La marche au trône
Henri IV hérite d’un royaume morcelé et ensanglanté par les guerres de Religion. Après cinq ans de combats impitoyables contre la Ligue catholique, il s’est imposé officiellement au pouvoir. La conquête du trône se fait au prix d’une conversion douloureuse au catholicisme avant la célébration de son sacre à la cathédrale de Chartres.
À35 ans, Henri III de Navarre est devenu Henri IV. Alors que la branche des Valois meurt, celle des Bourbons forme ses premiers bourgeons dans le terreau sanglant des guerres de Religion. Déjà au palais, les courtisans font pression sur le Béarnais. Celui-ci ne sera vraiment roi qu’après sa conversion et son sacre. Mais rien n’est simple car les ligueurs ont de nombreuses villes et places fortes sous leur coupe et refusent de prêter allégeance à un calviniste. Le royaume est fracturé. Certes, Henri IV ne manque ni de poigne ni de panache mais il lui faudra manoeuvrer à tous les niveaux pour ceindre son front de la couronne. La première bataille qu’Henri IV doit mener à coups d’édits est administrative. Dès le 4 août 1589, il décide d’apaiser les tensions avec les ligueurs et fait des concessions. Il n’y aura pas plus d’une ville réformée par bailliage. La France est un royaume catholique. Lutter contre cet état de fait serait contre-productif. Très vite, les modérés des deux confessions reconnaissent le courage de leur nouveau souverain. Au contraire, les calvinistes les plus durs se détournent, à l’instar du duc de La Trémoille. Henri, pourtant, ne trahit pas les huguenots. Il n’a pas le choix. Il préserve autant qu’il le peut leurs intérêts en ménageant les catholiques majoritaires. Il est convaincu que les deux religions peuvent coexister. Il lui reste à trouver comment instaurer un impossible dialogue et à mettre fin à l’hostilité des ligueurs soutenus par l’Espagne. Une longue lutte contre la Ligue La bataille d’Arques à la fin du mois de décembre 1589 est une première victoire armée pour le roi. Celui-ci reprend une par une les villes des mains de la Ligue. Le 14 mars 1590, Henri IV, plus confiant que jamais, est à Ivry. Sa harangue est vouée à devenir mythique : « Mes compagnons, Dieu est pour nous. Voici ses ennemis et les nôtres. Voici votre roi ! Si vos cornettes vous manquent, ralliez-vous à mon panache blanc, vous le trouverez sur le chemin de l’honneur et de la victoire! » Henri est déterminé à imposer son autorité. Son courage galvanise les troupes car la bataille est épique. Le roi se lance à corps perdu dans les lignes des ligueurs. Au bout d’une heure de chaos, son cheval piétine au milieu des cadavres de ses ennemis. Il vient de remporter sa plus éclatante victoire. Son plus grand oppo
Sully, un de ses amis intimes, lui aussi huguenot, le pousse aimablement à franchir le cap. Pendant qu’Henri tergiverse, les États généraux se réunissent enfin à Paris, le 26 janvier 1593, avec la ferme intention d’élire un nouveau roi en lieu et place du Béarnais.
sant, le duc de Mayenne, prend la fuite. Mais la lutte contre la Ligue est loin d’être terminée. Mayenne prend les devants et, dans le but de trouver un autre roi à la fille aînée de l’Église, s’emploie à préparer la réunion des États généraux pour le 4 août, un an jour pour jour après l’avènement d’Henri IV sous le titre provisoire de lieutenant général de l’État et couronne de France. Dans l’intervalle, Henri IV commence le siège de Paris. Au-delà d’une simple bataille, la ville est un symbole. Mais les Parisiens menés par les ultracatholiques résistent… et meurent de faim. 30000 personnes perdent la vie. Face à ce drame, le roi appelle ses sujets à la reddition en leur promettant d’y maintenir leur religion. Il se déteste d’affamer le peuple impuissant mais sait que les ligueurs préfèrent mourir plutôt que de ployer le genou devant lui. Après de longues semaines, les Parisiens jettent les femmes, les enfants et les vieillards hors de leur enceinte. Henri, miséricordieux, les recueille et leur offre du pain. Impitoyable à la guerre, il est volontiers roi de coeur face aux plus démunis. À Paris, les assiégés deviennent fous. Il se dit que l’on fait de la farine avec les ossements des cimetières et qu’on crève de manger le pain engendré par les morts. D’autres chroniqueurs rapportent des cas d’anthropophagie… La souffrance importe peu aux Parisiens tant que Dieu leur promet le paradis. Après six interminables mois, début septembre, Henri abandonne Paris et investit d’autres fronts où les conflits avec les ligueurs s’enlisent. Pendant deux années encore, le roi arpente son territoire. Son quotidien est fait de négociations, de batailles et de sièges. Il comprend qu’au-delà de la religion, chaque ville insurgée cherche à conserver ou à développer des privilèges.
Vivre et mourir en religion catholique
Par ailleurs, sa conversion sans cesse différée est également une source non négligeable de tensions. En début d’année 1592,
« Paris vaut bien une messe », aurait-il dit… mais ce changement de foi est un crève-coeur. Il a le sentiment de tourner le dos à son enfance et à ses amis.
alors que les belligérants s’essoufflent, que le dégoût de la guerre donne des haut-le-coeur à tous les Français et que le pape Clément VIII se montre hostile, le Béarnais se rend à l’évidence. Il va devoir se convertir s’il ne veut pas perdre le soutien des catholiques ralliés à sa cause. « Paris vaut bien une messe », aurait-il dit… mais ce changement de foi est un crève-coeur. Il a le sentiment de tourner le dos à son enfance et à ses amis. Henri est en plein conflit de loyauté car dans le fond, il est bien convaincu de sauver son âme quelle que soit sa foi officielle. Sully, un de ses amis intimes, lui aussi huguenot, le pousse aimablement à franchir le cap. Pendant qu’Henri tergiverse, les États généraux se réunissent enfin à Paris, le 26 janvier 1593, avec la ferme intention d’élire un nouveau roi en lieu et place du Béarnais. Pour couper l’herbe sous le pied aux ligueurs de l’assemblée, Henri fait enfin « sa volte-face ». Il abjurera sa foi le 25 juillet 1593 à Saint-Denis. Cette décision réduit considérablement l’influence du duc de Mayenne sur les États généraux. Le 23 juillet, alors qu’une trêve fragile a renvoyé les épées maculées de sang dans leurs fourreaux, les Parisiens curieux se massent sur la route de la basilique. Henri IV y prend ses cours de catéchisme. Il a eu la sagesse de ne pas mêler le pape à sa conversion pour ne pas heurter les calvinistes. S’il fait le dos rond quand on lui parle de l’Eucharistie, il s’emporte au sujet du purgatoire. Ce concept n’est pour lui que « badinerie ». Le 25 enfin, les rues autour de la basilique sont bondées. L’événement est historique. Le roi apparaît dans un vêtement baptismal de « satin blanc chamarré d’or ». Devant l’archevêque de Bourges, Renaud de Beaune, il déclare ému « vivre et mourir en religion catholique ».
Henri IV, sacré roi de France
Les jours suivants sont festifs. La conversion d’Henri se doit de ressouder le royaume. Le 31 juillet, le roi signe une trêve officielle avec la Ligue jusqu’au 1er janvier 1594. Il est temps pour lui d’envisager son sacre qui, par tradition, se déroule à Reims. Hélas, la ville est aux mains des Guisards et il serait inopportun de trop retarder ce moment fédérateur. Henri opte donc pour Chartres. Le 7 février 1594 sera son grand jour. Benoist, le curé de Saint-Eustache, a l’honneur de prêcher pour l’avoir toujours défendu face aux Parisiens. Gabrielle d’Estrées, en bonne place dans les tribunes – sans doute s’imagine-t-elle déjà reine – veille d’un oeil de velours sur son amant. Henri IV, désormais roi incontesté, a réuni autour de lui tous les nobles et les clercs qui le soutiennent. Il ne lui reste plus qu’à éteindre les braises des derniers foyers de l’opposition. Bientôt, il entrera dans l’Histoire comme l’un des plus grands rois de France.