Les Régentes de l’hospice des vieillards

Dans les Pays-Bas du siècle d’or, la prospérité de la nation s’exprime dans le succès du portrait. Les peintres sont sollicités pour immortaliser les simples particuliers aussi bien que les puissants. À côté des portraits individuels, les scènes de groupe sont très prisées. Comme son contemporain Rembrandt avec sa fameuse Ronde de nuit, Hals s’y est essayé, notamment dans cette représentation des administratrices d’un hospice de vieillards.

Deux caractéristiques aident à résumer la carrière de Frans Hals (15821666). Il n’a presque jamais bougé de sa ville de Haarlem, où il a vécu et est mort sans même faire le traditionnel voyage en Italie. D’autre part, plutôt que de toucher à tous les genres comme l’a fait Rembrandt, il s’est consacré au portrait. Cela a dû contribuer à sa gloire moderne : des peintres du xixe siècle tels Courbet et Manet faisaient le déplacement dans sa ville pour les admirer.

Une atmosphère de groupe palpable

Cette assemblée de cinq femmes, une de ses ultimes créations à 80 ans passés, détaille le conseil de direction d’une maison de retraite. On y retrouve le souci de la ressemblance qui animait ses portraits, même si la fraîcheur émanant du Cavalier riant semble avoir disparu. Dans ce registre en vogue qui consistait à fixer pour la postérité les membres d’une corporation, Hals est l’auteur d’un bond qualitatif. Là où ses prédécesseurs se bornaient à juxtaposer des personnages statiques, il crée une atmosphère de groupe, magnifiée par sa touche rapide, nerveuse, presque inachevée. Cinquante ans plus tôt, sa première tentative, en 1616, alors qu’il avait déjà dépassé la trentaine, Le Banquet du corps des archers de SaintGeorges, avait été un succès. Il est symbolique que le peintre, ruiné et amer, qui avait peint tant de personnages joyeux et délurés, finisse sa carrière sur cette toile sévère. Le musée Frans-Hals de Haarlem se trouve dans les bâtiments de l’hospice : le tableau n’a donc jamais changé de domicile.