : cette foule pour laquelle ils ne sont que de petits points

Un sixième membre permanent s’est invité : la tequila

perdus dans l’espace lui donne une frousse du diable. Voici “Times Fades Away”, le morceau et l’album — live — que Neil Young n’a jamais voulu voir rééditer avant 2014. “Le pire disque de ma carrière.” On prend. Tournée de malheur d’un groupe faisant des sauts de puce de ville en ville dans un jet, quintette tanguant où un sixième membre permanent s’est invité : la tequila Jose Cuervo Gold. Especial comme l’on peut lire sur l’étiquette. A mi-parcours, Kenny Buttrey abandonne les fûts à Johnny Barbata : “Je n’arrivais jamais à jouer assez fort pour Neil. Ma caisse claire était pleine de sang, j’achetais des baguettes toujours plus grosses au point qu’un vendeur m’a dit : ‘la taille au-dessus, c’est un tronc.’ ” Neil a laissé “Old Black”, sa Les Paul Gold Top, en réparation au profit d’une Flying V qu’il trifouille

des heures durant en balance, sans rien en tirer. L’ambiance entre Neil et ses musiciens est tellement tendue que Jack Nitzsche commente chaque concert à haute voix, pour le plus grand plaisir des technicien­s qui laissent son micro ouvert dans la régie. “Arrêtez de jouer aussi raide, leur dit Young, jouez ce que vous ressentez, pas ce qu’on a répété.” Le 17 mars, David Crosby rejoint le groupe à Seattle pour un méchant “Yonder Stands The Sinner”, et l’on comprend ce qu’il manquait à cette tournée : un guitariste rythmique. Deux jours plus tard : “Putain, vous ne pouvez pas jouer tout ce qui vous passe par la tête ! Tenez-vous-en aux arrangemen­ts !” La tournée terminée, Neil s’envole en vacances à Hawaï avec Crosby, Stills et Nash pour voir si Stephen est capable de décrocher de la coke, condition sine qua non à l’enregistre­ment d’un deuxième CSN&Y. Après quelques jours de nouba, Neil rapatrie tout le monde à Broken Arrow : Stephen Stills veut travailler toute la nuit — en snifant de la coke —, David Crosby et Graham Nash veulent se lever tôt pour voir les auditions du Watergate, le quartette n’enregistre qu’un seul morceau : “Human Highway”, qui sort pour la première fois dans ce coffret. Cinq mois après Danny Whitten, Bruce Berry, leur roadie de même pas vingt-trois ans, meurt d’une overdose de speedball.

Ce soir, c’est le soir

“Je me sens plutôt détendu les amis.” La batterie tape son ternaire sans se presser. “Moi aussi, j’en veux bien une, Ben.” Le piano articule ses accords septièmes difficilem­ent. C’est la fin de l’été à Los Angeles, les voitures passent pleins phares sur le Strip. Il est trois heures du matin et sept types se mettent au boulot, avec le nez qui pique et d’épais verres noirs devant les yeux. “Quelqu’un a de l’eau ?”

- Mmm. Tiens.

- Whouw. Il y a de la tequila dans l’eau aussi ?

Oui. Il y a de la tequila partout. Sur les vêtements, les instrument­s, dans les haleines. Et la musique aussi. Ralph Molina, batteur du

Crazy Horse : “Quand tu sniffes de la coke et bois de la tequila, à un moment, tu as une aura. Donc on jouait au billard jusqu’à ce qu’apparaisse cette aura, et là, on allait au studio.” Enfin, ils allaient dans une salle de répète transformé­e en studio par David Briggs. Ils en avaient bien essayé un profession­nel, mais il sonnait trop bien pour ce qu’ils cherchaien­t à faire. Alors Neil a installé tout le monde dans le motel où il vivait en arrivant à LA, le Hollywood Center Motel, et David Briggs a eu l’idée de venir ici, au Studio Instrument­al Rentals où il a pratiqué des trous pour faire passer ses câbles. Neil Young a déniché une Broadcaste­r, la Telecaster originelle dont on estime la production à deux cent cinquante exemplaire­s, et cette épave s’est retrouvée embarquée dans cette marée de larmes et d’alcool qu’est l’album “Tonight’s The Night”. “Je voulais que la musique soit nue.” Elle l’est, et Neil aussi. Parce que le Canadien ne laisse pas le temps aux musiciens d’apprendre ses morceaux. Avec l’ivresse, chacun se laisse aller et joue dans l’instant. Pour l’accompagne­r dans cette folie, Neil avait besoin de retrouver ses anciens compagnons : David Briggs à la production (génie), Ralph Molina et Billy Talbot du Crazy Horse à la section rythmique (géniaux), l’inséparabl­e Ben Keith à la slide et pedal steel et Nils Lofgren à la guitare, rencontré sur “After The Gold Rush”, responsabl­e des solos délirants de “Speakin’ Out”. Sublime et négligé, leur jeu place l’auditeur dans une solitude qui serait l’équivalent d’un astéroïde perdu dans les ténèbres de la création. Jusqu’à ce que, soudaineme­nt, ce qui était une oeuvre d’art déchire le voile, et de cette fêlure découle de l’émotion pure. C’est le moment où la voix de Neil Young se brise sur “Mellow My Mind” en prononçant “Ain’t got nothing on those feeling that I had.” Et ça arrive deux fois. Deux fois ! Neil Young a failli pleurer deux fois sur cette chanson. A peine l’album enregistré, Neil partira avec son groupe, renommé les Santa Monica Flyers, pour jouer ces chansons qui ne sortiront sur disque que deux ans plus tard. Habillé en Charles Manson (“Il avait l’étoffe d’un poète, ce mec.”), portant la barbe et des fringues en polyester, flanqué d’un faux cocotier et d’une paire de 420 Fastbacks qui lui barre le visage, il accueille son public par ces mots : “Welcome to Miami Beach : Everything is cheaper than it looks”. Le groupe hurle plus fort que le public, veut du sang, joue de manière bien plus méchante et sardonique que sur l’album. Il se venge sur l’audience de la mort de leurs amis, Bruce et Danny. Neil et ses Flyers se laissent aller à la folie (“contrôlée”) et ne jouent pas un seul morceau déjà sorti ! Quand Young annonce à un public soulagé : “Et voici une chanson que vous avez déjà entendue.”, il entame “Tonight’s The Night”. Pour la troisième fois de la soirée.

Ce cirque voyage jusqu’en Europe où les fans anglais de Buffalo Springfiel­d sont furieux. S’accoudant à une armure de samouraï portant un masque de Richard Nixon, Neil souffle : “Maybe you should have stayed at home.” Le morceau “Tonight’s The Night” se transforme encore : parfois un simple bruit blanc, parfois un long intermède parlé sur la vie de Bruce Berry. Neil n’hésite pas à encourager son public à les encourager : “Remuez vos jumelles de théâtre.” Les membres des Eagles, qui font la première partie, sont horrifiés. “Mais Neil, pourquoi tu te fais ça ?” Aux Pays-Bas, on lui fait parvenir une chronique de concert qu’on lui assure assassine. Tant mieux : Neil Young la fera imprimer sur l’insert de l’album. Non traduite. “Parce qu’à cette époque, tout était en néerlandai­s pour moi.”

Sur la plage

Puis terminus, tout le monde descend. Au Sunset Sound de Los Angeles, Neil Young va toucher quelque chose réservé à une poignée d’artistes. Il va dépouiller sa pratique de tout artifice et toucher à l’émotion pure. Tout ici tient sur le fil délicat du sourire d’un mourant. Il a fallu un certain temps avant d’arriver à cette épure. Entre le 28 novembre 1973 et le 14 février 1974, de retour de sa tournée trash, Neil enregistre de nouveaux morceaux qui s’enfoncent comme dans des sables mouvants : “Winterlong”, “Walk On” où il règle ses comptes avec Lynyrd Skynyrd, “Bad Fog Of Loneliness” déjà bien plombé, un “Borrowed Tune” à la limite de la rupture qui finira sur “Tonight’s The Night” et “Traces”, sur une version où peu de soleil transparaî­t. Un mois plus tard, avec Ben Keith au dobro et lui au banjo, Young imprime sur l’espacetemp­s un instantané de son âme : “For The Turnstiles”, martelé d’un bruit de talon qui bat comme un coeur, des grincement­s de cordes et le frottement de matières (le verre, le fer, la chair) bien trop réels pour ne pas tout écraser sur leur passage. Voici la clé qui fera entrer Neil dans la dimension où jamais rien ne bouge ni ne s’altère : l’éternité. Les trois morceaux suivants composent la face B de “On The Beach” : “Ambulance Blues” (25 février), “Motion Pictures” (26 février) et “On The Beach” (28 mars), servi à merveille par un ami de Ben Keith, Rusty Kershaw. Ancienne moitié d’un duo de country cajun, Rusty & Doug Kershaw, cette espèce de chamane du bayou prépare des tranches de galette au miel et à l’herbe pour les séances d’enregistre­ment. Pendant que les musiciens tombent dans les vapes (“Ce truc était plus fort que l’héroïne”, dixit le producteur Al Schmitt), Rusty attrape un violon et en joue pour la première fois de sa vie sur “Ambulance Blues”. Son crincrin scie le coeur en deux. Sur “Motion Pictures”, avec Ben Keith à la basse — accordé au moins un ton en dessous de la normale — et Ralph Molina qui ose à peine taper sur son tambour, il joue de la slide selon la méthode utilisée durant toutes les séances : personne ne doit connaître le morceau hormis Neil.

Neil Young a failli pleurer deux fois sur cette chanson

Comment faire pour ne pas sonner faux ? Rusty Kershaw: “Il suffit qu’on soit très proches les uns des autres. Neil, quand je suis à côté de toi, tes ondes sont tellement fortes que je sens ce que tu vas faire.” Al Schmitt, réfugié de l’autre côté de la vitre, écoute ce qui sort des retours sans jamais voir qui joue de quoi : “Il faisait tellement sombre là-dedans que j’avais peur d’entrer. Alors, j’étais face à cet écran noir et cette musique sortait des enceintes.” Fin mars, de nouveaux musiciens (et un nouveau producteur) rejoindron­t l’équipe. David Crosby et Graham Nash flippent devant un Rusty Kershaw possédé par l’esprit d’un serpent (“Etrange de voir ce gros type onduler sur le sol au son de la musique”). Pour “On The Beach”, Graham se glisse derrière le piano Wurlitzer et Tim Drummond la basse. Ce morceau, dont on peut jouer le premier accord avec un doigt de la main gauche, permet d’entendre l’âme des musiciens cliqueter sous les bourrasque­s du temps. Rick Danko et Levon Helm du Band arrivent pour le morceau hommage à Charles Manson : “Revolution Blues”. La batterie de Helm, toujours autour du beat et pourtant l’appuyant, fait de roulements que l’on n’entend pas, mécanique complexe d’un morceau simplissim­e, impression­ne. La session s’achève le 7 avril 1974 par “Vampire Blues”, puis Neil se fait photograph­ier sur la plage, de dos, avec le palmier et le costume de la tournée “Tonight’s The Night”. Au loin, il semble regarder un soleil se levant difficilem­ent sur cette longue nuit de l’âme. La suite de ce coffret raconte comment Neil Young va s’en sortir.

Sa plage privée est le point de ralliement des femmes voulant bronzer la poitrine nue

Au pays

Ce qui cuisait depuis un an déborde désormais : Neil Young et Carrie Snodgress se séparent. Avant de partir en tournée avec CSN&Y, Neil écrit crûment sur l’épisode fatal à sa vie de couple : la fuite de Carrie à Hawaï avec un “capitaine de bateau”. En deux jours, Neil enregistre six morceaux, dont “Hawaiian Sunrise” et “L.A. Girls And Ocean Boys” qui raconte l’histoire. Un autre, très beau, agrémenté plus tard des choeurs de CSN — “Pardon My Heart” — clôturera l’album de la renaissanc­e : “Zuma”. La tournée avec CSN&Y de l’été 1974 laisse entendre un Stephen Stills en roue libre aux solos insupporta­bles. A l’automne, Neil continue d’écrire dans son ranch et enregistre cinq nouveaux morceaux en une journée. La plupart de ces prises, inédites, sont sur le sixième disque de ce coffret. Puis il convoque le Crazy Horse au Studio Chess de Chicago pour décider s’il sera le groupe de son prochain album. Ralph Molina et Billy Talbot débarquent avec une surprise. Elle est de taille : c’est le nouveau guitariste du groupe, Frank “Poncho” Sampedro. Six jours plus tard, Neil part au studio Quadrafoni­c de Nashville et, avec une partie de l’équipe de “Harvest” et des amis comme Levon Helm, il enregistre une première base de l’album “Homegrown” au moment où Carrie Snodgress, à des milliers de kilomètres de là, déménage ses affaires de Broken Arrow. Ce qui marque dans les sessions de cette période, c’est le décalage entre l’incroyable crudité des chansons, un journal intime laissé à la discrétion de l’auditeur, et la voix de Neil, bien plus droite et froide qu’elle ne l’a jamais été. Comme si Young renouait avec le jour, s’exposait en pleine lumière et livrait le compte rendu glacé du drame qui traverse sa vie. La musique, jouée dans un minimalism­e qui laisse parfois pantois (la batterie de “Try”) montre que, malgré tout, Neil Young a repris le contrôle sur sa musique après que celle-ci l’a baladé deux ans. L’expériment­al “Florida”, le très beau “Kansas”, le traumatisa­nt “Separate Ways” l’indiquent. L’album ravit Warner qui pense pouvoir en vendre cinq millions d’exemplaire­s. Seulement voilà : alors que Neil est au Château Marmont avec les membres du Crazy Horse, du Band et le génial Bobby Charles, tous tranquille­ment affalés pour écouter les prises de “Homegrown” en se défonçant à la méthédrine, quelque chose se passe : sur la bande se lance “Tonight’s The Night”. L’un des mix sur lequel Young et Briggs s’écharpent depuis bientôt deux ans. Choquée, la fine équipe supplie Neil de sortir cet album. Neil appelle Warner, leur dit de remplacer “Homegrown”, qu’il trouve trop personnel, par l’album maudit. Le label mange son chapeau et s’exécute. Les ventes sont faméliques…

Zuma

Les trois derniers disques de ce coffret laissent Neil en bonne compagnie. À Malibu Beach, sa plage privée est le point de ralliement des femmes voulant bronzer la poitrine nue. A tout juste trente ans, célibatair­e, Neil Young s’est à nouveau trouvé un clan de copains. En une journée de répétition avec le Crazy Horse, il comprend qu’il tient le groupe qui va lui permettre de jouer sa musique dans les stades. Pour Frank “Poncho” Sampredo, il minimalise ses chansons. Trop souvent, on loue les guitariste­s pour leur jeu de main gauche, celle des notes. Mais non, Neil Young a toujours été dans la droite, dans le rythme, le timbre et la puissance, capable de casser trois cordes d’un seul accord. C’est ainsi qu’il crée ce son de danse de guerre du Crazy Horse qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Rabibochés avec David Briggs, les cinq copains s’enferment dans la plus petite pièce d’une maison de LA. pour enregistre­r “Zuma”. Solaire par bien des aspects, voire bouillant, Neil y met des riffs (“Drive Back”) et des morceaux influencés par le PCP de Poncho (“Cortez The Killer”, encore un sommet de Young). Jamais un album de Neil Young n’avait été aussi bruitiste (“Danger Bird”) et méchant (“Stupid Girl”). S’ensuivront une tournée des bars incognito, la compositio­n de “Like An Hurricane” et un nouveau foirage avec CSN&Y (qui donnera l’album “Long May You Run” signé Stills-Young). Le coffret se termine par la tournée eurasienne du Crazy Horse de mars 1976. Pour notre plus grand plaisir, le live du Odeon Budokan de Londres, livré par un groupe complèteme­nt sous acide, clôture le coffret. Et Neil Young nous laisse là, avec les germes de ce qui deviendra “American Stars & Bars”, “Comes A Time”, “Rust Never Sleeps” et “Hawks & Doves”. Car, après la période maudite et la renaissanc­e, viendront pour Young cet essor de dieu du stade (le “Live Rust”) et les expériment­ations synthétiqu­es de “Human Highway” avec Devo, et des vocodeurs de “Trans”. De quoi nous tenir encore en haleine sur quatre ou cinq volumes d’archives.

Coffret “Archives Vol.II (1972–1976)” (Reprise/ Warner)

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