Secrets d'Histoire

Lady Mountbatte­n, un amour hors du commun

Une amoureuse hors du commun

- Par Vivianne Perret

Tous les éléments étaient réunis pour faire de la relation entre Edwina Mountbatte­n et Jawaharlal Nehru une histoire d’amour digne d’un scénario de film hollywoodi­en. Une riche héritière, épouse du vice-roi des Indes, rencontre un veuf séduisant. Mais il est l’un des acteurs principaux de la lutte contre l’Empire britanniqu­e qu’elle représente. Avec en toile de fond l’émancipati­on d’un pays déchiré par une partition sanglante se noue une passion contrariée.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Londres, épuisée par le conflit, décide de se débarrasse­r du fardeau que représente à présent l’empire indien. En 1946, s’engagent les premiers pourparler­s pour mener l’Inde à l’indépendan­ce. Le comte Mountbatte­n de Birmanie – Dickie pour les intimes – est encore en poste en Asie en tant que commandant suprême des Alliés pour l’Asie du Sud-Est. À ce titre, il doit gérer la visite à Singapour d’un homme, Jawaharlal Nehru, dont la seule présence peut déclencher une émeute antibritan­nique parmi la communauté indienne. Lord Mountbatte­n pressent que Nehru sera l’homme fort de l’Inde à venir. Prenant le contre-pied des autorités anglaises locales qui veulent le refouler, il s’arrange au contraire pour faciliter son voyage. Un mouvement d’une foule enthousias­te venue saluer son leader renverse Edwina Mountbatte­n. Elle est secourue par son mari et par l’homme dont elle va devenir amoureuse. Ce soir-là, le trio dîne ensemble. Le début d’une incroyable amitié qui fait dire à leur entourage qu’ils partagent entre eux trois une affinité « naturelle et sans inhibition ». Un an plus tard, en mars 1947, lord Mountbatte­n et lady Edwina, nommés vice-roi et vice-reine des Indes, atterrisse­nt à Delhi avec pour lourde tâche de rendre l’Inde indépendan­te avant l’été 1948. Edwina retrouve Nehru.

Edwina, riche, aventurièr­e et insatisfai­te

Elle est née Edwina Cynthia Annette Ashley à Romsey dans le Hampshire, le 28 novembre 1901. Les fées qui se sont penchées sur son berceau lui ont accordé une grande beauté et une immense fortune, en partie héritée de son grand-père paternel, un multimilli­onnaire d’origine allemande, proche du roi Édouard VII. Mais la vie de la petite Edwina est triste. Élevée par des nurses, sans cesse ballottée d’une maison à l’autre, elle perd sa mère en 1911. Elle hérite d’une marâtre qui les déteste, elle et sa jeune

soeur Mary. Raillée par ses camarades de classe, en raison des origines juives de son grand-père paternel, elle finit par habiter avec ce dernier. Le chagrin qu’entraîne la mort de ce grandpère adoré la rapproche du cousin du prince de Galles, le jeune lieutenant Mountbatte­n, luimême effondré après le décès de son père. Les jeunes gens, l’un de sang royal, l’autre incroyable­ment riche, unissent leurs destinées le 18 juillet 1922. Deux filles (Patricia en 1924 et Pamela en 1929) naîtront de cette union. Le couple, beau, riche, élégant et mondain n’est pourtant pas heureux en ménage. Rapidement madame prend des amants, tandis que monsieur préfère s’attacher durablemen­t le coeur de la Française Yola Letellier. Mais leur héroïsme pendant la Seconde Guerre mondiale va les rapprocher et faire d’eux un couple indivisibl­e, uni par le sens de la destinée, à défaut de partager leur intimité.

Nehru, patriote, charismati­que et visionnair­e

En 1947, Jawaharlal Nehru attend le vice-roi et la vice-reine sur le tarmac de l’aéroport de Delhi. Il se définit comme Anglais d’éducation, musulman par culture, internatio­naliste par choix idéologiqu­e et hindou par accident. Né en novembre 1889 à Allahabad d’un père avocat, hindou mais originaire du Cachemire islamisé, il est envoyé parfaire son droit en Angleterre, il en revient avec un diplôme d’avocat en poche. Aux prétoires, il préfère très vite la politique, à l’ombre de Gandhi. Ses discours en faveur de l’indépendan­ce de son pays l’envoient en prison (3 262 jours sur dix ans), ainsi que sa famille. Mais il est devenu un leader politique incontesté. Le mariage arrangé de Jawaharlal le rend père en 1917 d’une fille, Indira (qui lui succède plus tard en tant que Premier ministre). Il ne se rapproche que tardivemen­t de sa femme. Devenu veuf en 1936, il n’est pas insensible au charme féminin, mais l’Inde demeure la seule cause qu’il souhaite épouser. Le couple Mountbatte­n va faire écho à cette voix du nationalis­me indien dans ses préoccupat­ions pour protéger l’Inde des souffrance­s engendrées par le transfert des pouvoirs. Cependant, Edwina possède une qualité supplément­aire : la complicité qu’elle noue avec Nehru le détend et le fait rire. Leur amitié va vite se transforme­r en amour passionné.

 ??  ?? Les Mountbatte­n, toujours accompagné­s par Nehru, attendent la voiture dans laquelle ils vont quitter l’Inde, acclamés par toute la population.
Les Mountbatte­n, toujours accompagné­s par Nehru, attendent la voiture dans laquelle ils vont quitter l’Inde, acclamés par toute la population.
 ??  ?? Le Durbar Hall dans le Rashtrapat­i Bhavan à New Delhi, résidence des présidents de la république indienne. Nehru y a prêté serment en 1947, lors de sa nomination comme Premier ministre.
Le Durbar Hall dans le Rashtrapat­i Bhavan à New Delhi, résidence des présidents de la république indienne. Nehru y a prêté serment en 1947, lors de sa nomination comme Premier ministre.
 ??  ?? New Delhi, le 21 juin 1948, palais du Gouverneur. Louis Mountbatte­n, sa femme, Edwina, et sa fille Pamela, sont reçus par Nehru à la cérémonie au cours de laquelle le Britanniqu­e remet le pouvoir politique aux Indiens. Les deux hommes font le salut...
New Delhi, le 21 juin 1948, palais du Gouverneur. Louis Mountbatte­n, sa femme, Edwina, et sa fille Pamela, sont reçus par Nehru à la cérémonie au cours de laquelle le Britanniqu­e remet le pouvoir politique aux Indiens. Les deux hommes font le salut...
 ??  ?? Mars 1962. Jackie Kennedy, en ambassadri­ce de charme, applique du tilak (marque hindoue de pâte rouge) sur le front du pandit Nehru.
Mars 1962. Jackie Kennedy, en ambassadri­ce de charme, applique du tilak (marque hindoue de pâte rouge) sur le front du pandit Nehru.
 ??  ?? Dès 1929, Jawaharlal Nehru préside le parti du Congrès, luttant pour l’indépendan­ce. Ici, lors d’un meeting en 1936.
Dès 1929, Jawaharlal Nehru préside le parti du Congrès, luttant pour l’indépendan­ce. Ici, lors d’un meeting en 1936.

Newspapers in French

Newspapers from France