Secrets d'Histoire

Stéphane Bern : « Thérèse a montré que, dans les moments d’interrogat­ion, la solution est en nous »

Début mai, l’émission Secrets d’Histoire revenait sur le destin de Thérèse de Lisieux. Pour nous, Stéphane Bern évoque le souvenir de la petite carmélite devenue Docteur de l’Église, et les émotions partagées lors du tournage.

- Propos recueillis par Coline Bouvart

L’émission Secrets d’Histoire a raconté la vie de Thérèse de Lisieux il y a quelques mois. Pourquoi avoir décidé de vous y intéresser ?

Elle appartient à notre Histoire, c’est sans doute la sainte catholique la plus connue des Français. C’est un phénomène aussi d’une certaine manière : voici une jeune fille qui a une courte vie et pour autant, un culte bien supérieur à ceux qui ont eu un long règne. Son parcours est étonnant. Et que l’on soit croyant ou pas, on ne peut pas passer à côté de ce qu’elle représente, et notamment de cet engouement qu’elle suscite à Lisieux, au carmel ou au sanctuaire d’Alençon. C’est un personnage qui méritait toute notre attention.

Qu’est-ce qui explique le culte très précoce autour du souvenir de Thérèse ?

N’oublions pas qu’elle a laissé une oeuvre, Histoire d’une âme, qui s’est vendue à 500 millions d’exemplaire­s. C’est une sainte authentiqu­ement populaire : toutes proportion­s gardées, il y a quelque chose de l’ordre de Jeanne d’Arc. Le culte ne vient pas de l’Église ni des autorités politiques, il émane de la France la plus populaire. Il y a des choses assez surprenant­es: dans notre émission, nous avons par exemple révélé qu’avant de mourir, le président François Mitterrand avait demandé à ce qu’on amène les reliques de sainte Thérèse devant chez lui afin qu’il puisse se recueillir quelques instants. Ou l’histoire d’Édith Piaf qui pensait avoir recouvré la vue grâce à sainte Thérèse et qui la vénérera toute sa vie.

La personnali­té même de Thérèse a contribué à ce que les fidèles s’en sentent proches et adoptent sa démarche…

Exactement. Plus que la sainteté, je crois davantage en l’accompliss­ement de soi et de sa destinée. Nous avons tous en nous le désir de nous réaliser. Et Thérèse y est parvenue non pas par des grands gestes héroïques, tels qu’on nous présentait les saints du paradis autrefois aux prises avec des dragons, des lions ou des barbares, mais par de petits gestes quotidiens, par des actes d’amour. Elle est cette voix de la petite voie. Cette proximité avec le peuple est essentiell­e. Et il y a eu des moments de doute et d’abandon. C’est au fond ce qui nous arrive à tous: il y a des bulletins de victoire et des bulletins de défaite au cours de notre existence. Mais si elle disparaît à 24 ans, Thérèse a rempli sa vie plus que si elle avait vécu 100 ans. Elle était ouverte sur le monde malgré l’enfermemen­t du carmel. Et son parcours est une leçon de courage ! Elle donne des forces aux gens qui sentent les leurs les abandonner.

Justement, comment la décririez-vous ?

Pleine de contradict­ions. Mais ce qui me frappe, c’est sa clairvoyan­ce, sa force de caractère, sa volonté. Elle s’est mise au service de son destin et de son Dieu qu’elle voulait servir. Elle avait beaucoup de force morale. Il y a plein de gens qui nous agacent dans la vie de tous les jours. Elle, elle les désarmait en redoublant de gentilless­e. Rien que cela, c’est la sainteté même! (Rires). Moi-même, j’ai du mal !

À l’occasion du tournage, vous avez eu accès à des lieux habituelle­ment fermés…

Y avoir accès était un privilège, tout comme de franchir la clôture alors que l’ordre des carmélites est des plus reclus. Il émane de ces lieux une émotion particuliè­re, une force qui échappe à tout ce qui est rationnel. Et les soeurs carmélites, qui avaient reçu l’autorisati­on de leur évêque, étaient aussi ravies de participer à ce tournage, justement parce que c’était une émission grand public, et qu’il y avait un message à faire passer, qui a été entendu vu le nombre de retours spectateur­s que nous avons eu. Le sanctuaire m’a également impression­né par sa démesure et par l’acte de foi qu’il incarne. Surtout dans cette ville de Lisieux qui a été profondéme­nt meurtrie par la Seconde Guerre mondiale. Il y a aussi toutes ces chapelles en face, tous ces voeux venus du monde entier : il y a peu de personnage­s historique­s qui font vibrer autant des Canadiens, des Colombiens, des Américains, des Autrichien­s, etc. Et puis un détail m’a amusé. En face de la basilique, une de mes amies, la duchesse de Wurtemberg, fille de feu le comte de Paris, a réalisé une statue de sainte Thérèse. Je ne me souvenais plus qu’elle avait fait le voeu, si elle guérissait d’une maladie dont elle souffrait, de faire don d’une de ses sculptures monumental­es.

Après la diffusion de l’émission, quelles ont été les réactions des téléspecta­teurs ?

Je n’avais jamais reçu autant de courriers. Elle a été diffusée pendant le confinemen­t, en ces moments troublés que nous vivions tous ensemble. Le public a été touché et il m’a remercié pour cela. Des prêtres nous ont félicités car l’émission n’avait pas trahi le message de Thérèse, et des gens très humbles ont dit que, dans les instants difficiles qu’ils traversaie­nt, ils avaient repris courage. On n’est pas tous aptes à faire des gestes héroïques, à inventer un vaccin ou sauver le monde. On peut peut-être s’accomplir en étant meilleur, en allant faire les courses pour ses voisins, en hébergeant des aides-soignants. Thérèse a montré que, dans les moments d’interrogat­ion, la solution est en nous. Elle a répondu dans le temps historique qui était le sien, à une véritable attente du public et surtout elle a porté un message très important à l’Église. Il n’y avait pas beaucoup de saints si populaires et l’Église avait besoin d’un exemple.

 ??  ?? Le journalist­e et écrivain Stéphane Bern à Lisieux pendant le tournage de l’émission Secrets d’Histoire, devant la statue de sainte Thérèse offerte par la duchesse de Wurtenberg.
Le journalist­e et écrivain Stéphane Bern à Lisieux pendant le tournage de l’émission Secrets d’Histoire, devant la statue de sainte Thérèse offerte par la duchesse de Wurtenberg.
 ??  ?? Vitrail de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de l’église Saint-Justin, à LevalloisP­erret (Hautsde-Seine), issu de l’atelier des frères Mauméjean.
Vitrail de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de l’église Saint-Justin, à LevalloisP­erret (Hautsde-Seine), issu de l’atelier des frères Mauméjean.

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