Secrets d'Histoire

Caroline, femme de goût et mécène accomplie

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Intelligen­te et extrêmemen­t intuitive, Caroline a su s’entourer des meilleurs maîtres pour affirmer sa propre sensibilit­é artistique. Mécène, collection­neuse, passionnée d’arts, elle marque les lieux qu’elle traverse de sa patte inoubliabl­e, mêlant faste, élégance et modernité. Elle y convie les plus grands artistes de son temps, mais la reine de Naples n’oublie pas de soutenir aussi les artisans de son royaume, agissant en véritable souveraine.

Grâce à son esprit et à son charme, Caroline se sent vite à l’aise dans les salons et sa vivacité est reconnue d’emblée. Dotée d’une forte intuition, elle a su prendre aussi le bon goût de l’impératric­e Joséphine. Dès lors, Caroline et Joachim, qui ont en commun la passion des belles choses, vont faire travailler des artistes réputés et collection­ner.

D’hôtel en palais

De Paris à Naples, à chaque changement de résidence, les Murat sont souvent obligés de laisser leurs biens et leurs collection­s. C’est l’occasion d’en recréer de nouvelles. Dès le début, ils font appel à des profession­nels renommés pour leur hôtel de Thélusson ou leur château de Neuilly, comme les architecte­s Barthélemy Vignon et Jean-Thomas Thibault. Ils apprécient les belles matières – velours, soie, mousseline brochée, tapis d’Aubusson. Le faste de leurs propriétés se fait le reflet de leur réussite. Les soirées qu’y organise Caroline influencen­t la mode, notamment celle des robes en soie à manches ballons et taille ajustée sous la poitrine. Caroline adore l’horlogerie : entre 1805 et 1812, elle commande trente-quatre montres et pendules à la célèbre maison Breguet, dont la première montre bracelet. Celle-ci précise que « la conception de la pièce était révolution­naire : une montre à répétition plate, oblongue, dotée d’un thermomètr­e et montée sur un bracelet tressé de fils d’or ».

Le joyau de l’Élysée

En 1805, pour la naissance de leur fille Louise, Napoléon offre aux Murat les fonds pour acheter l’Élysée. L’ancien palais de Madame de Pompadour est en très mauvais état. Caroline et Murat font appel à Vignon et Thibault pour le rénover et réorganise­r les espaces, façonnant le palais tel qu’on le connaît aujourd’hui. Ils créent une immense salle de bal éclairée par cinq gigantesqu­es lustres garnis de cristaux de Bohème. Les peintres Bidauld et Dunouy composent des fresques, dont l’une représente­rait Caroline et ses enfants en calèche. Ils aménagent un escalier d’apparat à double volée, une première à Paris, dont la rampe est ornée de palmes en bois doré, emblèmes de l’Empire. Ils exposent leur collection de toiles du Corrège, Raphaël, Véronèse, Ingres, David… Le mobilier est confié à la maison Jacob-Desmalter, les bronzes à Ravrio et les tapisserie­s à Boulard. La chambre de Murat est décorée dans un style de tente militaire. L’une des pièces les plus ravissante­s est le petit boudoir imaginé par Caroline, nommé salon d’Argent (voir encadré).

La vie à Naples

Comme à Paris, mais peut-être plus encore maintenant qu’elle est reine car elle s’en fait un devoir, Caroline fait venir et travailler les artistes. C’est un des seuls domaines, avec le contrôle des manufactur­es et l’éducation des filles, que lui abandonne Murat. Musiciens, sculpteurs, architecte­s, peintres se pressent, parmi eux, de nombreux Napolitain­s : Paisiello, Pergolèse, Cimarosa, Piccinni, Porpora… Ingres aussi, proche du couple, réalise des portraits, et surtout les deux célèbres tableaux La Dormeuse de Naples (qui a mystérieus­ement disparu) et La Grande Odalisque, son pendant, commandés par Murat à l’origine pour un cabinet érotique. Partout, Caroline laisse poindre son goût pour le genre troubadour, apporte la modernité du style Empire et affirme le genre pompéien.

Les fouilles archéologi­ques

La visite des fouilles de Pompéi en 1808 est en effet une révélation pour Caroline. Elle redonne une impulsion au chantier, le finançant sur ses fonds propres, faisant venir des spécialist­es et envoyant une section du génie militaire pour aider les ouvriers. Très moderne, elle crée un musée presque in situ en rassemblan­t au palais de Portici les objets découverts. Elle recompose du mobilier ou fait décorer des pièces en mêlant éléments de Pompéi ou d’Herculanum et matériaux plus récents. Elle commande ainsi une belle table composée au centre d’une mosaïque d’Herculanum représenta­nt Méduse. Et quand elle reçoit des visiteurs, il n’est pas rare qu’elle demande à faire enfouir quelque vestige pour qu’à leur passage, ils aient l’impression de découvrir un trésor. Elle porte même des parures antiques en prenant soin de laisser la terre prise entre les pierres et la monture !

Le soutien aux artisanats locaux

Caroline encourage la manufactur­e de soie de San Leucio en créant une formation pour les ouvriers et en faisant planter des mûriers. Elle soutient les filatures de coton, et surtout la fabrique de Torre del Greco qui produit du corail. Elle s’en fait une ambassadri­ce dévouée et ses efforts pour relancer l’activité lui attirent l’admiration et la reconnaiss­ance des Napolitain­s. Elle enverra en effet dans toute l’Europe des objets (un échiquier à Napoléon, par exemple) et des bijoux en corail afin de promouvoir ce savoir-faire.

 ??  ?? Caroline Murat participe activement à la transforma­tion du palais de l’Elysée en un palais de style Empire. C’est dans le salon d’Argent qu’elle a créé que Napoléon signe le 22 juin 1815, au terme des Cent-Jours, sa seconde abdication.
Caroline Murat participe activement à la transforma­tion du palais de l’Elysée en un palais de style Empire. C’est dans le salon d’Argent qu’elle a créé que Napoléon signe le 22 juin 1815, au terme des Cent-Jours, sa seconde abdication.
 ??  ?? Portrait de Caroline Murat, née Bonaparte, par François Gérard.
Portrait de Caroline Murat, née Bonaparte, par François Gérard.
 ??  ?? Le palais de Caserte, conçu par Luigi Vanvitelli, comprend un parc de 120 hectares, des jardins et une zone boisée.
Le palais de Caserte, conçu par Luigi Vanvitelli, comprend un parc de 120 hectares, des jardins et une zone boisée.
 ??  ?? Pompéi (et le Vésuve au loin), passion de la reine de Naples.
Pompéi (et le Vésuve au loin), passion de la reine de Naples.
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