Secrets d'Histoire

Stéphane Bern : « Avec Élisabeth II, les Windsor sont entrés en douceur dans la modernité »

Chroniqueu­r apprécié de la vie des Windsor, Stéphane Bern dresse un portrait enthousias­te de la souveraine actuelle et de la famille royale.

- Propos recueillis par Béatrice Dangvan

Qu’est-ce qui selon vous nous fascine tant chez les Windsor ?

Je pense que c’est une monarchie qui fait sens pour nous. Cette famille constitue une sorte de royauté de substituti­on pour nous qui n’en avons plus. C’est la dernière monarchie sacrale en Europe : au jour de son couronneme­nt, son monarque reçoit encore la sainte onction. C’est la raison pour laquelle les Windsor assument leur fonction avec un tel sens du devoir. Ainsi même à 90 ans, Élisabeth II n’envisage pas d’abdiquer. Elle continue, elle fait son devoir.

Le nom de la dynastie actuelle est pourtant récent.

Oui, et la force des Windsor est d’avoir réussi à faire oublier qu’ils étaient Allemands. C’est le roi George V qui en 1917 a eu ce trait de génie de gommer le nom germanique de la dynastie des Saxe-Cobourg pour le remplacer par le nom du château qui retrace l’histoire de la dynastie, Windsor. Et la greffe a pris. C’était un acte fondateur. À la mort de George V, il a été dit qu’on aurait dû graver sur sa tombe « Ci-gît l’Angleterre ». C’est très juste.

Le règne d’Élisabeth II restera-t-il dans l’Histoire comme un grand règne ?

Élisabeth II est une immense souveraine. Son époque demeurera comme une sorte de nouvelle ère élisabétha­ine. Elle aura régné à un moment où la monarchie a connu beaucoup de tempêtes : des séparation­s, des divorces, des scandales familiaux très médiatisés, autour de Lady Di ou de Sarah Ferguson, par exemple. La reine Élisabeth a su malgré tout préserver la respectabi­lité de la monarchie. Elle a incarné à la perfection l’institutio­n qu’elle représente tout en comblant le fossé qui la séparait du peuple. Son règne a aussi traversé d’immenses révolution­s, l’arrivée d’Internet, du portable, du numérique… Elle a accompagné ces changement­s, fait entrer la monarchie dans la modernité sans tomber de son piédestal. Il y a là quelque chose de miraculeux.

Il y a pourtant eu l’affaire Diana, son apparente indifféren­ce lors de la disparitio­n de Lady Di.

Il faut comprendre que, parce qu’elle incarne l’institutio­n monarchiqu­e, Élisabeth II doit rester au-dessus de la mêlée. Elle doit masquer ses émotions. En outre, les gens ne se sont pas rendu compte qu’elle avait alors la charge de

Élisabeth II aura régné à un moment où la monarchie a connu beaucoup de tempêtes : des séparation­s, des divorces, des scandales familiaux très médiatisés, autour de Lady Di ou de Sarah Ferguson, par exemple.

protéger ses petits-enfants du déballage médiatique. On est dans une époque compassion­nelle, marquée par l’émotion de l’instant. Lorsque la reine a compris qu’elle devait s’exprimer sur la mort de Diana, elle l’a fait sans céder à cette dérive émotionnel­le. Elle est restée elle-même.

La monarchie a-t-elle tant changé sous son règne ?

La reine a permis le rajeunisse­ment des gènes de la royauté, particuliè­rement en autorisant le mariage de son petit-fils, le prince William avec une jeune femme de la classe moyenne, Kate Middleton. Ce mariage a été le syndrome du conte de fées. En l’autorisant, Élisabeth a montré qu’elle avait le sens des réalités de son époque.

Le règne du prince Charles pourrait-il se révéler différent de celui de sa mère ?

Je crois que Charles apprécie pour l’instant de n’être que l’héritier du trône. Il se satisfait de cette position qui lui donne la liberté d’exprimer ses sentiments, ses idées sur l’état du monde, et de laisser libre cours à ses centres d’intérêt, l’environnem­ent, la nature, l’écologie. Lorsqu’il sera sur le trône, Charles reprendra le masque de la neutralité royale. Il y a une chose qu’il pourrait pourtant faire évoluer, c’est l’indépendan­ce économique de la monarchie. Celle-ci a acquis l’autosuffis­ance financière sous le règne d’Élisabeth. La reine loue ses propriétés, les appartemen­ts de son parc immobilier, fait visiter ses châteaux, a ouvert des boutiques d’objets souvenirs de la monarchie… Le prince Charles aura je pense à coeur de renforcer cette indépendan­ce économique, ce qui, à mon avis, n’est pas forcément une bonne chose pour le gouverneme­nt qui, alors, pourrait n’avoir plus de droit de regard sur les dépenses de la famille royale.

Vous avez eu plusieurs fois l’occasion d’être en présence de la reine Élisabeth. Qu’avez-vous ressenti lors de ces rencontres ?

J’ai été frappé par la très grande humanité de cette reine. Ce qui se dégage d’elle de prime abord, c’est sa simplicité. Elle vient vers vous et vous parle d’une façon naturelle. Elle vous questionne, et vous donne le sentiment d’être la personne qui l’intéresse le plus au moment où elle vous parle. Ce qu’il y a aussi de très intéressan­t chez Élisabeth II, c’est sa personnali­té. Elle peut paraître froide, or elle est piquante, vive, et surtout, elle a un humour désopilant. On ne peut qu’être séduit.

 ??  ?? Stéphane Bern devant Buckingham Palace, la résidence officielle des souverains britanniqu­es. Le prince William et son épouse Kate Middleton sur le chemin de Buckingham Palace, après leur mariage à l’abbaye de Westminste­r, le 29 mai 2011.
Stéphane Bern devant Buckingham Palace, la résidence officielle des souverains britanniqu­es. Le prince William et son épouse Kate Middleton sur le chemin de Buckingham Palace, après leur mariage à l’abbaye de Westminste­r, le 29 mai 2011.
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 ??  ?? Élisabeth II et le prince Philip, lors des funéraille­s de Lady Diana, le 5 septembre 1997.
Élisabeth II et le prince Philip, lors des funéraille­s de Lady Diana, le 5 septembre 1997.

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