« Les hommes jettent les bases d’un ordre masculin »
Quelle influence les femmes ont-elles eue pendant la Révolution ?
D’un point de vue législatif, aucune. On ne les écoute pas, on fait même le contraire de ce qu’elles demandent. Les quelques progrès, comme le droit au divorce ou l’égalité d’héritage, sont d’abord conçus pour servir les hommes, même si les femmes en bénéficient par ricochet. Mais dès 1791, le projet législatif et politique se clarifie, et les femmes constatent qu’elles en sont les grandes exclues. L’espoir et l’enthousiasme des premiers mois se heurtent à la méfiance puis à l’hostilité des hommes. L’engagement de certaines va s’en trouver aiguisé, redoublant du coup la volonté des hommes de domestiquer les femmes, au sens propre, et de faire taire les contestataires.
Comment ?
L’exclusion des femmes du droit de vote, la suppression des lois contre les séducteurs (qui protégeaient les femmes porteuses d’enfants hors mariage), la fermeture des établissements conventuels qui met un coup d’arrêt à leur accès à l’éducation sont autant de moyens de renforcer l’autorité paternelle et maritale. Le Code civil parachèvera cette entreprise.
Les revendications des femmes reçoivent-elles le soutien de la population ?
Outre les grandes figures évoquées dans le dossier, il y a de nombreuses héroïnes locales. En province, les femmes vont plus facilement dans les clubs, elles s’arment, votent un temps, et certaines municipalités vont même adresser des réclamations à Paris pour que le suffrage des citoyennes soit pris en compte. Les Français sont plutôt favorables à l’égalité pour les femmes, mais on constate qu’il y a un vrai fossé entre la population en province, et les hommes au pouvoir à Paris. Les rares hommes politiques défenseurs des droits des femmes, comme Condorcet ou Guyomar, sont tournés en ridicule, discrédités et préfèrent se taire.
Éliane Viennot, auteur de « La France, les femmes et le pouvoir » (éd. Perrin)
Les femmes abandonnent-elles ?
À partir de 1792, seules les femmes des mouvements populaires sont encore actives. Les modérées se taisent par peur des représailles ; beaucoup sont emprisonnées, condamnées, certaines deviennent folles. La Révolution a réduit les femmes au silence. Marie-Antoinette, symbole de l’ancien pouvoir féminin, est exécutée. Charlotte Corday, une républicaine qui représente la fracture du mouvement révolutionnaire, est guillotinée. Théroigne de Méricourt, très populaire et qui incarne la radicalisation progressive du discours féministe, finit à l’asile, brisée. Mme Roland est surprenante : elle ne comprend pas sa condamnation, elle considère que les femmes ne sont pas encore mûres pour le pouvoir. Quant à Olympe de Gouges, elle monte sur l’échafaud, elle qui revendiquait dans sa « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. » En vain.