Holstein-Gottorp, dynastie fugace et mal aimée
L’histoire de la Suède est riche en rebondissements dus notamment à de fréquents changements dynastiques. Nombre de monarques meurent sans descendance, laissant le royaume aux mains de lointains parents. C’est grâce à ces héritages que la couronne tombe e
Le premier monarque de cette curieuse dynastie cousine des Romanov est Adolphe-Frédéric. Né en 1710, il est le fils de Christian-Auguste de Holstein-Gottorp, prince régent du land de Schleswig-Holstein, objet de tant de querelles prusso- danoises, mais également, par sa mère le descendant de Charles IX de Suède et de Gustave II le Grand. Élu prince héritier en 1743, il est sacré le 26 novembre 1751 à Stockholm. La monarchie suédoise, affaiblie depuis le début du siècle, est vivement contestée par le Riksdag (le Parlement), et le nouveau roi, bon
mari, bon père, mais piètre décideur et sans charisme aucun, ne va guère résister à la pression parlementaire. À dire le vrai, il ne se sent pas l’âme d’un souverain.
Adolphe-Frédéric, le gourmand
Avant d’être roi, alors qu’il était simple prince de Lübeck, Adolphe-Frédéric s’était lié à des notables russes engagés dans la guerre russosuédoise de 1743. Soucieux de faire la paix, les deux partis signèrent finalement un accord : la fin du conflit à la condition qu’Adolphe-Frédéric ceigne la couronne de Suède. Ainsi, placé comme malgré lui sur le trône au gré d’un concours de circonstances, le nouveau souverain reste une figure d’arrière-plan dans la politique suédoise, constamment soumis au Riksdag qui le considère comme illégitime. Pourtant, à deux reprises, sous l’influence de son épouse, puis de son fils, il tente de reprendre les rênes. La première fois, il échoue lamentablement. La seconde, il triomphe… et se retire, ne sachant que faire de sa victoire. Las de la politique, il se consacre dès lors à ce qui le passionne véritablement, les arts, les sciences, la confection de jolies tabatières et la gastronomie. Il organise régulièrement au palais royal de Stockholm d’immenses festins qui réunissent l’élite suédoise. Le 12 février 1771, ce goût poussé pour la bonne chère vire au tragicomique. Après s’être littéralement empiffré de caviar, de soupe au chou, de harengs rouges, de poissons fumés, de homard et de choucroute, le tout arrosé de champagne, Adolphe-Frédéric fait servir son dessert favori : du semla. Hélas pour lui cette délicieuse brioche typiquement suédoise fourrée à la pâte d’amande et à la crème fouettée et trempée dans du lait chaud n’est pas des plus légères. Et la quatorzième brioche lui est fatale. Il meurt d’indigestion sous les yeux des courtisans consternés.
Gustave III : une dérive extrémiste
Son successeur, Gustave III, se montre tout aussi peu monarque mais bien plus dangereux. Porté à un pouvoir réel par son coup d’État contre un parlement déchiré et corrompu, le jeune prince, se révèle dans un premier temps, adepte du despotisme éclairé. Fasciné par la culture française, il crée sur le modèle parisien l’Académie Suédoise. Il abolit la torture, améliore la condition des paysans, réorganise les finances. Mais l’idylle entre le roi, sa noblesse et son peuple tourne court. L’influence néfaste de la reine douairière sur son fils et la dérive absolutiste du monarque lui valent bientôt la haine de ses sujets. L’aristocratie complote. Gustave III est assassiné le 16 mars 1792 au cours d’un bal masqué donné à l’Opéra de Stockholm. L’admirateur des Lumières devenu dictateur rend ainsi l’âme au moment où, en France, va se déchaîner la première Terreur.