Marie-Thérèse d'Autriche, la fille du roi Planète et l'épouse du Roi-Soleil
« Pauvre Marie-Thérèse ! » La postérité n’a retenu de l’épouse de Louis XIV que ses infortunes conjugales et l’en a même rendue responsable, au titre de sa prétendue laideur, de sa sottise et de sa bigoterie. Le plus beau mariage du siècle, entre un jeune souverain en passe d’éblouir l’Europe et une princesse considérée comme « la plus illustre de l’univers », n’aurait donc été qu’une énorme erreur de casting ?
Fille du roi Philippe IV, frère d’Anne d’Autriche, et d’Élisabeth de France, soeur de Louis XIII, l’infante est doublement la cousine de son futur époux et tous deux, nés en septembre 1638 à quinze jours d’intervalle, ont les mêmes grandsparents ! Des liens étroits, audelà de la guerre qui a repris entre leurs deux nations en 1635. Leurs mères rêvent de les unir dès leur naissance et de ramener ainsi la paix. Mais la reine d’Espagne meurt en 1644 ainsi que l’héritier du trône, Carlos Balthazar, en 1646. MarieThérèse est donc appelée à régner. Mais le remariage de son père avec sa nièce, MarieAnne d’Autriche, et la naissance de deux infants mettent fin à ses ambitions. Philippe IV, qui la refusait à Louis XIV depuis vingt ans, la lui cède en 1659. Celuici est au plus fort de ses amours avec Marie Mancini mais, contrairement à ce qui a été affirmé, c’est plus par dépit de ne pas avoir été considéré comme le gendre idéal par Philippe IV que par passion contrariée qu’il refuse ce mariage. Anne d’Autriche et Mazarin ont raison de ses réticences. Le lendemain de sa nuit de noces à SaintJeandeLuz, le 9 juin 1660, le roi se montre très satisfait de son épouse, une première dans l’histoire des Bourbons ! Et, plus inédite, la promesse qu’il lui fait de toujours partager le même toit. Ce qu’il tiendra, Saint Simon en témoigne : « Le roi ne découcha jamais d’avec la reine mais il ajoute – clause non prévue par l’infante – tellement que pour être plus à son aise, il se mettait les après-midi entre deux draps avec ses maîtresses » !
Une reine amoureuse
Celles-ci furent nombreuses, de la duchesse de La Vallière à Mademoiselle de Fontanges, en passant par Madame de Montespan, la princesse de Monaco, de Soubise et d’autres plus éphémères, pour ne rien dire de Madame de Maintenon, dont il paraît assuré qu’elle ne fut pas la maîtresse du roi avant la mort de la reine. MarieThérèse a souffert de ses infidélités. Elle l’aimait, ce qui n’était pas si courant dans ce type d’union, et, en dépit de sa piété, elle se réjouissait publiquement lorsqu’il l’avait « honorée ». Comme le note malicieusement la princesse Palatine : « En bonne Espagnole, elle ne haïssait point ce métier. » Audelà de son chagrin, elle ne pouvait comprendre que le roi s’éprenne de femmes audessous de sa naissance, et surtout, alors que la Réforme catholique sacralise la parité du serment des époux, son adultère est un péché
mortel. Louis XIV en est aussi convaincu sans pouvoir réfréner ses passions. Il est d’ailleurs persuadé que la mort précoce de cinq de ses six enfants est une punition divine. Il voue à sa femme « une considération infinie ». Il est affolé lorsque ses accouchements mettent sa vie en danger, et à sa mort brutale, alors qu’il s’est rapproché d’elle sous l’influence de Madame de Maintenon, il est terrassé. Elle est son épouse et la mère de ses enfants, mais aussi la reine et, à ce titre, quoi que l’on ait dit, elle ne l’a pas déçu.
De 1661 à 1683, la reine mène sa cour avec entrain et dignité.
Les années MarieThérèse, de 1661 à 1683, ont été les plus gaies et les plus fastueuses du règne, entre les châteaux de SaintGermain et de Fontainebleau et l’installation définitive de la cour à Versailles un an avant sa mort. Les témoignages de ses proches ou des ambassadeurs en attestent, la reine mène sa cour avec entrain et dignité. Elle adore le jeu et la comédie, est très sourcilleuse sur ce qui est dû à son rang et compense les moeurs scandaleuses de son mari par sa vertu. Dernière reine de France qui a sacrifié sa vie privée à la vie publique, elle a incarné en majesté la grande parade baroque de la monarchie moderne. Plus exceptionnel encore, note SaintSimon, « elle avait oublié sa maison, sa patrie, et était devenue aussi passionnée Française que les plus naturels Français ».
Élevée pour régner
Une «nationalisation» qui ne lui fait pas oublier son pays natal sur lequel elle a rêvé de régner. Louis XIV, au titre de sa primogéniture et du nonpaiement de sa dot, gage de sa renonciation à ses droits, mènera la guerre de dévolution puis la guerre de succession d’Espagne. MarieThérèse ne verra pas son petitfils monter en 1700 sur le trône d’Espagne sous le nom de Philippe V, mais cette ambition a fortement uni le couple. Et la confiance que lui témoigne Louis XIV, qui n’a jamais fait surveiller sa correspondance comme il était d’usage pour les reines étrangères, se manifeste avec éclat quand il lui confie la régence en 1672, lors de la guerre de Hollande. On a rendu hommage à son professionnalisme : on s’est souvenu que MarieThérèse d’Autriche avait été élevée pour régner !