Le phare de Cordouan Un écho au phare d’Alexandrie
Gardiens de l’océan et sentinelles des tempêtes, les phares fascinent marins et visiteurs. Au premier rang d’entre eux, Cordouan, « ce respectable personnage, ce martyr des mers », comme le nommait Michelet, se dresse, majestueux, sur un plateau rocheux,
Dans les registres de l’abbaye de Cluny, il est déjà fait mention au xie siècle de deux ermites installés sur l’îlot, qui allument des feux afin de guider les navires. Au xive siècle, c’est le fameux Prince Noir, fils d’Edouard III d’Angleterre et gouverneur de l’Aquitaine, qui fait élever à Cordouan une tour octogonale de 16 mètres de hauteur. Il instaure d’ailleurs une taxe sur le passage des bateaux afin de rémunérer les hommes chargés d’entretenir la flamme. Plus tard, sous Henri III, en 1584, Louis de Foix, missionné pour dresser un état des lieux, constate la dégradation de la tour et propose au roi de la faire abattre pour en édifier une nouvelle. Il prévoit de la construire en deux années. De fait, il en faudra près de trente et le malheureux architecte ne verra jamais son oeuvre achevée.
Un monument à la gloire du roi
Les guerres de Religion ralentissent les travaux. Lorsque, enfin, la paix revient, Foix présente à Henri IV, soucieux d’asseoir son pouvoir par un geste grandiose et des édifices symboliques, un nouveau projet, plus impressionnant encore que le précedent. La tour ne s’élèvera plus à 40 mais à 50 mètres de hauteur. On élargira la plateforme. On créera un parapet avec quatre échauguettes sur encorbellement et un petit dôme couvrant un fanal au-dessus du corps de la tour. Ce dernier abritera une chapelle munie d’un grand dôme et décorée de somptueux vitraux. Aucun des deux monarques qui l’ont parrainé ne verra ce monument érigé à leur gloire puisqu’il ne sera terminé qu’en 1611, un an après la mort de Henri IV.
Louis de Foix conçoit son oeuvre comme un lointain hommage au célèbre phare d’Alexandrie. Cet édifice, l’une des sept merveilles du monde antique, célébrait la puissance des Ptolémées, les derniers pharaons. Admiré de tous et devenu mythique, il fut détruit au xive siècle. Ptolémée Ier, enchanté de sa réalisation, avait été jusqu’à autoriser son architecte à inscrire son nom sur le monument. Henri IV ne fut pas en reste : Louis de Foix eut droit à son buste à l’entrée de la chapelle, ainsi qu’à un texte, aujourd’hui disparu, par lequel un poète contemporain chantait les louanges de l’oeuvre et de l’auteur.