Pourquoi ne sommes-nous pas égaux face à l'obésité ?
Vous le voyez autour de vous, certaines personnes mangent toute la journée et ne prennent jamais de poids. D'autres surveillent de près leur alimentation, ne se permettent pratiquement jamais d'écarts alimentaires, et pourtant, elles grossissent très vite ! Comment expliquer cette inégalité face au même aliment? Il existe, en effet, une inégalité précisément dans la manière de digérer et métaboliser un même aliment par deux organismes différents. Voici une nouvelle étude qui permet de comprendre le pourquoi du comment.
« Nous savons que notre environnement et notre patrimoine génétique peuvent influencer le risque d’obésité et de maladies, mais les effets de ces communautés de bactéries vivant à l’intérieur de notre organisme sont moins bien connus », explique Marc Emmanuel Dumas, du Département de chirurgie et de cancérologie à l’Imperial College
A chaque organisme ses propres lois Nous ne sommes pas tous égaux face à la prise de poids et à l'obésité. En effet, en fonction de notre métabolisme, de la prise de médicaments, certaines personnes réagissent mieux et éliminent plus vite les excès que d'autres. Alors que la plupart d'entre nous rêvent de perdre quelques kilos, certaines personnes voudraient tellement prendre du poids. Elles essaient par tous les moyens et souvent une logique interne au corps fait barrage. Cette logique est mieux comprise aujourd'hui grâce à une nouvelle étude.
Une nouvelle étude sur le microbiote intestinal… Des chercheurs de l'Inserm (Unité Inserm 1138 Centre de recherche des cordeliers) en lien avec des scientifiques de l'Imperial College de Londres, viennent de montrer, chez la souris, que la composition du microbiote intestinal peut prédire la façon dont l'organisme va répondre à une alimentation déséquilibrée, rendant l'animal plus à risque de devenir obèse, ou de développer des affections comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. Ces travaux sont publiés dans Cell Reports de juin 2017. Dans cette étude, les chercheurs de l'Inserm et de l'Imperial College ont utilisé des souris génétiquement similaires pour souligner le rôle que jouent les bactéries intestinales sur la manière dont l'organisme répond aux changements d'alimentation et son impact sur la santé. Avant que les animaux ne changent de régime, les com
posés produits par leurs bactéries intestinales ont été recherchés dans leur urine par spectroscopie à résonance magnétique, ce qui a donné aux souris un profil de signature chimique, généré par les métabolites de leurs microbiotes. L'équipe a observé que, lorsque les souris ont ensuite toutes reçu le même régime riche en graisses, elles ont montré différentes adaptations. Certains animaux prenaient plus de poids que d'autres, ou devenaient moins tolérants au glucose – l'un des signes d'alerte précoce du diabète. D'après l'équipe de chercheurs, ces résultats apportent des informations essentielles sur la manière dont le microbiote – l'écosystème des bactéries vivant dans notre tractus digestif – contribue à façonner notre santé. Ce que l’on savait avant cette étude… Ce que l'on savait avant les résultats de cette étude, c'est que les régimes riches en graisses constituent un facteur majeur favorisant l'obésité et les affections qui l'accompagnent, notamment le diabète et les maladies cardiovasculaires. Cependant, les preuves recueillies au cours de précédentes études suggèrent que différentes personnes consommant le même régime riche en graisses obtiennent des résultats différents, rendant difficile la défi
nition d'un « régime sain » universel. Autrement dit, nous ne sommes pas égaux face à la nourriture, face à la prise de poids et aux risques de maladies liées à l'obésité. De précédentes recherches ont montré que des centaines d'espèces de bactéries présentes dans notre intestin agissent avec nos propres cellules pour assumer un certain nombre de rôles, et que ce microbiote pouvait être façonné par ce que nous mangeons ou par les médicaments que nous prenons, par exemple les antibiotiques. Mais jusque là, nous n’avions pas de preuves. Les signatures chimiques différentes dans les urines des souris de l'étude apportent des preuves tangibles. Nous allons vers des régimes alimentaires personnalisés ? Oui. Selon Dominique Gauguier, directeur de recherche Inserm, « Ces résultats ouvrent des perspectives extrêmement prometteuses sur la conception de régimes alimentaires personnalisés et sur l'exploitation de nos bactéries intestinales pour favoriser une meilleure santé ». Ces résultats feront l'objet d'une investigation complémentaire dans le cadre d'une large étude clinique (déjà démarrée) menée chez 2 000 patients, dont les détails relatifs à leur style de vie, leur régime alimentaire, leur traitement médicamenteux et d'autres facteurs, ainsi que leur microbiote ont été caractérisés. En regroupant l'ensemble de ces données et en s'appuyant sur les résultats précédents, il sera possible de révéler comment les personnes réagissent à différents régimes alimentaires, et comment leur microbiome influence les résultats. L’espoir est qu’à l’avenir, un profil de patient puisse être défini à partir d’échantillons urinaires et sanguins, et utilisé pour prévoir à quel régime alimentaire il répondra le mieux. Dominique Gauguier affirme que « La valeur d’un régime alimentaire est déterminée non seulement par les gènes, mais également par les gènes du microbiote intestinal…celui-ci se développe précocement au cours de la vie, nous commençons avec très peu de germes, et nous acquérons davantage de bactéries de notre environnement au fur et à mesure du développement. Cela signifie que de petites différences dans l’environnement local peuvent entraîner une grande diversité dans le microbiote ». Le style de vie, les choix alimentaires, les choix relatifs au travail, au milieu de vie, et autres facteurs définissant le niveau de stress subi au quotidien, façonnent la composition de notre microbiote et, par conséquent, notre résistance à la maladie.