La croix contre le buisson ardent
C’est sur fond de luttes religieuses que se tissent les retrouvailles de la très catholique Marie Stuart avec ses terres écossaises. Bien décidée à défendre la croix romaine, elle voit se dresser devant elle la Kirk, l’Église réformée d'Écosse à l’emblème du buisson ardent.
Le royaume que retrouve Marie Stuart en 1561 est bien différent de celui où elle a vu le jour. Le prédicateur calviniste John Knox y a rallié de grands nobles écossais. Depuis un an, par décision du Parlement, le protestantisme est même devenu religion d'État. Déchirée entre les clans catholiques et protestants, l’Écosse se débat dans la misère. La jeune reine y trouve peu de soutiens pour asseoir un pouvoir fort qui, seul, pourrait restaurer le catholicisme.
Alliance matrimoniale
Aussi Marie Stuart emprunte-t-elle, dans un premier temps, la voie diplomatique. Elle a soin de ménager sa puissante voisine, l’Angleterre, et sa reine anglicane, Élisabeth Ire. Elle choisit de gouverner avec deux adeptes modérés de la Réforme : son demi-frère, lord James Stuart, qu’elle nomme Premier ministre, et William Maitland de Lethington, dont elle fait son secrétaire. Ils l’aident à gagner la faveur du peuple. Mais il est une chose à laquelle la reine ne renonce pas : sa foi catholique. Elle fait dire la messe dans la chapelle de son château d’Holyrood et s’attire les foudres de John Knox. Chaque dimanche, lors de ses prêches, celui-ci vomit la haine que lui inspire sa Cour joyeuse, où festins, jeux et bals se succèdent. Sans parler des messes privées. John Knox a beau fulminer, Marie Stuart ne lâche rien. Et comprend qu’elle doit se remarier : elle ne peut gouverner sans assurer à son trône une
descendance. Voilà des mois, en réalité, qu’elle négocie en secret une alliance matrimoniale avec l’héritier de la grande puissance catholique qu'est l’Espagne. Lorsque cela revient aux oreilles anglaises, Élisabeth Ire émet un veto : elle ne veut pas d’un prince d'ascendance étrangère. Marie Stuart jette alors son dévolu sur lord Henry Darnley. Il a 18 ans – elle en a 23 – et il est l’arrière-petit-fils d'Henri VII, le premier des Tudor. Le mariage se tient à Holyrood, le 29 juillet 1565. Le nouveau roi d’Écosse est… catholique ! Cerise sur le gâteau, elle est amoureuse. Elle va vite déchanter.
Deux morts et un couronnement
Darnley se révèle être un débauché. Qui plus est, il est jaloux du pouvoir grandissant que Marie Stuart accorde à son secrétaire particulier, l’Italien David Rizzio. Au point qu'il le fait assassiner, le 9 mars 1566, en présence de sa femme enceinte – il soupçonne Rizzio d'être le père de l'enfant. Prisonnière à Holyrood, la reine est secourue par un protestant rallié à sa cause, James Hepburn, comte de Bothwell. Avec son aide, elle chasse les conjurés et reprend le pouvoir. En juin, elle donne naissance à un fils, Jacques. Mais impossible de pardonner la trahison du père ! Dans la nuit du 9 février 1567, Darnley trouve la mort, alors que la chambre où il dormait explose. Bothwell est suspecté mais un procès (truqué) l'innocente. Pire, trois mois après, Marie Stuart s’unit à lui. L’Écosse est à feu et à sang. John Knox réclame le bûcher pour la « pécheresse papiste »… Les lords protestants la contraignent alors à abdiquer en faveur de son fils. Le 29 juillet 1567, Jacques VI, 1 an tout juste, est couronné. La bénédiction est donnée par John Knox en personne, selon le rite protestant. Contre la croix de Rome, le buisson ardent de la Kirk l'a emporté.