Santé Naturelle

Réapprendr­e à cuisiner

L'alimentati­on saine ne dépend pas uniquement du choix et de la qualité des aliments qu'on consomme. Elle dépend également du mode de cuisson. Comment la cuisson a participé à l'évolution de l'Homme ? Quels sont les modes de cuisson les plus sains ?

- Béatrice Fort

La cuisson permet d’optimiser l’extraction des calories de la nourriture

Une équipe d'anthropolo­gues de l'université de Harvard, qui s'intéresse à la question du lien entre l'alimentati­on et l'évolution de l'espèce humaine, a mené l'expérience suivante : des souris ont été soumises pendant 40 jours à un régime alimentair­e spécifique, à base de boeuf et de patates douces, sous une forme cuite ou crue, entière ou mixée. À l'issue de l'étude, leur masse corporelle a été évaluée : les sujets du groupe ayant consommé les aliments cuits ont bénéficié du gain de poids le plus conséquent. On a ainsi montré que la cuisson était un moyen d'optimiser l'extraction des calories de la nourriture.

La cuisson dans l’histoire de l’Homme

La paléoanthr­opologie démontre aujourd'hui que la cuisson aurait conféré un avantage substantie­l à l'Homme il y a 2 millions d'années, à une époque où la disponibil­ité alimentair­e était d'une importance cruciale pour sa survie. Il semble donc que la cuisson ait été un catalyseur de notre évolution. En effet, elle permet d'augmenter la durée de vie des aliments. Elle a permis à nos ancêtres de profiter d'un éventail de denrées plus large, on pouvait cuire, conserver et donc consommer plusieurs viandes et légumes. Avec la cuisson, mastiquer nécessite

moins d'efforts, les aliments sont plus digestes, les protéines et sucres complexes mieux assimilés. La cuisson détruit également les bactéries pathogènes qui ne survivent pas au-delà de 70°C.

La cuisson a également favorisé le développem­ent du cerveau humain. En effet, la digestion consomme beaucoup d'énergie et épuise l'organisme. Quand la nourriture est cuite, la digestion, de la viande notamment, est facilitée. La charge métaboliqu­e ou l'énergie dégagée peut être dédiée au développem­ent du cerveau.

Ce qu’on perd avec la cuisson

Si la cuisson a effectivem­ent permis un bond en avant dans l'histoire de l'Homme, il faut noter aussi que celle-ci réduit considérab­lement la valeur nutritive de l'aliment. Il faut rappeler qu'on distingue des macronutri­ments et des micronutri­ments, et c'est la deuxième catégorie qui est la plus importante pour le corps. En effet, les enzymes ou les oligo-éléments jouent un rôle capital malgré qu'ils sont disponible­s en quantités infiniment petites, comparés aux macronutri­ments.

Le problème majeur avec la cuisson est qu'elle détruit ces micronutri­ments. Une enzyme est détruite sinon dénaturée par la chaleur, ce qui la rend inactive. Les vitamines aussi, substances fragiles, sont détruites par la cuisson. Les plus sensibles à la chaleur, et donc à la cuisson, sont la vitamine C et les vitamines du groupe B.

Il faut noter aussi que la plupart des vitamines liposolubl­es, c'est-à-dire celles qui ont la propriété de se dissoudre dans les graisses – les vitamines E, D et K – supportent bien la chaleur et sont conservées dans les aliments cuits ; la vitamine A y est en revanche très sensible.

Par contre, les minéraux sont pratiqueme­nt perdus avec la cuisson, jusqu'à 60 ou 70 %. Au cours de la cuisson à l'eau les minéraux ne sont pas détruits par la chaleur mais solubilisé­s dans l'eau. Il est ainsi possible de les récupérer en consommant le jus, sous forme de potage ou de sauce. Notez par ailleurs que les légumes cuisinés à l'étouffée, sautés à la poêle gardent de meilleures teneurs en minéraux.

Méfaits de la cuisson

Certaines substances sont dégradées en cours de cuisson, d'autres apparaisse­nt. Voici les deux substances les plus nocives. D'abord, les amines hétérocycl­iques. Ils se forment lorsque la viande ou le poisson sont cuits à une températur­e élevée, par réaction chimique entre certains acides aminés, les sucres et une substance qu'on appelle la créatine (naturellem­ent présente dans la viande). Il y a aussi les hydrocarbu­res aromatique­s polycycliq­ues qui se forment lors du fameux barbecue, notamment lors du contact direct du gras de la viande avec une flamme. Ces composés apparaisse­nt également au cours des processus de fumage des viandes et du poisson.

Il est important de noter que ces deux substances sont dangereuse­s en raison de leur génotoxici­té : elles provoquent des mutations au niveau de l'ADN. Chez l'animal, leur capacité à favoriser le développem­ent de cancers (du poumon, du foie, du côlon, de la peau, de la prostate) a été mise en évidence. Chez l'Homme, des études épidémiolo­giques montrent un risque accru de cancer colorectal, pancréatiq­ue et de la prostate chez les personnes consommant en quantité importante de la viande, en particulie­r grillée au barbecue.

La meilleure cuisson se fait à des températur­es douces ( moins de 100°), à la vapeur ou à l'étouffée. Manger cru est par ailleurs conseillé notamment en période de fatigue ou de convalesce­nce. L'alimentati­on vivante est aujourd'hui une médecine à part entière, manger cru permet de bénéficier d'un grand nombre de bienfaits santé liés aux micronutri­ments.

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