La première féministe
Le procureur de la Commune, Pierre Gaspard Chaumette, déclare : « Rappelez-vous cette virago, cette femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges, qui voulut politiquer et commit des crimes ! » Mais son véritable tort n’était-il pas tout simplement d’être une femme ?
Une fois la monarchie évincée, les révolutionnaires tentent d’établir un nouvel ordre. Olympe de Gouges, comme ses compagnons girondins, soutient un vote par département pour que chacun d’eux puisse choisir son nouveau gouvernement. Une mesure qui éviterait d’ajouter une guerre civile à la guerre des nations qui fait rage. Mais la « République une et indivisible » vient d’être votée, et elle punit de mort tout opposant. C’est ainsi que le 3 novembre 1793, Olympe de Gouges, figure de la Révolution dans ce qu’elle a de plus fondamental et de plus égalitaire, monte sur l’échafaud. Mais il faut le dire, c’est aussi l’engagement total d’une femme qui dérange. Retour avec Olivier Blanc, auteur d’« Olympe de Gouges, des droits de la femme à la guillotine », sur les combats de cette révolutionnaire humaniste.
La femme égale de l’homme
À la veille de la Révolution, le théâtre joue un rôle considérable dans la diffusion des idées nouvelles. Il y a alors le théâtre officiel, soumis à la censure, et le théâtre clandestin ou de société (chez Melle Guimard, Savalette de Langes ou Mme de Montalembert) où la pensée des révolutionnaires se fait plus libre et plus acerbe. Olympe de Gouges est une fervente admiratrice de ce nouveau courant d’expression et de ses auteurs. Elle a d’ailleurs, un temps, son propre théâtre de société et elle fait aussi lire ou jouer certaines de ses pièces dans les grands théâtres privés. Elle multiplie donc les oeuvres dramatiques, les pétitions, les romans, les contes… afin de mettre en lumière les changements politiques et sociétaux qui font son époque. Tous ne seront pas des chefs-d’oeuvre. Mais si elle n’est pas considérée comme une grande plume de son siècle, ces différents supports lui permettent d’affirmer ses positions et de défendre ses idées. Olivier Blanc le souligne : « Dans ses “Réflexions sur les hommes nègres” (1788), Olympe de Gouges raconte avoir été touchée par les préjugés racistes depuis son enfance. Elle est née avec une forte capacité à l’empathie et une réelle sensibilité au sort des humains discriminés par la couleur de la peau, le sexe ou le statut social. Elle est la première à applaudir à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, à laquelle elle aurait certainement préféré l’expression “droits humains” (qui inclurait les femmes). »
Deux siècles d’avance
« En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne. » Voilà comment Olympe conclut le préambule, adressé à MarieAntoinette, de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. C’est ainsi qu’en 1791, elle affirme son combat pour la reconnaissance des femmes. Il faut dire que la Révolution met cette cause au centre des discussions. Qui veut jouir d’égalité ne peut en priver la moitié du genre humain ! Seulement, hormis quelques intellectuels et humanistes, les Français ne semblent pas prêts à accepter son projet de déclaration. Alors que la répression se fait plus dure et qu’une contre-révolution se met en place, Olympe décide d’agir vite. Elle tente de montrer les failles de la Révolution, et propose à l’Assemblée constituante d’ajouter du sens à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en la féminisant. Elle demande le droit de vote, la liberté de parole, le statut de citoyenne active et l’égalité devant l’emploi pour toutes les femmes de France. Enfin, elle se bat aussi pour le droit au divorce par consentement mutuel. Une avancée spectaculaire en cette année 1792, qui sera pourtant très vite dénoncée et abolie. Elle ne reverra le jour que deux siècles plus tard… en 1975 ! Olivier Blanc conclut : « La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne eut un faible écho politique pour cause de révolution et de guerre, mais ce texte majeur du féminisme moderne est aujourd’hui un repère pour les hommes et les femmes de la planète qui se battent âprement pour promouvoir ne serait-ce que le respect des droits les plus élémentaires des femmes. »