Skieur Magazine

CHRONIQUE DE VICTOR GALUCHOT : C’ÉTAIT MIEUX AVANT !

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Il y a un moment dans la vie d’un homme où il faut justement devenir un « homme », ce qui veut dire, en gros, que tu n'as plus le droit de te marrer comme un con quand tu plantes ta caisse parce que t’es bourré. Tu n’as plus le droit de te dire que tu ne seras jamais amoureux parce que toi, tu vas choper toutes les gonzesses de la Terre… Il va falloir aussi arrêter de te dire que les mecs qui s’échauffent avant de faire du sport sont des gros blaireaux, ou encore que toi, tu n’as pas besoin d’épargner parce que tu vas crever à 27 ans comme toute rock star qui se respecte ! De toute façon, tu n’es même plus assez con pour te dire que l’alcool et les drogues à outrance n’ont aucun effet néfaste sur toi… Bref, tu vas devoir arrêter de croire que tu es un rebelle, que tu vas tout changer et que pour toi, ça se passera pas de la même façon que pour tous les autres gros nuls avant toi… Cette chienne de destinée va doucement te bourrer dans les clous. Tout en continuant à te mentir, tu vas signer ton premier CDI, puis faire un gros emprunt pour acheter la baraque, le cabot, et enfin te marier et arriver à l’âge fatidique où l’horloge hormonale de ta femme te dira « bébé… » Une fois tout ça de fait, tu te mets sagement en roue libre : dégommer des bières en regardant à la télé un sport que tu ne pratiques pas ou, au mieux, que tu ne pratiques plus. Au milieu de ce grand bordel, tu vas faire un ou deux sursauts de vitalité suivant ton caractère : peut-être une maîtresse de 10 ans de moins qui va te faire rajeunir pendant deux mois, peut-être un changement d’orientatio­n profession­nelle pour les plus classes d’entre nous… On suivra les rails jusqu’au sapin… C’est exactement ce qui est en train d’arriver à notre bon vieux freeski. Au début, il y a eu quelques illuminés qui ont attaqué le talon de leurs skis de géant au décapeur thermique pour en faire un double spatule. La Canadian Air Force a refilé l’idée à Salomon qui

Je sais. Vous allez me dire : « Putain, encore ce vieux refrain de réac nostalgiqu­e du temps, malheureus­ement révolu, où il avait 20 ans… » Mais bordel, l’adolescenc­e du « ski newschool » est bien terminée ! On dirait bien que le freeski est en pleine crise de la trentaine…

en a fait le fameux « Teneighty » et c’était parti ! C’était l’adolescenc­e, l’insoucianc­e et la spontanéit­é ! On avait là tout un tas de mecs créatifs, frustrés par les bosses ou l’alpin, qui pouvaient enfin se lâcher. Aller en arrière, un truc de dingue ! C’était l’usine à pionniers, tout était à faire : inventer les grabs, créer de nouveaux tricks, s’attaquer aux rails… À ce moment, le freestyle allait botter le cul du snowboard, botter le cul aux discipline­s acrobatiqu­es. On arborait des autocollan­ts « FIS sucks » et la figure de proue du freeride, Monsieur Seth, était un putain de punk aux cheveux d’une couleur différente chaque saison… Double « fuck, yeah ! » Mode oblige, le business s’est mis en route. C’était le moment de signer le CDI : on est des « vrais » mais on signe les gros contrats, X-Games et banalisati­on d’une gamme freeski chez les fabricants. La vie commence à être un peu moins fun, on a des objectifs, financiers pour certains, performanc­e pour d’autres. Les rideurs ne peuvent plus être bons dans tout et il faut se spécialise­r, s’entraîner, se vendre, rendre des comptes, rembourser l’emprunt… Arrive le gros moment : le mariage ! On met ses couilles dans l’étau, on ravale sa fierté et on signe avec la FIS. On attend de voir si ça tient et on fait le bébé: il s’appellera JO. En espérant qu’il ne fasse pas trop honte à son père… Advienne que pourra, mais attention au baby blues de la saison 2014/2015… Je vous raconte tout ça mais je ne suis pas haineux. Cela peut paraître noir mais ça ne l’est pas, c’est un simple constat, une suite logique. On peut vivre heureux en restant passionnés, même vieux. Personne n’a 20 ans toute sa vie sauf les ringards « has been » qui se voilent la face et refusent, sans dignité, ce que la nature oblige. Non, je ne suis pas de ceux-là mais mon adolescenc­e et celle de mon sport sont bien derrière nous. C’est dommage, j’aimais ça…

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