Avril 1834-mars 1835 : jusqu’à l’ultime affrontement
Musset rentré à Paris, George découvre Venise dans les bras d’un autre, son beau médecin. Elle écrit, donc elle est heureuse. Mais... La souffrance lui manquerait-elle? Déjà, le bonheur paisible la lasse. La correspondance reprend entre les deux amants, et bientôt l'écrivaine programme son retour. Il leur reste quelques mois à s’aimer et à se faire du mal, pour le plus grand bénéfice de la littérature romantique.
Le champ est libre pour George d’aimer à sa guise son bel Italien. Ils s’installent dans une petite maison près du pont du Barcaroli. Rien à voir avec le luxe du Danieli, mais George y est heureuse. Elle a tout le loisir d’écrire et quand elle n’écrit pas, se plaît à aménager leur intérieur ou fait la cuisine. Une vraie petite femme d’intérieur... Elle ne retrouve Pietro que le soir, après ses consultations, et cette semi-solitude lui convient parfaitement. Pendant son temps libre, il lui fait découvrir Venise, comme elle a rêvé de le faire avec Alfred, et l’emmène passer quelques jours dans les Dolomites pour lui redonner quelques couleurs. Gage d’amour, il lui offre un sansonnet qui se pose sur son épaule quand elle écrit. Tout irait pour le mieux si la famille de Pietro ne lui était hostile, sans oublier ses anciennes maîtresses, qui la traitent de « sardella », sardine. Pietro, un amant trop prévisible George commence à s’ennuyer dans ce bonheur trop tranquille, et elle repense à Alfred, sous couvert de s’inquiéter pour lui et sa santé. Pour ces deux-là, amour semble devoir rimer avec
souffrance. George a besoin de turbulences. Pietro est trop prévisible, il manque aussi d’esprit, il n’est pas un artiste. La correspondance reprend entre les deux amants terribles. En juillet, soit quatre mois après le départ d’Alfred de la cité des Doges, George décide de rentrer à Paris, avec Pagello dans ses bagages. Nourritelle encore des sentiments pour le médecin ou s'inquiète-t-elle de se retrouver seule ? Elle est heureuse, elle a écrit deux romans et une nouvelle. Pietro, qui l’accompagne sous prétexte de parfaire son cursus médical, pressent qu’il va la perdre, mais préfère aller jusqu’au bout de l’histoire. George retrouve son cénacle d’amis avec joie. Elle tente de faire passer Pietro pour un archéologue, elle sait que le Tout-Paris, au courant de ses amours, va le comparer à Musset, et elle n’assume pas que son amant ait moins d’esprit que le poète. Pagello, qui ne rentre pas dans sa combine, sent bien qu’un fossé est en train de se creuser avec la femme de lettres. Une chevelure sacrifiée En septembre, George et Alfred se revoient. Le retour de flamme est bien là, même s’ils se jurent que c’est la dernière fois. Alfred part se soigner à Baden-Baden, George se réfugie à Nohant et laisse Pagello à Paris. Qu’il ne puisse l'accompagner dans sa maison tant aimée sonne comme le début de la disgrâce. Aussi, quand elle revient le mois suivant, il lui annonce son départ pour Venise, et elle ne le retient pas. Musset revient donc en conquérant... jusqu’à la rupture suivante, en novembre, due à sa jalousie. Désespérée, George coupe ses longs cheveux et les lui envoie dans une tête de mort. Bouleversé par ce geste d'amour fou, Alfred revient... et le Tout-Paris suit avec passion chaque épisode de leur histoire à rebondissements. De réconciliations en ruptures, ils s’aiment comme ils se déchirent, à moins que ce ne soit l’inverse. Leur amour est un combat, que chacun espère gagner. Le jour où après une énième dispute provo
quée par la jalousie de Musset, qui garde toujours en tête Pietro Pagello, il la menace d’un couteau après l’avoir frappée et elle comprend qu’elle ne pourra pas aller plus loin. Elle voulait le sauver malgré lui de ses passions destructrices, mais elle risque de se perdre avec lui. Elle le met dehors et part séance tenante à Nohant. Dans ce genre de bataille, le succès est dans la fuite, et c’est elle qui a gagné. Nous sommes en mars 1835. La passion de George et Alfred aura duré vingt mois. L'heure des amours nouvelles Ils se croiseront au théâtre, elle lira ses Confessions d’un enfant du siècle, parues en 1836, et lui enverra un mot de félicitations, assorti d’un « je ne veux plus vous revoir ». Il se consolera dans les bras d’une jolie blonde, Aimée d’Alton, « belle muse païenne au sourire adoré », à qui il écrira des poèmes, avant de la tromper. Elle se consolera dans les bras du frère, Paul Musset, qu’elle finira par épouser. George, elle, va tomber amoureuse de l'avocat Michel de Bourges, rencontré pour les besoins de son divorce, républicain convaincu, qui va l’initier à la politique et aux idées socialistes. L’avocat marié le restera et ils se quitteront au bout de deux ans. Surgira alors un autre artiste dans la vie de George, pianiste et poitrinaire, Frédéric Chopin.