Secrets d'Histoire

Plus dure sera la chute

Il faut remonter cinquante ans en arrière et jusqu’au règne de Henri IV pour trouver à la cour une maîtresse légitime. Une lourde charge pour Louise : passé les premiers moments d’une douce reconnaiss­ance, elle connaîtra les intrigues, les rivalités et le

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Louise vit la période la plus heureuse de sa vie, sans savoir qu’elle sera de courte durée.

En imposant sa maîtresse à la cour, à Anne d’Autriche et au parti des dévots, Louis XIV pose un acte politique : l’affirmatio­n de sa toutepuiss­ance. De telles arrières-pensées ne touchent pas Louise, toute à ces nouvelles marques d’attachemen­t. Un jour, le roi l’emmène chez son frère, à Villers-Cotterêts, sans femme ni mère; un autre, il la fait rentrer dans la chambre de la reine mère pour l’installer à côté de lui à une table de jeu. Louise vit la période la plus heureuse de sa vie, sans savoir qu’elle sera de courte durée.

Duchesse mais disgraciée Car en même temps qu’il n’a plus à lutter pour l’imposer, le roi commence à se lasser.

En 1666, la mort d’Anne d’Autriche, qui aurait pu consacrer le triomphe de Louise, n’y suffit pas : à la passion des premiers temps succède dans le coeur du roi une amitié amoureuse. Les maternités ne réussissen­t pas à Louise – elle en est à sa troisième –, elle ne brille

pas à la cour, ne cherche pas à intriguer, à se faire un réseau, tout entière à son amour pour le roi. Une rivale en profite pour lui ravir le coeur du souverain : Françoise de Mortemart, dite la Montespan. Plus âgée que Louise, la dame d’honneur de la reine a pourtant plus d’éclat et surtout un esprit brillant qui la fait remarquer par le roi. Fine mouche, elle met un point d’honneur à se refuser : il n’en faut pas plus pour aiguiser l’instinct du chasseur. Et Louise n’a rien vu venir, qui l’a fait entrer dans la place en la prenant pour amie ! Mais quand le roi offre à Louise les terres de Vaujours et le titre de duchesse, elle comprend qu’il s’agit d’un cadeau de rupture : certes, il assure ses vieux jours mais signe la fin de l’histoire.

Le désespoir de Louise La disgrâce est encore plus criante quand le souverain part en guerre contre les Flandres avec la reine et la Montespan,

mais la laisse seule à Versailles mener sa quatrième grossesse. Louise est si désespérée que pour la première fois de sa vie, elle désobéit et rejoint la cour dans le Nord, provoquant ainsi la colère de la reine. Mieux : elle, si timide, brave le protocole en poursuivan­t son amant seule dans son carrosse ! La scène se passe dans la campagne, près d’Avesnes : la cour jase, la Montespan enrage, la reine pleure, Louis comprend et semble revenir à de meilleures pensées. En réalité, il se sert d’elle comme d’un paravent – une fois de plus,

La disgrâce est encore plus criante quand le souverain part en guerre contre les Flandres avec la reine et la Montespan et la laisse seule à Versailles mener sa quatrième grossesse.

après Henriette d’Angleterre – pour cacher ses nouvelles amours à la reine et à Monsieur de Montespan. Car la belle Françoise, craignant un retour de flamme pour sa rivale, s’est enfin décidée à céder au roi.

Un ménage à trois De 1668 à 1671, s’ensuit une période très difficile pour Louise, une sorte de ménage à trois, voire à quatre.

Car le roi finit toujours ses nuits chez son épouse, même fort tard ! Exacerbée par les intrigues de cour, la rivalité entre Louise et Françoise redouble : elles se cachent leur grossesse, quémandent les faveurs royales quand l’autre est indisposée, se dérobent des pots de crème pour rajeunir. La Montespan humilie Louise en se servant d’elle comme femme de chambre, Louise accepte pour ne pas céder la place. Il se pourrait même que la Montespan cherche à s’en débarrasse­r définitive­ment en recourant à une femme de sinistre réputation, une dame dite la Voisin, que l’on connaîtra plus tard dans l’affaire des poisons. La situation ne peut plus durer. C’est à ce moment que Louise est à deux doigts de perdre la vie : sans doute une fausse couche qui tourne mal. De côtoyer ainsi la mort provoque chez elle une crise mystique qui change tout.

 ??  ?? Portrait par Henri Gascard de Madame de Montespan dans son château de Clagny, dessiné pour elle par Jules HardouinMa­nsart.
Portrait par Henri Gascard de Madame de Montespan dans son château de Clagny, dessiné pour elle par Jules HardouinMa­nsart.
 ??  ?? Parti en guerre contre les Flandres, Louis XIV arrive avec sa femme Marie-Thérèse d’Espagne à Arras le 30 juillet 1667 (peinture de Frans Van der Adam).
Parti en guerre contre les Flandres, Louis XIV arrive avec sa femme Marie-Thérèse d’Espagne à Arras le 30 juillet 1667 (peinture de Frans Van der Adam).
 ??  ?? Portrait de la duchesse de La Vallière accompagné­e de ses enfants Louis et Marie-Anne de Bourbon, par Pierre Mignard.
Portrait de la duchesse de La Vallière accompagné­e de ses enfants Louis et Marie-Anne de Bourbon, par Pierre Mignard.
 ??  ?? Versailles (ici, la façade de la cour de marbre) où la duchesse est laissée seule à son sort. Le Roi-Soleil l’y avait pourtant grandiosem­ent fêtée en 1664...
Versailles (ici, la façade de la cour de marbre) où la duchesse est laissée seule à son sort. Le Roi-Soleil l’y avait pourtant grandiosem­ent fêtée en 1664...
 ?? Gérard Blot / RMN-GP ?? Marie-Anne et Louis de Bourbon, enfants de Louis XIV et de Louise. Fille chérie du RoiSoleil, elle fut légitimée et nommée Mademoisel­le de Blois.
Gérard Blot / RMN-GP Marie-Anne et Louis de Bourbon, enfants de Louis XIV et de Louise. Fille chérie du RoiSoleil, elle fut légitimée et nommée Mademoisel­le de Blois.

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