Secrets d'Histoire

La malédictio­n de César

Auréolé de ses conquêtes, Jules César, sur le point d’être proclamé roi, semble inaugurer une dynastie glorieuse. Auguste répond à ses attentes, mais ses successeur­s se montrent tous plus anormaux les uns que les autres, Tibère, Claude, Caligula jusqu’à l

- Par Rafael Pic

Vainqueur des Gaules, grand législateu­r, Jules César est en 44 av. J.-C. au sommet de sa puissance. Il projette une campagne contre les Parthes qui va certaineme­nt magnifier sa popularité. Qui sait s’il ne décidera pas de mettre à mort la République au profit d’un régime personnel et héréditair­e ? C’est bien ce qu’il projette : en ce 15 mars, le Sénat s’est plié à ses exigences et est en passe de lui conférer le titre de roi… Décidés à empêcher cette dérive, de fervents républicai­ns, emmenés par son propre fils adoptif Brutus, l’assassinen­t. Ce sont les fameuses ides de mars… Elles ne retardent pourtant que de quelques années l’arrivée du pouvoir absolu, qu’incarnera son petit-neveu Octave, devenu Auguste en 27 av. J.-C.

Tibère le décadent et Caligula le fou

La dynastie julio-claudienne semble alors lancée sur de bons rails tant le règne d’Auguste est brillant, marqué par l’annexion de l’Égypte, le renforceme­nt de la domination romaine sur la Méditerran­ée, son extension jusqu’au Danube. Ses quatre successeur­s feront mentir ces bons augures en se distinguan­t par des turpitudes variées et chaque fois plus extravagan­tes. Tous disparaîtr­ont de mort violente ! Le premier, Tibère, est marié en secondes noces à la fille d’Auguste, Julia, qui le rend cocu de manière éhontée. Décidé à continuer l’oeuvre grandiose du beau-père mais incapable de se dépêtrer des intrigues romaines, il préfère se retirer sur son île chérie de Capri,

où il possède une dizaine de palais. Pendant une décennie, il ne met plus les pieds à Rome, déléguant son autorité. Il trompe son ennui par la lecture et par des plaisirs cruels et pédophiles. Il précipite les gens qui lui déplaisent des falaises et invente des divertisse­ments sexuels macabres avec de jeunes enfants. Tibère assassiné, son successeur Caligula, après des débuts prometteur­s, sombre dans une maladie mentale dont on étudie encore la nature exacte, même si la mégalomani­e y joue une part prépondéra­nte. Se prenant pour un dieu, ordonnant qu’on l’adore comme un nouveau soleil, il se choisit un adjoint compétent : son cheval, qu’il nomme consul ! Ce règne désordonné ne dure que quatre ans. En l’an 41, il succombe à son tour sous les coups de sa garde prétorienn­e.

Claude, le conquérant sanguinair­e

Claude a plus de cinquante ans quand il monte sur le trône. Il semble montrer de meilleures dispositio­ns que ses prédécesse­urs. Il conclut de manière décidée la conquête de la province de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), mais aussi de la Maurétanie (territoire des Maures, peuple berbère de l’Antiquité) et de la Judée, et congédie les astrologue­s qui faisaient la pluie et le beau temps chez les élites romaines. Les intrigues conjugales auront raison de lui. Ses quatre mariages sont autant d’échecs et les deux derniers figurent dans les anthologie­s. Messaline, à la débauche notoire, le trompe si allègremen­t avec tout le peuple romain qu’il prend la décision de la faire tuer. Agrippine la Jeune, la suivante, n’est pas une inconnue : c’est sa propre nièce ! Bien décidée à ne pas connaître la fin de sa rivale, elle prend les devants et fait assassiner Claude de manière très culinaire, à l’automne 54, avec une recette de saison, une platée de champignon­s toxiques. C’est qu’elle n’a qu’une ambition : assurer le destin de son fils adoré, Néron.

Néron, le despote matricide

Lorsqu’il accède à la charge suprême, Néron est un adolescent doué et sensible. Ses premières mesures sont libérales. Il diminue les impôts, se prononce contre la méthode de la dénonciati­on, écoute patiemment les sénateurs. On se rend vite compte qu’il n’est pas un saint lorsqu’il élimine son demi-frère Britannicu­s. Il fera ensuite pire en empoisonna­nt sa mère Agrippine, en faisant exécuter sa femme Octavie, en massacrant à coups de pied dans le ventre sa deuxième épouse Poppée alors enceinte. Cela lui aurait déjà valu une place dans le florilège des abominatio­ns, mais il poursuit son oeuvre pour la postérité. Il élimine la fine fleur de la littératur­e – Sénèque, Lucain et Pétrone – et fait incendier Rome pour pouvoir jouer de la lyre à la lumière d’un brasier mémorable. Ce n’est pas encore sa fin. Il faudra attendre trois autres années de provocatio­ns pour que les prétoriens, excédés, le poussent enfin au suicide. La dynastie sombre dans une odeur persistant­e de sang caillé…

 ??  ?? La Mort de Jules César, par Vincenzo Camuccini, Naples. L’artiste a peint l’assassinat de César entouré des 23 conspirate­urs comme il a été rapporté par les écrits de Suétone.
La Mort de Jules César, par Vincenzo Camuccini, Naples. L’artiste a peint l’assassinat de César entouré des 23 conspirate­urs comme il a été rapporté par les écrits de Suétone.
 ??  ?? Néron dans les ruines de Rome incendiée, esquisse de Karl Theodor von Piloty, 1861.
Néron dans les ruines de Rome incendiée, esquisse de Karl Theodor von Piloty, 1861.
 ??  ?? La place Largo di Torre Argentina à Rome dans le quartier historique du Champ de Mars. Dans ces ruines se trouvait la Curie de Pompée, lieu où César fut assassiné.
La place Largo di Torre Argentina à Rome dans le quartier historique du Champ de Mars. Dans ces ruines se trouvait la Curie de Pompée, lieu où César fut assassiné.
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Ce buste de l’empereur romain Caligula se trouve dans le parc Łazienki à Varsovie.

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