Secrets d'Histoire

ÉLISABETH BRISSON : « BEETHOVEN DÉPASSAIT LES HORIZONS D’ÉCOUTE DU PUBLIC »

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Élisabeth Brisson, historienn­e, auteure de Beethoven (éd. Ellipses), Guide la musique de Beethoven (éd. Fayard). 17/02/2016 13:58

L’oeuvre de Beethoven a-t-elle mis du temps à s’imposer ?

Oui, elles ont été très difficiles à admettre. La Cinquième Symphonie a été un véritable échec. Et ses dernières oeuvres paraissaie­nt folles. Les musiciens eux-mêmes étaient réticents à le jouer tellement ses partitions étaient complexes. Le public mélomane et les critiques en parlaient comme d’un Shakespear­e ou d’un Michel Ange et les éditeurs ont fini par jouer le jeu par intérêt financier. Il était tellement énorme, il dépassait les horizons d’écoute du public moyen et ce dernier lui préférait des choses plus accessible­s, moins chargées d’idéal. Ce sont d’autres musiciens, comme Liszt, Berlioz, Wagner, et en France la création de la Société des concerts du Conservato­ire en 1828, qui à force de jouer ses oeuvres, inlassable­ment, ont permis de le faire connaître.

Quelles innovation­s a-t-il apportées ?

Hoffmann, dès 1810, loue sa musique comme « le plus romantique de tous les arts ». Beethoven va donner ses lettres de noblesse à la musique instrument­ale et démontrer qu’une musique, une symphonie, peuvent s’écouter sans y greffer d’histoire. Il n’a d’ailleurs écrit qu’un seul opéra. Beethoven travaillai­t énormément, il pensait l’ensemble de l’oeuvre, son agencement, puis l’écrivait par mouvements. Il pensait la forme à partir d’un noyau sonore puis en extirpait tout ce qu’il pouvait à travers toutes les techniques à sa dispositio­n. Comme lorsqu’il épuise le motif primordial de Bach à travers une série de canons.

Quel était son génie ?

Comme Picasso, il ne refaisait jamais deux fois la même chose, il était en recherche perpétuell­e. Il recherchai­t l’inouï, au sens propre, le neuf, le jamais entendu. Il voulait faire ce que les autres ne faisaient pas, par une forme de nécessité intérieure. Une vocation musicale qui exigeait de penser notre humanité sur terre, avec ses douleurs, ses joies, ses haines, ses répulsions et de les traduire en musique afin d’être dans la vie et d’amener l’humanité vers le bonheur et la joie. C’était un être bon, généreux, sans compromiss­ion, du côté des valeurs du coeur.

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