« La puissance, c’est exercer le pouvoir sur le royaume comme sur le coeur d’un homme »
Les émissions de Secrets d’Histoire ont souvent retracé le parcours de femmes exceptionnelles qui ont eu de l’influence sur leur époque. Stéphane Bern décrypte pour nous le pouvoir au féminin et revient sur quelques figures qui lui sont chères.
La loi salique n’a plus de sens aujourd’hui. Bientôt, en Europe, vont régner autant de femmes que d’hommes : Ingrid Alexandra en Norvège, Catharina-Amalia aux Pays-Bas, Leonor en Espagne…
Selon vous, pourquoi l’Histoire réserve-t-elle une place si ambiguë aux femmes ?
Il existe une forme de méfiance qui s’explique, selon moi, par le fait que les femmes, contrairement aux hommes, n’ont pas besoin que l’on érige des monuments à leur gloire. Elles sont dans le « faire », pas dans le « dire ». En réalité, elles ont toujours exercé le pouvoir, de Cléopâtre à Agrippine, d’Aliénor d’Aquitaine à Blanche de Castille, d’Anne de Bretagne à Marie de Médicis, de Madame de Maintenon à la marquise de Pompadour. Derrière chaque grand homme, il y a une femme. Les reines et régentes, en gouvernant le roi, gouvernaient le royaume. Et les favorites, en régnant sur le coeur du roi, régnaient sur la France. Il serait tout à fait injuste d’occulter le rôle des femmes, car elles ont exercé une grande influence, notamment artistique. Le style Louis XVI ou Empire, sont en fait le style Marie-Antoinette ou Joséphine.
Quelles personnalités affectionnez-vous particulièrement ?
J’ai beaucoup d’admiration pour les femmes lettrées, comme Marguerite d’Angoulême, soeur de François Ier et grand-mère d’Henri IV. J’aime également beaucoup Agnès Sorel, Diane de Poitiers, Anne de Bretagne. Ou encore Aliénor d’Aquitaine, qui épousa deux rois ennemis, le roi de France puis le roi d’Angleterre… Et même Charlotte de Montmorency, pour laquelle Henri IV a failli déclencher une guerre. La puissance, c’est exercer le pouvoir sur le royaume comme sur le coeur d’un homme. Mais il y a aussi, il faut bien le dire, des personnalités plus détestables, comme La Galigaï…
Que pensez-vous de la loi salique ?
Elle donne le pouvoir aux épouses et aux mères de roi, et la régence a permis à des femmes de se révéler. Mais c’est une exception française! Ailleurs en Europe, les femmes pouvaient régner. C’est l’origine de la fameuse expression « tomber en quenouille » : la dynastie s’arrête quand il n’y a plus de mâle pour prendre la relève. Aujourd’hui, la loi salique n’a plus de sens. Bientôt, en Europe, vont régner autant de femmes que d’hommes: Ingrid Alexandra en Norvège, Catharina-Amalia aux Pays-Bas, ou encore Leonor en Espagne. Il est vrai que l’Histoire de France a été très marquée par la loi salique. Cela a infusé dans notre société et nos comportements. Je suis féministe – et fier
de l’être–, et je trouve éminemment sexiste et choquant que la reine ait été considérée uniquement comme un ventre. Elle n’existait que si elle enfantait. C’était son assurance-vie car, si elle n’enfantait pas, elle risquait d’être répudiée. Catherine de Médicis comme Marie de Médicis l’ont redouté… La loi salique prouve en tout cas qu’en matière de succession, rien n’est vraiment simple, contrairement à ce que pourrait laisser croire le fameux : « Le roi est mort, vive le roi ! »
Les femmes exercent-elles le pouvoir différemment ?
Oui, je le crois. Déjà, elles ont à coeur de faire le bien autour d’elles. Les rois vident les caisses pour faire la guerre; les reines tentent plutôt de rétablir l’équilibre, même si les régentes ont dû dépenser pour régner. Les femmes sont beaucoup plus pragmatiques, plus subtiles, plus souples, plus politiques. Elles sont moins dans la posture. Seul le résultat compte pour elles. Leur pouvoir est fragile et ne va pas de soi, elles doivent se battre plus que les hommes.
Les tournages de Secrets d’Histoire ont repris. Quels personnages allez-vous raconter ?
Nous avons consacré une émission à la duchesse de Berry, qui était la mère d’Henri V, le comte de
Les femmes sont beaucoup plus pragmatiques, plus subtiles, plus souples, plus politiques. Elles sont moins dans la posture. Seul le résultat compte pour elles.
Chambord. Parmi les derniers Bourbons, elle ne renonça jamais. On a dit d’elle, alors, qu’elle était « le seul homme de la famille » – ce qui est assez sexiste, par ailleurs ! Une autre émission reviendra sur la vie d’Élisabeth de Belgique, qui était également une femme de pouvoir: elle a rencontré Mao Zedong, Nikita Khrouchtchev et même Albert Einstein. Les femmes sont assez indépendantes, et encore aujourd’hui, les souveraines ont beaucoup plus de pouvoir qu’on ne l’imagine! Parfois, plus que leur mari…