Beethoven n’était pas un sex-symbol
2021 sera-t-elle l’année Lou Reed chez les dessinateurs ? Avec quelques apparitions récurrentes dans la bio graphique de Leonard Cohen, c’est au tour du dessinateur Prosperi Buri de croquer le rocker new-yorkais dans “Une Histoire Du Velvet Underground” (Dargaud). Après un préambule rapide mettant en scène Andy Warhol découvrant le groupe dans un bar à touristes, l’histoire rebondit dans le temps : Lou Reed quitte le domicile familial après que ses parents ont autorisé un traitement par électrochocs pour le guérir de ses tendances homosexuelles. De là à y voir l’origine de la noirceur de ses textes, il n’y a qu’un pas que certains n’hésiteront pas à franchir. L’histoire telle que rapportée par Prosperi Buri est fidèle à la réalité. Le puriste notera la représentation du manager
Steve Sesnick en une espèce de lézard géant. Comme quoi la rancune des fans est tenace. Reste à savoir si le style BD rigolote, sans décor ni cadre, sera au goût de tout le monde.
Depuis la vague punk de 1977, combien de personnes ont-elles découvert la musique de Ludwig van Beethoven à travers les riffs monstrueux des Sex Pistols ou des Ramones ? Avec “Ludwig Et Beethoven” (Dargaud), le dessinateur bavarois Mikaël Ross signe une bio pas piquée des vers du compositeur cité par Chuck Berry ou les Beatles.. Si Ross raconte l’histoire avec humour et impertinence, il a sérieusement travaillé son sujet pour présenter la dualité qui caractérise l’auteur de la musique que l’on entend, notamment, dans “Le Jour Le Plus Long”... A cause d’un père alcoolique qui voit en lui la possibilité de boire encore davantage, il devient cet enfant prodige que les grands de l’époque vont s’arracher et porter au firmament. Personnage au caractère emporté, à moitié sourd, Beethoven n’était pas un sex-symbol. Pourtant, à la lecture de cet ouvrage exécuté dans un style que n’aurait pas renié John Holmstrom, Mikaël Ross raconte avec brio la naissance de la première rock star.
Avant d’être dessinatrice, Magali Le Huche faisait partie de ces enfants incapables de s’épanouir en milieu scolaire. Avec “Nowhere Girl” (Dargaud), elle revient sur cette phobie de l’école débutée lors de son entrée en sixième. Dans cette histoire didactique toute en couleurs rétro, elle raconte comment les chansons des Beatles lui ont permis de s’inventer un univers protecteur en milieu hostile. On peut éventuellement sourire en lisant les premières pages de ce mal de vivre, mais que ce soit dans une zone de banlieue ou dans le cinquième arrondissement de Paris, le malaise des enfants en milieu scolaire peut devenir un drame du quotidien. C’est pourquoi ce manuel de combat se doit d’être lu et le poids du cartable s’en trouvera allégé.
A travers “Leonard Cohen : Sur Un Fil” (Casterman), Philippe Girard rend un vibrant hommage à la ville de Montréal. Axé autour de quelques points forts de la longue carrière du Canadien, ce point de vue graphique est tout sauf déprimant. Même si les références à la mort, à la religion et aux accidents de la vie sont nombreux, le découpage narratif donne un coup d’accélérateur plutôt plaisant à l’histoire. Au fil des chapitres qui tournent autour des succès, des amours et des déboires de la star, l’auteur a pris soin d’éviter l’accumulation de détails pour raconter le poète. Dans ses cases, il montre un personnage attachant perdu dans sa complexité ; capable de tout et de son contraire. Dans la suite d’événements marquants retenus par Girard, le dessinateur présente les faits sans tamponner les pages avec un label bien ou mal. Pour cette raison, cette vie parcellaire de Leonard Cohen vaut le coup d’oeil.