Rugby Magazine (France)

Estève le grand

Chabal avant l’heure

- Eric Mendes

Dans les années 70, Alain Estève n’était pas du genre à passer inaperçu, mais c’est avant tout pour son talent que “Le Grand” a brillé avec Béziers, mais aussi l’équipe de France. Pour beaucoup, Alain Estève, qui nous a quittés le 7 novembre dernier à 77 ans, était d’abord une gueule et un physique impression­nant. Le croiser sur un terrain était comme aller à une bataille dont l’issue pouvait être fatale. Le natif de Castelnaud­ary avait été fait dans la roche la plus dure et la nature n’avait pas lésiné pour lui doter de qualités hors normes pour l’époque. Avec 2m02 et plus de 120 km, Estève marquait les esprits de ses adversaire­s par un regard, mais également un impact qu’il était le seul à mettre. De ses débuts au RC Narbonne à ses années de gloire à L’AS Béziers, il a révolution­né le poste de 2ème ligne. En défense, il était intraitabl­e et prenait un malin plaisir à rentrer dans la tête de ses adversaire­s. Il était aussi le premier garde du corps de ses coéquipier­s qui adoraient l’avoir à leurs côtés. De 1966 à 1982, il a écrit les plus belles pages de L’AS Béziers avec qui il a remporté 8 titres de champion de France entre 1971 et 1981. Si le record appartient à son coéquipier Armand Vaquerin avec 10 Boucliers de Brennus, Alain Estève complète le podium de l’histoire avec 8 trophées aux côtés des Biterrois Jeanlouis Martin (9) et Michel Palmié (8). Repéré par les Laurent et Walter Spanghero, il réussit à bousculer son destin grâce au ballon ovale.

Les plus belles pages de Béziers

Fils d’agriculteu­rs, Alain Estève enchaîne les boulots sans se soucier du rugby. Après avoir tenté d’être maçon puis chauffeur municipal, il se focalise sur le rugby qui lui permet de se faire un nom et une réputation. Après ses débuts à Narbonne, il décide de rejoindre L’AS Béziers, à l’issue d’une seule et unique saison pour prendre définitive­ment son envol et instaurer une domination sans partage avec le club biterrois. Le championna­t de France vivra alors des finales légendaire­s comme en 1971 (15-9 ap) face au RC Toulon d’andré Herrero, qui sera blessé aux côtes, le RC Narbonne de Jo Maso et Walter Spanghero (16-14) en 1974 ou encore le Stade Toulousain de Jean-pierre Rives, Jean-claude Skrela et Guy Novès (10-6) en 1980. Mais c’est en équipe de France qu’alain Estève allait rentrer dans la grande histoire avec des batailles que le monde entier a pu apprécier avant même Sébastien Chabal. En 20 sélections, il remporte le Tournoi des Cinq Nations en 1973, une année où les cinq équipes termineron­t à égalité et donc ex aequo. De 1971 à 1975, il sera un précieux soldat de Jacques Fouroux qui savait profiter de la puissance de celui qui allait devenir La Bête de Béziers pour les Anglais. Avec sa barbe et son regard perçant, il était inimitable et savait accompagne­r d’un sourire en coin pour valider chaque action marquante qu’il réalisait. Le Grand a fait l’unanimité jusqu’au bout de sa carrière. Devenu par la suite entreprene­ur, il allait gérer plusieurs affaires qui allaient le faire passer à plusieurs reprises devant le juge pour diverses raisons plus ou moins graves (dissimulat­ion de recettes au fisc, proxénétis­me…). Mais, pour le rugby, il restera à jamais Le Grand, un joueur qui savait prendre de la hauteur quand le niveau le demandait.

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