DAUPHINÉ ENTRE RHÔNE ET ALPES DU SUD
Né en quelques siècles de l’agrandissement systématique d’un petit fief médiéval, le Dauphiné se caractérise par la mosaïque des massifs montagneux qui le constituent. Isolés par les vallées qui font de cette province un carrefour européen, ces petits pay
Au hasard d’une balade sur les sentiers de montagne, par exemple en Chartreuse vers le plateau de l’Alpette, ou bien dans le Briançonnais au col des Muandes, le randonneur croise des roches gravées ou des bornes, toutes ornées de la même marque : une croix opposée à une fleur de lys. Elles matérialisent la frontière entre la Savoie et le Dauphiné, la croix symbolisant le royaume de la Sardaigne et la fleur celui de France. Mais, par quels soubresauts de l’histoire une province française a-t-elle emprunté son nom à un titre monarchique ? En vérité, c’est tout l’inverse. L’affaire commence en 1029 lorsque l’archevêque de Vienne cède une partie du comté de Vienne à Guigues Ier, qui devient le premier comte d’Albon, dont le fief se situe entre Valence et Vienne.
Domaine du roi de France Or, dans les temps qui suivent, le comté s’agrandit avec l’annexion du Briançonnais, du Grésivaudan, de l’Embrunais, du Gapençais…
et le comté d’Albon devient celui de Vienne. À la même époque, Guigues IV, en 1133, reçoit un second prénom peu courant : Dauphin. Sans doute à cause de sa rareté, celui-ci devient dès lors le titre particulier des comtes de Vienne, dont le comté est
baptisé Dauphiné. Et voici que vers la moitié du quatorzième siècle, le dauphin Humbert II, en situation financière difficile, décide de vendre son domaine au roi de France. Charles V fera par la suite du Dauphiné l’apanage traditionnel du fils aîné du roi de France, que l’on qualifiera alors de… dauphin.
L’ouverture sur le monde Signé à Romans le 30 mars 1349, le transport du Dauphiné à la France agrandit considérablement le royaume.
Pour s’en faire une idée, on se souviendra que lorsque la Révolution supprimera les provinces, ce territoire deviendra les départements de l’Isère, de la Drôme et des HautesAlpes, la vallée de l’Ubaye étant attribuée aux Basses-Alpes. 1453 est une autre date capitale dans l’histoire du Dauphiné : le dauphin Louis II, qui deviendra roi de France sous le nom de Louis XI, s’installe à demeure et se comporte en souverain, créant le parlement de Grenoble qui s’affirme en capitale du Dauphiné. On pourrait croire Grenoble étouffée par les montagnes qui la dominent, la ville venant butter sur les massifs de la Chartreuse, du Vercors, de la Belledonne, de l’Oisans. D’où qu’on arrive ce sont des défilés sinueux qui donnent accès au coeur de la cité. Mais pour étroites qu’elles paraissent, ces vallées ne donnent pas seulement accès à l’ensemble du Dauphiné, elles ouvrent les portes du monde. Ainsi, en remontant l’Isère vers le nord, par le pays du Grésivaudan, on atteint Chambéry ou Albertville, et au-delà la Suisse et l’Allemagne. Descend-on l’Isère vers Romans et Valence ? On trouve la vallée du Rhône, voie royale vers Marseille et la Méditerranée. Quant au Drac, par Gap ou Sisteron, il conduit en Provence. À moins qu’on ne suive son affluent, la Romanche : on trouvera alors l’Italie, au-delà de Briançon. Sillonné par des axes de communication d’importance internationale, le Dauphiné apparaît comme un pays très ouvert. Pourtant, les massifs montagneux qui occupent une bonne partie de sa superficie constituent autant de territoires qui, des siècles durant, se trouvaient chaque hiver isolés du monde.
Une terre de résistance Ainsi le Queyras, l’Oisans et nombre de petits pays des Écrins comme le Valgaudemar et le Valjouffrey, lorsque la neige interdisait l’accès
aux cols et aux vallées. Ou encore le Vercors, perché au-dessus de ses falaises vertigineuses, si haut que durant la Seconde Guerre mondiale et à la Libération, il inspira un plan audacieux : y réunir des maquisards nombreux et bien armés qui prendraient à revers l’armée d’occupation allemande. Mais celle-ci déclencha une attaque préventive, accompagnée de massacres qui marquent encore la mémoire collective du Vercors.
Charles V fera du Dauphiné l’apanage traditionnel du fils aîné du roi de France, que l’on qualifiera alors de… dauphin.