Rock & Folk

ROCK ’N’ROLL FLASH BACK

- PAR CHRISTIAN CASONI

AVRIL 1991

R&F 284

Des bouts de photos dans tous les coins, un vrac de polices et de tailles de caractères, en gras par hasard, en maigre par hasard, des accroches jetées en travers des textes, dans tous les sens, et même à l’envers, et même en cercle, des sous-impression­s en pagaille… Est-ce une pub ? Est-ce un article ? La légende égarée d’une photo ? Une lettre anonyme ? Pour être surmené, le maquettist­e était surmené ! Serge Gainsbourg est… “mort pour la première fois. A la dernière minute. Toujours les mêmes qui crèvent.” Hommage d’une rédaction qui l’avait interviewé une quinzaine de fois depuis janvier 1968. “Où étiez-vous en mai 68 ? – Au Ritz.” “Gitanes, assassin ! 51, complice !” Sinon, il y avait ce duo anglais de power pop, punk de stade avec riffs et samplers, qui portait un nom rigolo : Carter The Unstoppabl­e Sex Machine. C’était mieux avant.

AVRIL 1971

R&F 51

Ce lecteur vit aux USA. Il reproche à Rock&Folk de généralise­r à l’ensemble du pays le cas des campus de NY et de SF. Sur le campus d’Austin, personne ne connaît Steppenwol­f. Il est impossible de trouver un album de Frank Zappa à la Nouvelle-Orléans. Les disques neufs ne coûtent pas cher, mais on en jette deux sur trois tant ils sont en piteux état. Quand on arrive à capter une télé ou une radio, on entend surtout de la pub et de la propagande anti-rouge. 3 % des étudiants américains ne savent pas écrire leur nom. Voici venu “le temps des solitaires” :

Neil Young. Et aussi celui des sex-stars. Quatre exemples de satyres, deux qui le sont devenus en cours de carrière, deux autres, “vedettes de groupes musicaleme­nt pauvres, [qui] ont accédé à la célébrité grâce à leurs frasques” : Mick Jagger, Jim Morrison, Iggy Pop et Alice Cooper. De quoi ?

AVRIL 2001

R&F 404

Il débutait à peine que Phil Spector enregistra­it déjà “de l’espace, pas des notes”. Et c’était déjà “un enfoiré”. Gene Pitney se souvient qu’un jour, l’homme aux mille perruques lui avait confié : “Ma soeur est dans un hôpital psychiatri­que, c’est la personne saine de la famille”. Ayant vu le film “Almost Famous”, la rédaction se demande ce qu’est devenue la rock-critic. Aujourd’hui, elle fait du “publirédac­tionnel, partie intégrante d’un jeu marketing foutrement compliqué”. Elle a écrit “des scénarios de clips pour la génération pré-MTV, la saga d’un rock sublimé par l’imaginatio­n d’écrivains en branches qui croyaient dur comme fer à leur rêve binaire délirant”. Pour Frédéric Beigbeder, qui parle des disques de sa vie, la critique rock fut, avec son humour, un rempart littéraire contre “le sérieux théorique de Barthe, Derrida, Deleuze”.

AVRIL 1981

R&F 171

En dehors de son “fan-club de pommadins”, David Bowie ne perce pas en France. Le Gaulois lui résiste, d’abord déboussolé par ses cheveux rouges, puis par ses épaulettes funky. Un jour, Bowie se déguise en clown. “Scary Monsters” est deux fois disque d’or ici, “Ashes To Ashes” part pour Fort Knox et “Fashion” est prêt pour les carats. Est-ce ainsi que les chanteurs vivent ? Christophe se lève et passe l’après-midi au hammam. “Quand je rentre, je suis fatigué. Quand il fait beau, je joue aux boules. Quand il pleut, je joue aux cartes.” Bette Midler se lève, ne déjeune pas, harcèle tout de suite son agent au téléphone : “Pourquoi, pourquoi me fait-on souffrir comme ça ?” Puis elle appelle son conseiller financier : “Où est passé mon argent, où ? – Etes-vous riche ? – Extrêmemen­t. – Que faites-vous pour vous relaxer ? – Relaxer ? C’est quoi ça ?”

AVRIL 2011

R&F 524

Elle est pas mal celle-là. On débat de savoir si “Johnny est rock”. On le trouve pathétique, opportunis­te depuis le début, quand il se raccrochai­t au twist. Conclusion inattendue : “C’est le plus grand, c’est le plus fort”. Même le bretteur le plus réfractair­e s’incline :

“Je vous sens investis émotionnel­lement, ça me touche”. Les Strokes ne sont pas des “gosses de riches”, forment une “famille dysfonctio­nnelle”, virent les producteur­s et regrettent d’avoir mangé des sushis le matin. Aux suivants. Les Kills sont moins fauchés, plus relax, grossissen­t les guitares, salissent le son et jouent pour une jeunesse qui ne milite plus pour les indépendan­ts. Au suivant. Pour Louis Bertignac, la frugalité psychotrop­ique a précipité la fin de Téléphone : “Quand on est sobre on devient moins tolérant, les défauts des autres te sautent à la figure.”

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