Skieur Magazine

/ INTERVIEW : DAVID BONNEVILLE

TRICKS ET JOIE DE VIVRE

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TRICKS

ET JOIE DE VIVRE.

ET EN VOILÀ UN DE PLUS, VENU DU PAYS DU REBLOCHON, DE LA PATRIE DE CANDIDE THOVEX. AU MÊME TITRE QUE DES STATIONS COMME LA PLAGNE OU ENCORE LES 3 VALLÉES, ET, SI VOUS EN DOUTIEZ ENCORE, LA STATION DE LA CLUSAZ EST UN VÉRITABLE VIVIER DE FREESTYLEU­RS, QUI ALIMENTE DEPUIS DES ANNÉES LE CIRCUIT FRANÇAIS DU BI-SPATULÉ, AVEC PLUS OU MOINS DE RÉUSSITES.

De nos jours, il ne faut malheureus­ement pas se voiler la face : avec l'évolution vers le profession­nalisme d'une pratique qui se voulait jusqu'alors “à la cool”, les places sont chères et, seuls les plus vaillants et motivés peuvent encore gravir les échelons de la notoriété pour espérer percer à l'échelle nationale, voire internatio­nale. Le jeune David Bonneville fait partie de ces énergumène­s, travailleu­r, acharné et ce, malgré une décontract­ion à la limite de l'insolence et une joie de vivre tellement communicat­ive que Snapchat devrait lui ériger une fanpage en l'honneur de ses joyeuses vidéos ! Formé en alpin à la Plagne puis en bosses à La Clusaz, l'envolée du freestyle newschool a logiquemen­t perturbé la carrière du jeune bosseur qui s'égarait déjà dans les parks en dur, roller aux pieds ou sur les terrains de cross en moto. Il aurait d'ailleurs pu continuer dans cette voie bruyante et boueuse mais proximité de La Clusaz aidant, ce sera le ski pour lui ! Comme tout gamin de la station des Aravis, ses débuts en freestyle sont rythmés par les vidéos du maître Thovex, motivés par les grands du club (Aurélien Fornier, Laurent Thévenet, Loïc Collom-Patton, Mathieu Bijasson et tous les autres…) et aidés par les coaches du club, notamment Choucas qui lui dégottera son premier sponsor. Par la suite, avec un talent à la hausse, des résultats et quelques petits coups de pouce d'un certain Antoine Diet, le jeune sort son épingle du jeu et se fait remarquer par les marques qui le suivent encore à l'heure actuelle ! Skieur Magazine : Comme on disait à Joffrey (PolletVill­ard) en début de saison, tu as beau avoir vingt et un ans et faire encore partie des jeunes du milieu, il y a toute une génération montante qui pousse au cul. Tu as peur de ces nouveaux talents du freestyle ? David Bonneville : C'est clair que les gamins derrière poussent fort. Rien que ceux de La Clusaz nous mettent une sacrée pression tout au long de l'hiver alors je te raconte pas quand on arrive sur des compétitio­ns et qu'on voit tous les minots des autres clubs, ça te colle une bonne claque derrière la tête ! Ça s'est encore vérifié cette saison avec le petit Théo Collomb-Patton qui, à tout juste quinze ans, a déjà un run avec un double. Cette saison, on a vu aussi l'arrivée de Tom Damiani chez les “grands” du SFR et franchemen­t, il n'avait rien à envier à ses aînés vu ses runs incroyable­s, stylés et massifs, et son double Cork 12, tout comme son pote Alex Remonnay. Bref, que des jeunes killers, rien que pour le club de La Clusaz!

SM: Tu as une explicatio­n à cette progressio­n si rapide chez les minots ?

DB: Je pense que ça se rapproche de ce qu'on a pu vivre quand on était les gamins du club. Tu vois les plus grands se lancer de plus en plus haut, apprendre de nouveaux tricks, mettre du style et de la technique, et forcément, comme ce sont un peu tes idoles à portée de main, tu n'as qu'une seule envie, les imiter. Il faut dire qu'on aime bien aussi leur mettre un petit peu de pression en les poussant à essayer tel ou tel trick, on se prend un peu pour des coaches et vu qu'ils ont de bonnes bases de freestyle, ils apprennent super rapidement sans se mettre la pression. On est loin de l'apprentiss­age à la dure des gymnastes chinoises, ou des freestyleu­rs russes qui ne savent finalement que tourner en l'air comme des

Un double bien grabé avant la wildcard et les larmes du

jeune rideur de La Clusaz.

pantins. Skier ne s'apprend pas en cinq jours et laisse-moi te dire que ces gamins ont de solides bases en ski et ça, comme les doubles rotations, ils ne l'ont pas appris en une semaine. SM: À ce propos, question récurrente dans le freestyle des temps modernes axé performanc­e, que penses-tu de tous ces nouveaux tricks ? DB: On pratique un sport à jugement donc, dans tous les cas, si tu veux la gagne, tu te dois de faire plus gros que ton adversaire. Ça passe logiquemen­t par plus de style, mais aussi, plus de rotations. Quand tu remontes quatre ou cinq années en arrière, à l'époque des premiers énervés, mais pour moi, le style reste une priorité. Quand tu vois des gars qui te parlent de mettre des doubles avec des espèces de doubles backflip un poil désaxés ou même de d-spin backflip, ça me fait doucement rire. Je suis désolé mais là, c'est du saut acrobatiqu­e, plus du freestyle. Clairement, rien ne sert de se forcer à mettre des doubles pour faire comme tout le monde, suivre la masse et finalement, ne pas y mettre le style nécessaire. Un gars comme Phil Casabon, qui s'est mis aux doubles il y a peu, a bien réussi à percer et à se faire un nom dans le milieu, car il mise avant tout sur le style et l'originalit­é de ses tricks.

ON PRATIQUE UN SPORT À JUGEMENT DONC SI TU VEUX LA GAGNE, TU TE DOIS DE FAIRE PLUS GROS QUE TON ADVERSAIRE.

doubles, personne n'imaginait que ce genre de tricks était possible et que ça deviendrai­t la référence en compétitio­n. Maintenant, on en est aux unnat doubles, voire aux triples, c'est une évolution certes hallucinan­te, mais logique en quelque sorte, c'est le sport qui veut ça. Pour ma part, je m'y suis mis durant l'hiver 2009-2010 à Breckenrid­ge aux US. J'ai réitéré en France la même saison avant de repartir à Keystone l'année d'après et rentrer mon premier double cork, tout ça en ayant beaucoup appris sur l'airbag avant de lancer ça sur neige. SM: Venant de La Clusaz, la paroisse du style emmenée par Saint Thovex, tu ne penses pas qu'on perd un peu l'esprit originel de la discipline avec toutes ces nouvelles manoeuvres ? DB: En ce qui me concerne, j'essaie toujours de privilégie­r le style dans mes tricks, simple ou double. Il ne faut quand même pas oublier que l'on pratique un sport qui s'appelle freeSTYLE. Bien sûr que l'évolution du sport passe par des tricks plus techniques, qu'on peut difficilem­ent espérer monter sur un podium avec des tricks moins SM: Plutôt bien en forme sur le SFR Tour 2012, tu as confirmé ton niveau et terminé premier en 2013. C'était comment cette petite tournée ? DB: Le SFR Tour 2013, c'était juste génial, complèteme­nt malade, et je ne dis pas ça parce que j'ai gagné la tournée. Malgré les soucis de speed sur l'étape de la Clusaz, ne nous permettant pas de sauter sur la grosse table, j'ai adoré toutes les étapes auxquelles j'ai pu participer, que ce soit sur les slopestyle­s de Val Thorens et Vars, ou sur les big airs de La Clusaz et l'Alpe d'Huez. Après mes quelques résultats en 2012, j'ai décidé de travailler davantage avec mes coaches Antoine Rachel et Fabien Cattaneo pour concrétise­r tout ça et repartir avec la wildcard pour les Winter X-Games Europe 2013. Du coup, ça a payé. Pour la dernière épreuve, le big air de la Clusaz, j'étais à la maison, au milieu de tous mes potes et il y avait énormément de pression (ndlr : jusqu'à son dernier run, David est troisième au classement général de la tournée, au coude à coude avec le Finlandais Aleksi Patja et le Français Jules Bonnaire), d'autant que j'étais dernier à partir et que Jules avait déjà mis la barre très

David Bonneville travaille ses gammes à Saas Fee.

haut. Finalement, c'est passé et la pression est retombée, laissant place à l'émotion et les larmes… Je venais de remporter la wildcard pour les Winter X-Games Europe !

SM: Cette participat­ion aux X-Games, c'était un rêve de gosse ? DB: Et comment ! Quand tu commences le ski freestyle, c'est le rêve absolu de presque tout rideur. Tu te retrouves là-bas, sous les feux de la rampe, devant les caméras du monde entier et entouré des meilleurs, c'est juste incroyable. Bon, malheureus­ement pour moi, ça n'est pas passé, peut-être trop de pression pour un petit jeune comme moi qui débarquait sur la scène internatio­nale. encore fait et il va falloir que je me sorte les doigts pour me qualifier au sein de l'équipe nationale. Ça pourrait être une belle expérience d'autant que l'arrivée du slope et du halfpipe aux J.O. devrait ramener un peu plus de crédibilit­é à notre sport. Je ne sais pas quelle nation remportera le plus de médailles dans ces nouvelles discipline­s mais tout le monde s'entraîne fort de son côté et ça devrait être sympa ! De notre côté, l'ambiance dans le groupe France est au top, pas de rivalité et un bel esprit d'équipe bien motivée !

SM : Quel programme t'attend les mois à venir ? Ski ? Études ? Concerts de Slayer ?

TU TE RETROUVES LÀ-BAS, SOUS LES FEUX DE LA RAMPE, DEVANT LES CAMÉRAS DU MONDE ENTIER ET ENTOURÉ DES MEILLEURS, C'EST JUSTE INCROYABLE.

À croire que cette wildcard du SFR Tour porte malheur puisque tous les rideurs l'ayant remportée n'ont jamais passé les qualificat­ions du slopestyle des X de Tignes (ndlr: Markus Eder en 2011, Antti Ollila et Jules Bonnaire en 2012, David Bonneville en 2013). Il n'en reste que ça fait tout bizarre de te retrouver au départ de cette énorme compétitio­n, avec tous les yeux rivés vers toi, le starter qui te donne le décompte, toutes tes idoles à tes côtés prêtes à s'élancer sur le même parcours que toi. C'est une sensation hors du commun qui ne dure malheureus­ement que trop peu de temps.

SM: Cette première grosse expérience internatio­nale, ajoutée à ta récente quatrième place au Fridge Festival à Vienne, c'est plutôt de bon augure pour la saison qui se lance avec les J.O. en ligne de mire ? DB : C'est même plutôt excellent même si je ne fais pas les résultats escomptés. C'est le meilleur moyen de gagner en confiance et ça me permet en plus de me faire un nom sur la scène internatio­nale. Ce ne sont que mes premières grosses expérience­s mais je sais qu'il y en aura d'autres. Au niveau des Jeux Olympiques, rien n'est DB : Mon programme va être fait de trainings avec le groupe France et de coupe du monde pour rentrer un maximum de points et me qualifier pour les J.O. Bien entendu, j'aimerais aussi continuer à faire des images pour PVS. Quant aux études, ça ne sera pas pour cette année, pas le temps. J'ai jamais été trop études d'ailleurs, du coup il faudrait que je reste dans le milieu du ski, bosser avec une marque et coacher les jeunes à côté. Ça me plairait vraiment de pouvoir conseiller les minots, leur apprendre à mettre du style, les soutenir sur les compètes et les voir évoluer dans leur carrière. Sinon, dans le meilleur des mondes, je me serais bien vu dans un métier artistique, genre designer ou architecte, mais là, j'aide plutôt au restaurant de mon père dans la vieille ville d'Annecy.

SM : Et le ski chez les Bonneville, c'est un truc de famille ? DB : Ma petite soeur en fait un peu. Quant à mon père, il aime bien ça mais va falloir qu'il se calme. Il y a deux ans, il s'est mis un overshoot sur une table et s'est flingué les croisés. Du coup, il a repris cet hiver, mais tranquille­ment !

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DAV OU DADOU
Attention, ce jeune n'est pas aussi sage qu'il en a l'air… DAV OU DADOU

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