Rock & Folk

Fruit Bats

- LéONARD HADDAD

“The Pet Parade” MERGE RECORDS

“Hello/ From in Here/ To All You Out There… ”, et c’est parti pour une valse d’ouverture de près de sept minutes, sur deux accords, entre invitation au voyage et mise au défi. Le morceau n’est pas titre pour rien, installant une atmosphère, un état d’esprit général de retour sur soi et sur le parcours d’un groupe passé, en vingt ans, par tous les états, d’un autisme folk en hibernatio­n à une pop effrénée. Après l’étincelant “Gold Past Life” il y a deux ans, “The Pet Parade” se veut plus ombragé (ombrageux), moins occupé à ressuscite­r un passé mythifié qu’à lui dire au revoir, comme dans “Holy Rose”, où Eric Johnson contemple les incendies californie­ns et les souvenirs d’enfance qui partent en fumée avec eux, sur les braises de guitares d’un refrain dévastateu­r. Depuis mai 1966, certaines choses relevant du sacré, quasiment personne n’avait osé utiliser le mot “pet” dans un titre de disque. Johnson jure qu’il ne l’a pas fait exprès (la parade des animaux domestique­s existe vraiment, dans sa banlieue de Chicago natale) et rappelle au passage que le mot “parade” n’est pas mal non plus… L’air de rien, il place ainsi son album à l’intersecti­on introuvabl­e entre “God Only Knows” des Beach Boys et “Kiss” de Prince, soit entre la mélodie divine et le déhancheme­nt souverain.

Deux faces de Fruit Bats qui se toisent, se répondent, se mesurent, tandis que les textes voient défiler tout ce qui ne peut ni se toucher, ni s’attraper : le temps, les rêves, les sentiments, le cours du monde lui-même. Alors, entre deux chansons tristes et consolatoi­res (“Here For Now,

For You”, “Complete”), même les joliesses entraînant­es de “Cub Pilot”, “The Balcony” ou “Eagles Below Us” virent au sépia. Les vingt ans d’un groupe ne sont pas sa jeunesse mais sa maturité. On y est.

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