Rock & Folk

LULU VAN TRAPP

Le quatuor — qui commence souvent ses concerts en costume pour les terminer nu — a dû patienter un an avant de sortir son fleurissan­t premier album. Histoire d’une rencontre en deux temps.

- Thomas E. Florin

ON LES AVAIT LAISSÉS IL Y A UN AN PAR UNE BELLE FIN DE MATINÉE DE MARS. Rebecca portait un T-shirt aux couleurs du Texas et avait les cheveux blonds, Max des carreaux à sa chemise et peut-être même des bretelles sous sa veste. Ils avaient fait une chouille d’enfer à l’annonce de la fermeture des bars, et étaient enthousias­tes à l’idée de sortir leur premier album. 2020 devait être leur année, alors on se quitta en se promettant de se revoir bientôt. Mais à peine trois jours plus tard, plus rien, le vortex. Chacun était réduit au silence.

Une plage, une pizzeria

Douze mois s’étaient donc écoulés et, tout comme l’année précédente, le printemps était en avance. On les retrouvait devant les bureaux des Editions Larivière où ils devaient être interviewé­s pour Rock&Folk Radio. Le soleil tranchait les ombres, Rebecca était devenue châtain et portait de blanches bottes cow-boy. Ses habits de campagne apparemmen­t, où elle allait câliner des poneys. Max n’avait plus de carreaux à sa chemise, mais une nouvelle veste en cuir trois-quarts et une casquette taillée dans la même matière. Noir et blanc, chien et chat. Ces deux-là ont cette chose des vieilles âmes qui se connaissen­t depuis une autre vie. Cela se perçoit à leur manière de ne pas se parler, de la grande intimité qui naît de leur silence. Le noyau parfait pour fonder un groupe. Comme la graine contient l’arbre sur lequel chanteront demain les oiseaux, Rebecca et Max sont la Maman et le Papa de Lulu Van Trapp. Sans qu’on ne sache très bien qui est la maman, et qui est le papa d’ailleurs.

A l’origine, il y avait La Mouche. Un groupe de squat, une quasi-communauté qui, de temps en temps, se déplaçait de ville en ville, formant une caravane. Le genre tout à fait capable de construire une scène, d’organiser une buvette, monter une sono et “foutre le zbeul” dans les sous-sous-préfecture­s de France. Une sorte de réminiscen­ce de l’esprit alterno qui n’a pas complèteme­nt quitté la matrice des Lulu — d’ailleurs, n’est-ce pas indiqué dans le surnom que nous venons d’utiliser ? Pourtant, il aurait pu en être autrement. Parce que face à la grande violence de La Mouche, Max et Rebecca se mirent à écrire des chansons d’amour. C’était ça Lulu Van Trapp ; le cocon et l’intimité, ces silences qui en disent long, mis en musique, pour rester proches dans une vie qui se déroulait au milieu des regards. Un premier concert eut lieu sur la plage de Biarritz, lors du festival organisé par les membres de La Femme. Il y avait un coucher de soleil, des chansons douces et des boîtes à rythmes. Et la voix de Rebecca, puissante. Un autre semble avoir eu lieu dans la mystique pizzeria de la Porte des Lilas : Le Rigoletto. Une plage, une pizzeria, voilà à quoi ressemble le début du chemin qui mène à la gloire.

Un château baroque

Puis le duo devint groupe. A l’époque où Rebecca était blonde et que les confinemen­ts n’existaient pas, elle disait : “Avec Lulu Van Trapp, on cherche à tuer la maladie moderne qu’est l’ego.” On parlait de leurs déguisemen­ts, leurs concerts organisés comme des bals à thèmes, leurs costumes et leur nudité, l’excentrici­té qui peut sortir de leurs personnes, et pourtant l’intimité qui règne entre eux. C’est écrit dans leur communiqué de presse : “On a construit un château baroque pour se mettre nu à l’intérieur.” Voilà : c’est exactement l’effet que donne leur premier album. Des chansons d’amour devenues folles, une explosion de son, un disque qui hurle même quand il ne fait que caresser. Au noyau originel se sont greffés les autres membres du groupe, Manu et Nico. Max, Rebecca, Manu et Nico… Puis il y eut des costumiers, des maquilleur­s, des coiffeurs, des scénograph­es… Lulu Van Trapp embauche. Un producteur est tombé amoureux de ce groupe qui ne s’interdit rien. Il a monté son label pour eux, Because distribue. Tout allait bien dans le meilleur des mondes, puis…

A l’époque où Max portait du cuir, il disait : “Je crois que, quoi qu’il arrive, on va faire un truc pour la sortie de notre album.” C’est leur premier album. Qui va pouvoir leur interdire de le jouer, sur scène, devant des gens ? Mais est-ce bien moral ? Voilà qui est intéressan­t. C’est la nouvelle donne, la nouvelle équation à résoudre quand on a un groupe de rock dans les années 2020. “C’était à l’arrière-plan de notre pensée avant. Mais avec l’année qui vient de se dérouler, c’est venu au centre de nos interrogat­ions : va-t-on faire le monde d’après, va-t-on en faire partie ou rester autour ? Et qu’est-ce qu’il va être ? Quel va être le rôle de notre musique là-dedans ?” Rebecca et Max, chat blanc chat noir, se regardent, puis concluent par un silence. Leur premier album sort le 23 avril. Il s’appelle “I’m Not There To Save The World”.

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