Dunkerque
La vie… Ce n’est pas toujours du cinéma. Les films ou séries historiques prennent parfois leurs aises, volontairement ou non, avec la réalité. Erreurs historiques, anachronismes, trucages font partie du jeu cinématographique. Saurezvous démêler la fiction de la réalité dans le film Dunkerque de Christopher Nolan ?
Le 10 mai 1940, Hitler ordonne la conquête de la France. L’Allemagne mise sur une attaque éclair, la Blitzkrieg. Pari réussi. Les blindés allemands atteignent la Manche le 20 mai, coupant le front en deux. Les troupes alliées sont en pleine déroute. Près de 400 000 soldats, dont la totalité du corps expéditionnaire britannique, sont pris au piège dans la poche de Dunkerque. Le gouvernement britannique lance l’opération Dynamo : une gigantesque entreprise d’extraction des troupes. Près de 340 000 soldats, dont 120 000 Français, sont évacués par la mer entre le 26 mai et le 4 juin. Si cet épisode est resté gravé dans les mémoires britanniques,
UN FILM PASSÉ AU DÉTECTEUR DE MENSONGES
il est méconnu en France. Christopher Nolan en fait un film immersif, fidèle à la vision anglosaxonne de « l’esprit de Dunkerque ».
Les Britanniques n’espéraient sauver qu’entre 30 000 et 50 000 soldats Réalité
Le 24 mai 1940, l’état-major allemand ordonne de stopper l’offensive aux portes de Dunkerque. Cette décision inattendue offre aux forces alliées l’occasion inespérée de s’extraire et de sauver une partie de leur armée. L’évacuation devient la priorité du gouvernement britannique. La Royal Navy et la chasse aérienne sont mobilisées. L’armée française, en échange de la promesse d’évacuer le plus de soldats français possible, offre son aide et s’efforce de tenir la ligne de Dunkerque. Dès le 27 mai au matin, l’Allemagne reprend l’offensive. Ses avions noient le port de Dunkerque sous les bombes. Les carcasses de bateaux en flamme empêchent l’accès au port. Les soldats s’amassent sur les plages. Les conditions sont telles que Winston Churchill a peu d’espoir. Il n’espère évacuer qu’un dixième des soldats encerclés. Pourtant, l’ingéniosité des généraux britanniques et la farouche résistance des soldats français paient. Après neuf jours de bataille de Dunkerque, presque
338 226 soldats sont évacués par la mer. Les Anglais surnomment cet épisode de la guerre le « miracle de Dunkerque ».
Des embarcations civiles pour aller chercher les soldats à Dunkerque Réalité
À l’image du personnage interprété par Mark Rylance dans le film, les civils ont joué un rôle important dans le miracle de Dunkerque. Pour venir en aide aux milliers de soldats bloqués sur les plages et suppléer les gros navires militaires, le gouvernement britannique a réquisitionné près de sept cents petites embarcations civiles, baptisées little ships. Comme le montre le film, ces bateaux étaient en grande partie gouvernés par des civils volontaires. Christopher Nolan a d’ailleurs poussé le souci du détail historique jusqu’à utiliser de vrais little ships pour le tournage, qui avaient servi durant l’évacuation de Dunkerque en 1940.
Un miracle que l’on doit avant tout à l’héroïsme des Britanniques Fiction et réalité
Le film de Christopher Nolan est conçu autour de trois histoires parallèles : celle de soldats britanniques qui tentent de prendre la mer, de pilotes de la Royal Air Force qui contrent les bombardiers allemands et de civils embarqués à bord de little ships à destination de Dunkerque. Ce choix de scénario, axé uniquement sur le point de vue britannique, vaut au réalisateur une polémique en France. Il lui est reproché aujourd’hui de sous-représenter le rôle décisif des soldats français dans la réussite de l’opération Dynamo. Durant la bataille, 40 000 Français ont mené une résistance acharnée pour protéger le périmètre des Allemands et permettre ainsi aux Britanniques d’évacuer. Un sacrifice quasi invisible dans le film, à l’exception de quelques références dont celle du capitaine Winnant, du corps expéditionnaire britannique, qui affirme que « l’arrière-garde tient, les Français la protègent ».
Les Anglais accueillent leurs soldats en héros Réalité
À la fin de Dunkerque, Christopher Nolan filme l’angoisse des soldats britanniques de retour en Angleterre, honteux de la défaite et persuadés d’être mal accueillis par la population. Or, en 1940, à leur retour des plages françaises, ils sont reçus en héros par les Anglais. Le miracle de Dunkerque est en une des journaux. Le pays s’attendait à un carnage, voilà que près de 230 000 soldats rentrent sains et saufs. « On a simplement survécu », s’étonne l’un des soldats du film de Christopher Nolan devant la foule en liesse. Un relativisme qui fait écho à celui de Winston Churchill, qui déclare au lendemain de l’opération : « Les guerres ne se gagnent pas avec des évacuations. »