Feu ! Chatterton
“Palais D’Argile” CAROLINE/ UNIVERSAL
Le quintette parisien avait composé les chansons d’un spectacle annulé pour cause de pandémie, il en a fait la matière d’un troisième album qui s’interroge sur notre rapport à la technologie et le besoin de repères dans un monde qui s’effondre. C’est ainsi que le morceau introductif, qui s’impose grâce à sa suavité mélodique (“Un Monde Nouveau”), prend des accents prémonitoires (“Le monde de demain/ On le bégayait tous/ Sans n’y comprendre rien”), bien qu’il ait été conçu avant la crise sanitaire. Le projet est ambitieux, peut-être trop, d’autant que la plupart des treize morceaux sont longs et adoptent souvent une construction similaire. Mais leur particularité réside dans la confrontation de deux tendances assumées. D’une part, l’attachement à une chanson française un peu datée, perceptible à travers l’importance accordée à des textes très littéraires (tous originaux à l’exception d’un poème de William Butler Yeats) qui ne dédaignent pas les formulations désuètes et sont portés par le phrasé d’un chanteur évoluant entre gouaille populaire et lyrisme à la Dominique A (“La Mer”). D’autre part, une potion musicale résolument moderne qui mixe instruments organiques et synthés : enregistré à Bruxelles par le sonorisateur du groupe indus berlinois Einstürzende Neubaten, l’album a été supervisé par Arnaud Rebotini, pointure de l’electro hexagonal. Télescopant moments intimistes et bascules electro, emballement dance (“Ecran Total”) et climats sophistiqués (“Cristaux Liquides”), incartade groovy (“Compagnons”) et ballades évoluant du dépouillement à la luxuriance (“L’Homme Qui Vient”), Feu ! Chatterton défend avec une conviction contagieuse son identité plurielle et son dandysme esthétique. JJJ