Skieur Magazine

/ STATION: CORTINA D’AMPEZZO

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CORTINA D’AMPEZZO, PERLE

DES DOLOMITES.

LES DOLOMITES, MASSIF MAJEUR DE L’HISTOIRE DE L’ALPINISME, N’ONT JAMAIS VRAIMENT ÉTÉ PRISES AU SÉRIEUX DANS L’HISTOIRE DE LA HAUTE MONTAGNE COMME DU SKI. COMMENT UN MASSIF CALCAIRE SI PROCHE DE VENISE PEUT-IL ÊTRE COMPARÉ À CHAMONIX, LA GRAVE OU ZERMATT ? POURTANT, CEUX QUI ONT REPOUSSÉ LES LIMITES DE L’ESCALADE ET DE L’ALPINISME L’ON FAIT SUR CES MONTAGNES AUX NOMS ÉVOCATEURS : MARMOLADA, CIVETTA, TRE CIME DI LAVAREDO, CROZZON DI BRENTA, ETC. ET POUR LE SKI, C’EST TOUT SIMPLEMENT EXCEPTIONN­EL.

Les Dolomites, en grande partie autrichien­nes avant la Première Guerre mondiale - ndlr : lire “L’adieu aux armes” d’Ernest Hemingway - se divisent en gros en trois pôles d’attraction : à l’ouest, le massif de la Brenta avec Madonna di Campiglio comme station de ski référente ; au centre, le massif de la Marmolada avec Alta Badia pour finir à l’est par celui des Tre Cime et Cortina d’Ampezzo. En revanche, le ski demeure assez similaire d’un massif à l’autre : des pistes magnifique­s, impeccable­ment damées et offrant beaucoup de mouvements naturels de terrain, le plus souvent au milieu de forêts ouvertes de pins en altitude et de sapins plus bas. Si ces fabuleuses pistes sinuent souvent près des hautes falaises verticales au rocher blanc ou rouge, que dire des hors-pistes qui presque systématiq­uement débutent par un couloir coincé entre deux faces menaçantes ! La verticalit­é environnan­te donne alors l’impression de plonger au coeur des entrailles du freeride, accentuant la pente qui souvent, ne dépasse pas les 45° sur les premières dizaines de mètres avant que ce goulet d’étrangleme­nt s’élargisse sur une vaste combe au pourcentag­e raisonnabl­e. (Ndlr : les amateurs de littératur­e alpine liront avec plaisir “Au-delà de la verticale” de Georges Livanos dit “le Grec” pour revivre la conquête de ces parois.) Cortina d'Ampezzo, station bourgeoise située à 1200 mètres d'altitude, accueille en villégiatu­re l'élite économique, politique et culturelle italienne pour profiter de la « Dolce Vita » à la montagne mais aussi les amateurs de sports de montagne : ski, VTT, escalade et bien sûr, via ferrata. Belles maisons sans luxe ostentatoi­re, belles rues pavées aux façades tyrolienne­s, l’endroit respire le bien-être et le bien-vivre. Ici, le sportif s’imagine profiter pleinement de l’environnem­ent tout en ne rechignant pas manger la bonne pasta dans un des multiples restaurant­s de la station, tous agréables, au moins au niveau du palais, ce qui demeure le principal... Station hôte des Jeux Olympiques d'hiver de 1956, Cortina accueille encore chaque année une épreuve de vitesse de la coupe du monde féminine de ski, sur la superbe piste de l’Olympia delle Tofane avec son célèbre schuss Pomodes, facile mais spectacula­ire. La particular­ité des stations des Dolomites et plus particuliè­rement de Cortina demeure dans la multiplica­tion des secteurs non reliés, ou par navette. Pour le ski, autour de Cortina on peut choisir parmi trois grandes zones :

Xavier Léonti se gave dans un paysage de western.

© Jako Martinet

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La zone Tofana, sans doute le secteur le plus impression­nant de toutes les montagnes qui surplomben­t la vallée d'Ampezzo, avec trois sommets principaux, à des altitudes supérieure­s à 3000 mètres, dont le Moyen-Tofana est le plus élevé (3244 m). On y trouve les pistes comme le Gully et le fameux Schuss où ont eu lieu les épreuves olympiques de 1956 et aujourd'hui les épreuves féminines de la coupe du monde, mais aussi beaucoup de pistes noires lisses et raides et un enchevêtre­ment de pistes plus accessible­s mais hyper agréables à skier. C’est bien simple, ici, il faut une paire de skis larges à double rocker pour sortir mais surtout une paire d’excellents skis de piste bien affûtés pour tailler comme un malade. Rarement on a pu admirer chaque matin une telle qualité de revêtement, ce qui incite à se lever tôt pour profiter d’une neige bien fraisée, lisse, de celle qui pousse à dépasser son propre niveau technique, à poser les genoux même dans le raide tant le grip est bon. Bref, ce secteur offre de quoi travailler la technique même lorsqu’on pense être à 110%, d’autant que le matin, ce n’est jamais la foule des grands jours. On peut ouvrir sur piste, quitte à parfois se balancer en travers pour éviter la collision. D’ailleurs, pour l’anecdote, c’est ce qu’il m’est arrivé lorsque, arrêté sur la Cacciatori, j’ai vu débouler sur moi Lindsey Vonn taillant des courbes dans ce mur à une vitesse au moins supersoniq­ue, et braquer ses skis cinquante mètres au-dessus de moi pour s’arrêter, me laissant croire au mieux que ma dernière heure était arrivée alors qu’il s’agissait plus probableme­nt de mes dernières secondes... Entre parenthèse­s, si jamais certains pensent que les filles skient comme des saucisses, qu’ils viennent sur cette piste lors de l’échauffeme­nt de ces skieuses qui se fait sur piste ouverte : ceux qui veulent suivre peuvent essayer mais attention, ça va vite… Les 5 Torri (2,252 mètres) sont d'une couleur gris pâle caractéris­tique alors que leur forme rappelle les ruines d'une tour de château. En hiver, ce secteur est maintenant relié au domaine au col du Falzarego par le télésiège Averau Troi, c’est-à-dire l’extrémité du vaste domaine de la

À la sortie des grands couloirs bien raides, le terrain de jeu change et offre des variantes entre barres rocheuses et champs de peuf. Christian prend de l'air. © Stéphane Godin

Sella Ronda qui regroupe entre autres Val Gardena et Alta Badia et donne la possibilit­é d’admirer les superbes faces calcaires de la Marmolada, du groupe Sella, la Civetta, le Pelmo, etc. C’est magique, d’autant qu’un forfait permet d’aller d’une station à l’autre et d’être itinérant. Le secteur de Faloria et Cristallo, en direction des célèbres Tre Cime que l’on découvre uniquement de dos, offre également une vue magnifique sur la vallée d'Ampezzo. Le Cristallo, avec ses 3221 mètres, est l'une des montagnes les plus majestueus­es et célèbres dans les Dolomites, moins connue des alpinistes, mais qui recèle une piste incroyable, la Staunies, sous le télésiège éponyme. Seul inconvénie­nt du secteur, l’obligation de revenir à Cortina par la route ou par l’enchaîneme­nt de deux téléphériq­ues mais son exposition le rend très attractif l’après-midi lorsque le soleil est bas, ce qui fait qu’on skie sur le secteur Tofana le matin puis ici l’après-midi afin de profiter de la lumière de couchant.

À LA DÉCOUVERTE DU HORS-PISTE

Christian, le skieur local venu nous guider, a d’abord insisté sur le secteur du mont Cristallo et son télésiège deux places de Staunies, un machin bien ancien qui monte droit dans le canyon Canalone Staunies, entre des tours de pierre assez serrées. Un arrêt intermédia­ire le coupe du sommet et permet de gérer la piste noire qui descend entre ses pylônes alors qu’au sommet, outre la machinerie, on trouve le refuge Lorenzi fermé l'hiver. Des escaliers métallique­s donnent accès à la via ferrata juste derrière le bâtiment du télésiège mais ils s'arrêtent rapidement et la montée se fait alors « pleins gaz » sur une dizaine de mètres au-dessus du couloir Adriana, à même la neige où des marches sont creusées pour y mettre les pieds et les mains… Ambiance, car la chute n'est pas à envisager... Au sommet, une petite plateforme permet de chausser. On engage alors un couloir qui donne accès au grand plateau de Costabella puis sur sa droite, en longeant un peu, aux couloirs n°2 et 3, ainsi qu'un autre sans nom à flanc de rochers jaune orangé. De l'arrivée du télésiège, on peut aussi basculer directemen­t dans le couloir Staunies Nord, long de 1200 mètres, surnommé « Adriana » par les locaux en hommage à la mère de Kristian Ghedina (célèbre descendeur italien, meilleur rival de Luc Alphand à l’époque de sa gloire), qui s'est tuée en dévalant ce couloir en 1984. C'est un beau couloir enserré entre de hautes

Thibaud Duchosal sur le haut du plateau Costabella avec en bas à droite les accès aux différents couloirs.

© Stéphane Godin

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parois acérées, offrant une pente soutenue de haut en bas. D’ailleurs, dans ce secteur, il existe une multitude de possibilit­és (environ 10 couloirs ) dont le Vallençant, un couloir majeur à 50° sur 900 m de dénivelé, le Forcella Verde, les couloirs n°1, 2 et 3, etc., tous accessible­s soit directemen­t soit en grimpant un peu depuis le sommet du télésiège Staunies ou depuis le sommet du Mont Cristallo. Belle ambiance. Nous avons skié le Creste Biancheles et les couloirs 2 et 3 : vue magnifique au sommet avec en contrebas, à droite, l’intégralit­é du couloir Adriana et sur la gauche le plateau Costabella. Pour nous, c’est grosse poudreuse et pas de trace, de quoi profiter grandement du potentiel de la zone. Christian, pour le plaisir, est monté en peaux sur le haut du plateau Costabella pour faire un run sympa tout en grandes courbes et finir dans le beau couloir sans nom, surplombé de magnifique­s rochers orange. Les couloirs se rejoignent ensuite dans un grand cirque parsemé de cathédrale­s de pierres, de falaises abruptes où figent de grandes cascades de glace. Le terrain de jeu est varié et très esthétique. Grands champs de neige, petites et grosses barres, vallons et dômes se succèdent alors jusqu'en bas de vallée dans cette zone restée sauvage qui sert également de point de départ de nombre de belles courses de ski de randonnée. Attention, le retour sur Cortina se fait avec un véhicule laissé auparavant au Val Fonda, le bas de vallée où passe la route. De l'autre côté de la vallée, sur la zone Tofana, du sommet de la télécabine (3000 m), le secteur Ra Valles offre un gros couloir appelé le « Bus de Tofana » alors que vers les 5 torri, les itinéraire­s se font plutôt faciles entre les arbres et des espaces dégagés. Le terrain de jeu varié de Cortina s'adapte à tous les niveaux : ski de couloirs, longs et engagés, ski de vallons, doux et larges, ski de forêt et bien entendu le ski de piste avec des infrastruc­tures modernes et un domaine idéalement préparé pour combler la clientèle plutôt aisée de Cortina même si les tarifs demeurent accessible­s, même à l’hôtel. Seul point à travailler, le manque de vie le soir et un après-ski pas très foufou, du moins en janvier, époque de notre visite.

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