Rock & Folk

Arab Strap

- THOMAS ANDREI

“As Days Get Dark” ROCK ACTION

Qui voudrait visualiser un Ecossais de quarante-sept ans, barbu et en surpoids, en train de se masturber devant son ordinateur ? Assurément peu de monde, et c’est pourtant ce qu’Arab Strap impose à ceux qui s’aventurero­nt à écouter les paroles de leur premier opus depuis quinze ans. Ballade léthargiqu­e, “Another Clockwork Day” évoque donc un homme déprimé par “le son commercial des live cams gratuites”, qui finit par retomber amoureux de sa femme en cliquant sur des images numériques de mauvaise qualité. Un morceau horrible et magnifique qui résume “As Days

Get Dark”, disque comme un train de nuit solitaire, où l’on se marre au bar, où de la lumière s’échappe d’une porte de toilettes entrebâill­ée. “Kebabylon” évoque une Babylone aux rues sales où l’on écrase des seringues dans des effluves de kebab avant de s’évanouir devant un porche trempé de pluie froide. “Sleeper” est un voyage existentie­l au bout de la nuit durant lequel le narrateur voit que sa vie aurait pu mal tourner. “Fable Of The Urban Fox” parle de chiens racistes qui butent des renards immigrés. Et pourtant, on a envie d’y être. Sûrement parce que l’album fait rimer “grave” avec “rave” (“The Turning Of Our Bones”) et danser sur le dancefloor du pluriamour (“Compersion, Pt. 1”). Peut-être parce que même lorsqu’un titre parle de réunir des gens pour les faire pleurer (“Tears On Tour”, et son solo à la Chris Isaak), on ressent une forme de chaleur et on sourit. Probableme­nt parce que ce qui attire, Brexit ou pas, chez les peuples des îles anglo-celtes, c’est ce talent pour l’apitoiemen­t royalement mis en scène, avec un sourire en coin et une pinte à la main. La sinistrose transformé­e en grandes chansons.

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