Caroline Bonaparte, soeur d’empereur
En quelques années à peine, Caroline devient l’une des femmes les plus en vue de la société impériale. Ses soirées parisiennes, où se croisent les esprits les plus brillants, lui permettent d’avancer ses pions au sein d’une famille où les rivalités s’exac
Caroline, née Maria-Annunziata, est la septième et avant-dernière enfant de Letizia et Charles Bonaparte. La fratrie Bonaparte compte Joseph, Napoléon, Lucien, Élisa, Louis, Pauline, Caroline et Jérôme. Elle voit le jour en mars 1782 à Ajaccio, mais ne passe que ses premières années en Corse. Devenue veuve, Letizia est obligée de fuir avec ses enfants à Toulon puis à Marseille après que leurs biens ont été attaqués par des indépendantistes corses proches de Pascal Paoli.
Une enfance à l’ombre de ses aînés
Petite, Caroline a peu connu ses aînés Joseph et Napoléon, qui étaient déjà partis étudier sur le continent. L’éducation de Pauline, Caroline et Jérôme, les trois derniers enfants du couple Bonaparte, est négligée. Et Caroline se sent laissée pour compte, éclipsée par l’intelligence d’Élisa et la beauté de Pauline. Heureusement, l’avancement de Napoléon dans l’armée et le mariage de Joseph avec Julie Clary, issue d’une famille marseillaise fortunée, mettent Letizia à l’abri du besoin.
Un coup de foudre en Italie
Pour l’instant, les fils du destin de Caroline se nouent loin d’elle. En octobre 1795, à Paris, l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire est réprimée par Bonaparte grâce au soutien déterminant de Joachim Murat et de sa cavalerie. Auréolé de ce succès, le Corse, qui vient d’épouser Joséphine de Beauharnais, fait de Murat son aide de camp lors de la campagne d’Italie. Hors des champs de bataille, Napoléon s’installe dans la belle villa Pusterla-Crivelli, à Mombello. Le 14 juin 1797, toute la fratrie Bonaparte et sa mère, Letizia, l’y rejoignent pour célébrer les mariages des deux soeurs de Caroline, Élisa et Pauline. Ce séjour est surtout celui de la révélation pour Caroline. « À 14 ans, sans avoir la beauté parfaite de Pauline, elle est déjà charmante », écrit l’historienne Florence de Baudus dans une récente biographie (voir l’interview p. 63). […] « Elle possède des pieds et des mains minuscules, une peau satinée, éclatante de blancheur, et des dents bien rangées. » Caroline n’a d’yeux que pour le fougueux Joachim Murat, de quinze ans son aîné. Il est bien bâti, a des cheveux et des favoris bruns épais, aime les tenues d’apparat. Le coup de foudre est réciproque. Si pour l’instant les amoureux se séparent, le destin les réunira vite.
Zéro de conduite
Conscient qu’avec son avancement, l’éducation de ses frères et soeurs devient cruciale, Napoléon envoie Caroline à la pension de Madame Campan, à Saint-Germain-en-Laye. Cette ancienne femme de chambre de MarieAntoinette y enseigne les matières classiques, la musique, le théâtre, la danse, et tout ce qui peut faire de ces jeunes filles de parfaites femmes du monde. La fille de Joséphine, Hortense, y étudie déjà. Une rivalité s’installe entre elles quand Napoléon se prend à les comparer : Hortense est une bonne élève, appliquée et disciplinée ; Caroline, une sauvageonne rebelle à à l’autorité et en retard dans toutes les matières.
Un mariage d’amour
Au retour de la campagne d’Égypte, Caroline et Joachim constatent que leurs sentiments n’ont pas faibli. Après le coup d’État du 18 brumaire qui permet à Napoléon de devenir consul, Caroline quitte la pension de Madame Campan en ayant accompli d’im-
menses progrès. Napoléon lui cherche une alliance prestigieuse. Murat est conscient de ne plus être un bon parti : plus âgé que Caroline, il a une réputation de séducteur et ne dispose pas de fortune. Il se déclare néanmoins. Réticent, Napoléon convoque un conseil de famille. Caroline, soutenue par Joséphine, plaide sa cause et Napoléon consent à leur union.
Les Murat, étoiles de Paris
L’amour l’emporte : le contrat de mariage est signé le 18 janvier 1800. Consciente du rôle protocolaire et mondain que souhaite lui voir jouer Napoléon, Caroline accompagne l’ascension fulgurante de son frère et la carrière de son mari. Elle organise des soirées somptueuses à l’hôtel de Brionne après son mariage, puis à celui de Thélusson et à l’Élysée qu’elle acquiert plus tard. Ses soirées sont les plus brillantes de la capitale. Jolie, enjouée, fine et spirituelle, Caroline charme ses invités par sa conversation. Avec Joachim, elle forme un couple uni qui n’hésite pas à se témoigner publiquement son affection par des baisers et des caresses. Cet amour est bientôt couronné par la naissance de plusieurs enfants.
Une femme de tête et de sang-froid
Murat doit repartir en campagne. L’éloignement est difficile pour le jeune couple. Surtout lorsque Caroline, enceinte, échappe à l’attentat de la rue Saint-Nicaise qui visait Napoléon, le 24 décembre 1800. Son sangfroid lors de cet événement force d’ailleurs l’admiration de son frère. Séparations et retrouvailles rythment les années suivantes. Murat se plaint d’être loin de Caroline et s’inquiète. Napoléon s’impatiente face à ses récriminations. Caroline temporise. Début 1804, Napoléon nomme Murat gouverneur de Paris, ce qui lui permet enfin de quitter l’Italie et de revenir auprès d’elle.
Nommée altesse impériale
Mais alors que Napoléon jette les bases de ce qui constituera la noblesse impériale, les jalousies ressurgissent au sein du clan Bonaparte. En effet, Napoléon n’élève tout d’abord au rang de princes impériaux que Joseph et Julie, Louis et sa femme Hortense. Insupportable pour ses soeurs ! Caroline considère que son mari a soutenu Napoléon avec courage sur les champs de bataille et a fait preuve de diplomatie en coulisse. Et qu’elle-même tient un rôle mondain de premier plan, davantage que Julie et Hortense. C’en est trop. Lors d’un dîner de famille, elle laisse éclater sa colère, pleure et s’évanouit. Désemparé, Napoléon cède. Il accorde à Élisa, Caroline et Pauline le titre d’altesse impériale. Caroline est satisfaite. D’autant qu’après Austerlitz, Napoléon distribue les trônes à ses proches. Il nomme Murat grand duc de Berg, un État stratégique entre la Prusse et la France. Caroline n’y mettra jamais les pieds, mais sera ravie de profiter de ces nouveaux revenus. Chez les Murat, l’ambition se conjugue à deux.