Rugby Magazine (France)

Franck Lemann : “Il faut former un nouveau public”

Président de la Fédération Française des Supporters de Rugby

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Le Président de la Fédération Française des Supporters de Rugby explique qu’un public nouveau débarque et donc qu’il faut l’éduquer.

Depuis la Coupe du monde, une certaine mauvaise conduite du public s’est généralisé­e sur les terrains notamment avec des sifflets, des huées...

Les sifflets, ce n’est pas une nouveauté dans certains endroits... A Perpignan ou Toulon par exemple, les sifflets étaient déjà existants, traditionn­els (sic). Il y a d’autres endroits où cela commence à se répandre. C’est la généralisa­tion des choses qui me dérange.

Comment expliquer ce phénomène ?

C’est un nouveau public. La Coupe du monde a drainé un public qui n’était pas forcément un public rugby au départ. On a déjà constaté le phénomène avec celle précédente. Il y a toujours un public nouveau qui apparaît avec la Coupe du monde. Venant d’autres sports, il met un peu de temps à rentrer dans le moule. Pour certains, on croirait qu’ils découvrent le rugby. Cet élargissem­ent du public nous impose d’en reformer un nouveau. C’est un peu long. C’est d’autant plus long que la presse, la télévision, des gens connus dans le rugby émettent des critiques sur l’arbitrage qui n’ont pas lieu d’être. Quand c’est relayé, cela donne l’impression au public qu’il a raison.

Tout n’est pas non plus la faute des médias !

Je ne mets pas tout cela sur le dos des médias. Je dis que cela n’arrange pas forcément les choses. Quand un consultant sur Canal dit : “Moi je n’aurais pas sifflé cela ou j’aurais donné carton jaune”, en réalité c’est l’arbitre qui a raison et non le consultant de Canal.

Mais ce n’est pas nouveau. Et pourtant on ne constatait pas ce genre de réaction du public auparavant.

Non, mais quand j’entends des commentair­es du type : “On nous a volé la Coupe du monde”, c’est moyen. On ne nous l’a pas volée. On se l’est perdue tous seuls (sic).

L’équipe de France n’est-elle pas un prétexte à certaines dérives ?

Non. C’est surtout le fait de voir des tas de gens qui n’y connaissen­t rien. J’ai pu assister à quelques matches de la Coupe du monde. J’ai pu entendre des commentair­es du type : “Comment peut-on faire un en-avant avec un ballon ovale...”.

“En 2007, on a déjà traversé cela”

Le rugby est-il en train de prendre les maux du football ?

Non. Mais il y a un certain amalgame qui est fait par des gens qui ne sont pas du rugby. Il n’y a pas de copiage. Les notions sont même très différente­s. Si on prend un exemple de base, il y a très peu de déplacemen­ts de supporteur­s dans le rugby. C’est toujours complexe à organiser. Ce n’est pas la même ambiance non plus. On ne peut pas faire l’aller-retour dans la journée car cela revient à se priver de la 3ème mi-temps et donc d’une partie de l’ambiance rugby. Les gens qui se déplacent dans le rugby prévoient de le faire plus longuement sur un jour, deux jours, trois jours. Après, qu’il y ait des sifflets, on va finir par leur apprendre... Le rôle des supporteur­s et des associatio­ns de supporteur­s consiste à apprendre au nouveau public à le former pour qu’il n’y ait pas de multiples dérives.

Etes-vous inquiet ?

Non. Nous à la fédération et nos adhérents, on fera le boulot, à savoir éduquer les nouveaux publics. En 2007, on a déjà traversé cela. Au final, cela s’est bien passé. On maîtrise assez bien la situation. Comme il y a un afflux massif après la Coupe du monde, cela prend un peu plus de temps pour les absorber. C’est l’effet de masse. Pour les sifflets, c’est pareil.

Le phénomène est-il momentané ou cela risque-t-il de s’accroître et de durer ?

Je pense que cela ne s’accroîtra pas. Tout le monde réagit assez bien. J’étais récemment dans le Lyonnais. J’y étais pour supporter le Stade Français. On a entendu partir d’une tribune quelques chants pas très pro-parisiens. La tribune où j’étais s’est mise à hurler pour couvrir ces chants et faire taire les gens. Suite à cela, le club a immédiatem­ent réagi pour écrire à tous les gens qui se trouvaient dans cette tribune et qu’il n’y aurait pas de tolérance en analysant les vidéos. Je le sais car j’ai eu Yann Roubert (président de Lyon, Ndlr) deux jours plus tard. Je lui avais écrit en disant que ce n’était pas admissible. Il m’a répondu : “Voilà la lettre que j’ai envoyée à tous les gens qui se trouvaient dans cette tribune”. Donc tant que tout le monde marche la main dans la main - les supporteur­s, les clubs - pour éviter la moindre dérive, cela se passera très bien. Cela prendra un certain temps pour éduquer les gens qui viennent d’arriver. Mais le public va découvrir que la conviviali­té est un des points essentiels. C’est ce qui fait notre différence. Propos recueillis par Jean-marc Azzola

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