La malédiction de César
Auréolé de ses conquêtes, Jules César, sur le point d’être proclamé roi, semble inaugurer une dynastie glorieuse. Auguste répond à ses attentes, mais ses successeurs se montrent tous plus anormaux les uns que les autres, Tibère, Claude, Caligula jusqu’à l
Vainqueur des Gaules, grand législateur, Jules César est en 44 av. J.-C. au sommet de sa puissance. Il projette une campagne contre les Parthes qui va certainement magnifier sa popularité. Qui sait s’il ne décidera pas de mettre à mort la République au profit d’un régime personnel et héréditaire ? C’est bien ce qu’il projette : en ce 15 mars, le Sénat s’est plié à ses exigences et est en passe de lui conférer le titre de roi… Décidés à empêcher cette dérive, de fervents républicains, emmenés par son propre fils adoptif Brutus, l’assassinent. Ce sont les fameuses ides de mars… Elles ne retardent pourtant que de quelques années l’arrivée du pouvoir absolu, qu’incarnera son petit-neveu Octave, devenu Auguste en 27 av. J.-C.
Tibère le décadent et Caligula le fou
La dynastie julio-claudienne semble alors lancée sur de bons rails tant le règne d’Auguste est brillant, marqué par l’annexion de l’Égypte, le renforcement de la domination romaine sur la Méditerranée, son extension jusqu’au Danube. Ses quatre successeurs feront mentir ces bons augures en se distinguant par des turpitudes variées et chaque fois plus extravagantes. Tous disparaîtront de mort violente ! Le premier, Tibère, est marié en secondes noces à la fille d’Auguste, Julia, qui le rend cocu de manière éhontée. Décidé à continuer l’oeuvre grandiose du beau-père mais incapable de se dépêtrer des intrigues romaines, il préfère se retirer sur son île chérie de Capri,
où il possède une dizaine de palais. Pendant une décennie, il ne met plus les pieds à Rome, déléguant son autorité. Il trompe son ennui par la lecture et par des plaisirs cruels et pédophiles. Il précipite les gens qui lui déplaisent des falaises et invente des divertissements sexuels macabres avec de jeunes enfants. Tibère assassiné, son successeur Caligula, après des débuts prometteurs, sombre dans une maladie mentale dont on étudie encore la nature exacte, même si la mégalomanie y joue une part prépondérante. Se prenant pour un dieu, ordonnant qu’on l’adore comme un nouveau soleil, il se choisit un adjoint compétent : son cheval, qu’il nomme consul ! Ce règne désordonné ne dure que quatre ans. En l’an 41, il succombe à son tour sous les coups de sa garde prétorienne.
Claude, le conquérant sanguinaire
Claude a plus de cinquante ans quand il monte sur le trône. Il semble montrer de meilleures dispositions que ses prédécesseurs. Il conclut de manière décidée la conquête de la province de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), mais aussi de la Maurétanie (territoire des Maures, peuple berbère de l’Antiquité) et de la Judée, et congédie les astrologues qui faisaient la pluie et le beau temps chez les élites romaines. Les intrigues conjugales auront raison de lui. Ses quatre mariages sont autant d’échecs et les deux derniers figurent dans les anthologies. Messaline, à la débauche notoire, le trompe si allègrement avec tout le peuple romain qu’il prend la décision de la faire tuer. Agrippine la Jeune, la suivante, n’est pas une inconnue : c’est sa propre nièce ! Bien décidée à ne pas connaître la fin de sa rivale, elle prend les devants et fait assassiner Claude de manière très culinaire, à l’automne 54, avec une recette de saison, une platée de champignons toxiques. C’est qu’elle n’a qu’une ambition : assurer le destin de son fils adoré, Néron.
Néron, le despote matricide
Lorsqu’il accède à la charge suprême, Néron est un adolescent doué et sensible. Ses premières mesures sont libérales. Il diminue les impôts, se prononce contre la méthode de la dénonciation, écoute patiemment les sénateurs. On se rend vite compte qu’il n’est pas un saint lorsqu’il élimine son demi-frère Britannicus. Il fera ensuite pire en empoisonnant sa mère Agrippine, en faisant exécuter sa femme Octavie, en massacrant à coups de pied dans le ventre sa deuxième épouse Poppée alors enceinte. Cela lui aurait déjà valu une place dans le florilège des abominations, mais il poursuit son oeuvre pour la postérité. Il élimine la fine fleur de la littérature – Sénèque, Lucain et Pétrone – et fait incendier Rome pour pouvoir jouer de la lyre à la lumière d’un brasier mémorable. Ce n’est pas encore sa fin. Il faudra attendre trois autres années de provocations pour que les prétoriens, excédés, le poussent enfin au suicide. La dynastie sombre dans une odeur persistante de sang caillé…