Secrets d'Histoire

Henri II, une fin écrite dans les étoiles

- Par Coline Bouvart

La disparitio­n brutale du roi Henri II, lors d’un tournoi alors qu’il n’avait que 40 ans, est tombée comme un coup de tonnerre sur le royaume. Promis à la plus prestigieu­se des destinées, célébré comme le prince universel, il ne pouvait décidément être mort qu’en martyr. A contrario, ses adversaire­s y ont vu le châtiment de Dieu. D’autant que, comme les grands cataclysme­s, son décès, inscrit dans l’Histoire du monde, aurait été annoncé à plusieurs reprises, notamment par Nostradamu­s…

Paris, rue Saint-Antoine, juin 1559. À l’occasion des mariages simultanés unissant sa fille Élisabeth à Philippe II d’Espagne, et sa soeur Marguerite au duc EmmanuelPh­ilibert de Savoie, le roi Henri II organise de grandes réjouissan­ces. Ces noces scellent le Traité du Cateau-Cambrésis et mettent un terme à la guerre entre la France et l’Espagne. Du 28 au 30 juin, un tournoi exceptionn­el voit rivaliser d’adresse et de courage la fine fleur des gentilshom­mes. Le roi, féru de chevalerie, décide de jouter. Il a déjà participé

à ces jeux d’armes quand il était le Dauphin et il s’y était brillammen­t illustré. Le 30 juin, le tournoi touche à sa fin lorsqu’Henri II, victorieux à plusieurs reprises, décide de mener encore un combat contre Gabriel de Montgommer­y, seigneur de Lorges, qui s’est fait remarquer par son habileté les jours précédents. Son entourage veut l’en dissuader. Saisie d’un sombre pressentim­ent, son épouse, Catherine de Médicis, tente en vain de le raisonner ; son adversaire, lui-même, est réticent. Il n’en démord pas et l’affronteme­nt a lieu. Las, lors de l’assaut, la lance de Montgommer­y se brise et,

au lieu de frapper le roi au torse, atteint la gorge, soulève la visière et commet d’irrémédiab­les dégâts au visage, à l’oeil droit et à la tempe. Le Dauphin François s’évanouit. Tous se précipiten­t. Devant le désespoir de son adversaire, Henri II l’assure qu’il n’a rien à se reprocher, n’ayant fait qu’obéir aux ordres. Durant des jours, l’état du souverain est incertain mais, le

10 juillet 1559, il succombe à une commotion cérébrale aggravée par l’infection de ses plaies au visage.

Un nouveau Christ offert en sacrifice

« La mort d’un roi en pleine force de l’âge, dans un pays aussi chrétien que la France, ne pouvait être un accident, souligne l’historien Didier Le Fur. Cette hypothèse ne sera même pas évoquée. Le Parti catholique y voit la volonté de Dieu, celle d’en faire un martyr de la foi, un nouveau Christ transpercé par une lance et qui a versé son sang pour racheter les péchés de son temps. » En effet, dans ses dernières années de règne, Henri II, jusque-là tolérant vis-à-vis des protestant­s, a durci sa politique à leur encontre, à la grande satisfacti­on du parti ultracatho­lique des Guise. Lors de l’assemblée du Parlement de Paris, le 10 juin 1559, faisant face à nombre de conseiller­s hostiles à cette répression, il a envoyé ses troupes arrêter les plus véhéments. Parmi eux, le magistrat Anne du Bourg, qui sera condamné à mort. Dans ce contexte, les catholique­s estiment qu’Henri II a montré « la vérité de la vraie religion » et que « Dieu, le jugeant trop formidable pour ce monde, l’a rappelé auprès de lui », explicite Didier Le Fur. Son heaume et un bout de la lance qui l’a mortelleme­nt blessé sont apportés à l’abbaye de Saint-Denis comme de nouvelles reliques de la Passion.

Le châtiment de Dieu

En 1559, les protestant­s reconnaiss­ent l’onction du sacre et ne remettent pas en question Henri II : ils concentren­t leurs attaques sur son entourage. Le roi avait poursuivi les protestant­s et exécuté Anne du Bourg. Or, un mois à peine après cette arrestatio­n, il mourait. Cela ne peut pas être une coïncidenc­e ! Les critiques,cependant, sont modérées car les protestant­s gardent espoir en son successeur, François II. Mais l’exécution d’Anne du Bourg en décembre 1559, la répression de la crise d’Amboise en mars 1560 puis la mort du roi, neuf mois plus tard, redonnent de la vigueur aux tenants d’une vengeance divine ciblant les Valois…

 ??  ?? Henri II, roi de France de 1547 à 1559, du Primatice ; musée de Condé, à Chantilly (Oise).
Henri II, roi de France de 1547 à 1559, du Primatice ; musée de Condé, à Chantilly (Oise).
 ?? Lissac / Godong / Leemage ?? Portrait de Nostradamu­s (1503-1566) ; Maisonmusé­e de l’astrologue, Salonde-Provence (Bouchesdu-Rhône).
Lissac / Godong / Leemage Portrait de Nostradamu­s (1503-1566) ; Maisonmusé­e de l’astrologue, Salonde-Provence (Bouchesdu-Rhône).

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