Mythes et légendes
Cendrillon à travers les cultures
Cendrillon est l’un des personnages de conte de fées les plus célèbres en Occident. Mais si beaucoup connaissent l’histoire selon Perrault ou Disney, peu savent que la jeune fille qui devient princesse en chaussant son soulier perdu figure dans bien des traditions populaires à travers les âges et de par le monde. Par Anthony Dhennequin
Humiliée et presque réduite en esclavage par sa belle-mère et ses demi-soeurs, Cendrillon réussit, avec l’aide de sa marraine la fée, à rencontrer et séduire le prince charmant qui la reconnaîtra grâce au soulier qu’elle a perdu. Pourtant, cette version popularisée grâce à Charles Perrault en 1697, et, plus tard, par Walt Disney, n’est ni celle des origines ni la plus répandue. Tradition orale oblige, la genèse du conte reste floue.
Un conte quasi universel
L’histoire de Rhodope telle que la rapporte Élien au IIIe siècle présente néanmoins de nombreuses similitudes avec celle de Cendrillon. Un aigle vole l’une des chausses de la jeune fille alors qu’elle se baigne, et la laisse retomber aux pieds du pharaon qui, devinant toute la beauté de sa porteuse, décide d’épouser celle dont le pied lui correspondrait. Une autre des plus anciennes versions écrites retrouvées vient de Chine et raconte l’histoire de Tam. De prime abord, la Cendrillon asiatique n’est pas si différente de la nôtre, si ce n’est qu’elle obtient ses atours et son carrosse d’un Bouddha qui la met à l’épreuve, au lieu de la bienveillante marraine occidentale. Mais, contrairement aux versions européennes les plus célèbres, l’histoire ne s’arrête pas au mariage princier. Folles de jalousie, la belle-mère et sa fille tuent Tam en prétextant un accident, et sa demi-soeur prend sa place sur le trône. La princesse au coeur pur connaît ensuite plusieurs cycles de réincarnation, tous achevés par sa mort provoquée par sa belle-famille. Pour sa dernière incarnation, Tam retrouve son corps et décide de se venger en tuant sa demisoeur et sa marâtre. La violence du conte, qui peut étonner les lecteurs occidentaux, apparaît comme le reflet des cultures et mythologies asiatiques prônant le contrôle de soi tout en justifiant la vengeance, lorsque celle-ci est méritée. Les Chinois ne sont pas les seuls à avoir compris le pouvoir suggestif des contes et leur efficacité pour délivrer une morale. Au Tibet, le repentir est au coeur de l’histoire. Dans cette version, Cendrillon n’est pas séquestrée par sa bellemère mais par deux démones, après qu’elle a tué sa mère sur leur conseil. Elle n’épousera le prince qu’après avoir suivi ceux d’animaux qui sont autant de réincarnations de sa mère, et regretté d’avoir « renoncé au bonheur et acheté la misère ».
Perrault et ses successeurs
Dans la France de la fin du XVIIe siècle, en période de crise financière et de conflits extérieurs, Marie-Catherine D’Aulnoy revisite la version de Perrault parue l’année précédente et publie « Finette Cendron », plus en accord avec son temps. Dans cette variante très inspirée du « Petit Poucet », Finette et ses soeurs sont abandonnées par leurs parents, couple royal déchu. Grâce à Finette, les soeurs retrouvent le chemin de leur maison mais les deux aînées, au lieu de lui en être reconnaissantes, la maltraitent. Finalement, comme dans « Cendrillon », elles se repentent et la jeune fille devenue princesse leur pardonne.
Le soulier, symbole sexuel ?
Malgré leurs différentes particularités locales, toutes les versions reposent sur une trame et des codes communs. On y retrouve l’ascension sociale de Cendrillon dont la morale est limpide : de bonnes choses finissent toujours par arriver aux bonnes personnes. L’autre invariant du conte est le motif du soulier perdu permettant au prince d’identifier sa future épouse. La psychanalyse, Bruno Bettelheim le premier quand il livre son interprétation du conte de Perrault, y voit le symbole de la sexualité naissante de la jeune femme, la perte du soulier renvoyant symboliquement à la perte de la virginité, après l’épisode du bal attendu et fui exprimant le mélange de désir et d’appréhension que suscite chez la jeune fille la sexualité.