Skieur Magazine

SALOPERIES DE JEUX OLYMPIQUES, SALOPERIE DE PERFORMANC­E...

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E VOUS VOIS DÉJÀ, VOUS, LES DÉFENSEURS DE LA VEUVE, DE L’ORPHELIN ET DU T-SHIRT TRIPLE XL, LEVER VOS LANCES, VOS GLAIVES ET VOS CASQUES BEATS BY DRE, ET PARTIR EN CROISADE CONTRE CE VIEUX CON DE SKIEUR MAGAZINE QUI OSE DÉCLARER QUE LE SACRO-SAINT FREESTYLE NOUS A QUITTÉS ET QU’IL EST DÉSORMAIS BEL ET BIEN ENTERRÉ, AUX CÔTÉS DE SES ANCÊTRES, LE SKI DE BOSSES ET LE BALLET. POURTANT, CROYEZ-NOUS OU PAS, MAIS ON PRÉFÉRERAI­T AUTANT VOUS DIRE QUE TOUT VA BIEN, QUE TOUT EST ROSE AU PAYS DES BISOUNOURS, QUE LE MILIEU SE PORTE COMME UN CHARME, QUE LES DOLLARS TOMBERONT DU CIEL PENDANT ENCORE QUELQUES DÉCENNIES ET QU’IL N’Y A AUCUN SOUCI À SE FAIRE. MALHEUREUS­EMENT, CE N’EST PAS LE CAS…

Porté aux nues pendant une bonne dizaine d’années, le freestyle est maintenant voué aux gémonies, plus pestiféré que le skwal, c’est peu dire… Le pire, c’est que les procureurs qui l’ont mis à mort sont ceux qui dirigent les marques de skis ! On est toujours trahi par les siens me direz-vous, mais ça fait d’autant plus mal quand ça vient de la famille. Bref, le ski freestyle a été victime de l’outrance des espoirs, ou plutôt des fantasmes, des fabricants finalement terribleme­nt déçus de ne pas voir de retour à leurs investisse­ments démesurés. Mais à qui la faute ? Au freestyle ou à ces mauvais oracles ? Le pire, c’est que la même avait déjà eu lieu auparavant avec le skicross dans lequel les mêmes avaient mis tous leurs espoirs pour booster le ski de piste avant de lâcher l’affaire, fatigués de ramer ou de raconter des carabistou­illes… Curiosité, dans les deux cas, ces discipline­s sont devenues olympiques. Bref, l’heure est grave et franchemen­t ça craint un peu pour les amateurs de snowparks. Cela nous est apparu évident au moment de commander les skis pour les tests Freestyle de Skieur Magazine lorsque certaines marques ont décidé de ne pas fournir de skis pour la catégorie alors qu’elles ont des skieurs sous contrat ! Ne pas vouloir communique­r sur un ski justifie-t-il de ne pas donner un ski en test ? Pourquoi se priver de donner un maximum d’infos et de choix à nos lecteurs ? Pourquoi se priver d’un public qui, s’il n’a pas atteint le volume rêvé, existe cependant ? Pourquoi tout simplement passer du tout au rien ? Sans forcément pousser la réflexion très loin, on sent clairement que le bi-spatulé ne fait plus rêver et qu’il vaut mieux mettre toutes ses billes dans la pratique du moment pour espérer vendre des lattes : la freerando, qui rime avec Eldorado... Bizarremen­t, si l’on regarde les catalogues des marques ces dernières saisons, le constat est flagrant : beaucoup moins de modèles orientés pur freestyle, beaucoup moins de publicités qui mettent en avant des prouesses freestyle, mais plutôt les grands espaces, l’air pur, l’écologie, la sueur, tout ça. Le freestyle est-il mort ? Tanner Hall va-t-il encore faire une plus grande carrière de freerandon­neur que celle désormais révolue de freestyler ? Est-ce devenu honteux de parler freestyle ? Surtout, n’est-ce pas un peu méprisant pour ceux qui croient encore ? Ces quelques questions, nous les avons posées à des « anciens » du milieu ceux qui ont vu naître et évoluer le freestyle d’aujourd’hui : Bruno Bertrand (co-créateur de Skieur Magazine et Outdoor & Skiing Sports marketing chez Salomon), Olivier Cotte (ex-bosseur et créateur de la tournée SFR Freestyle Tour), Guillaume Desmurs (auteur de This is real skiing, le premier livre consacré au freestyle newschool) et Julien Regnier (est-ce nécessaire de présenter l’un des pionniers du freestyle newschool en France ?). Pour ceux qui ne se sont pas documentés, ou qui n’ont jamais lu le livre très intéressan­t de notre confrère Guillaume Desmurs (This is real skiing aux Éditions Inverse), le freestyle newschool est apparu au milieu des années 90, suite à un rejet de la part de certains skieurs de l’évolution du ski de bosses, devenu olympique en 1992 à Albertvill­e après une démonstrat­ion à Calgary quatre ans plus tôt. Dans les années 1970, le ski de bosses, appelé aussi hot-dog, c’était rock’n’roll, la discipline rebelle mais aussi festive du ski, qui a malheureus­ement perdu de sa superbe au fur et à mesure que les fédération­s se sont approprié le bébé. Comme beaucoup de sports fun qui se retrouvent du jour au lendemain aux Jeux, les bosses ont dû (et voulu !) rentrer dans le moule, avec plus de profession­nalisme et de structure. Bref, de la fraîcheur des débuts, il ne restait pas grand-chose, même si depuis, la fédération a tenté de mettre un coup de jeune en autorisant les têtes en bas et les grabs, en vain devrait-on dire puisque après l’heure, ce n’est plus l’heure... Le snowboard est également passé par cette case mais avec une rébellion plus médiatique, la faute à Terje Haakonsen, l’idole, qui était qualifié d’office et assuré de tout péter aux Jeux olympiques, mais a préféré refuser de participer à cette grand-messe dans laquelle il ne reconnaiss­ait ni lui-même ni son sport. « À partir du moment où une discipline devient olympique, ça part en vrille, surtout pour une discipline qui s’est construite en opposition avec l’alpin. Dès que le CIO a commencé à foutre les mains dedans, c’était le début de la fin. Et quand À droite, trick en street, overdose de style et pantalon slim/ Dan Hanka représente encore cet esprit rebelle du freestyle. bien même le spectacle était intéressan­t à regarder, top pour l’image de la discipline aux yeux du grand public, le freestyle, selon moi, n’est pas fait pour les JO, n’est pas fait pour être une discipline officielle », nous dit Guillaume Desmurs. À Bruno Bertrand de rajouter : « Les Jeux ont été la fin d’une belle époque pour le freestyle et les freestyleu­rs qui, à force de courir après la célébrité, ont dû se conformer aux règles, devenir sérieux, faire des compétitio­ns alors que le côté rebelle a toujours eu du mal à s’accorder avec la célébrité… » En revanche, Julien Regnier ne l’entend pas de cette oreille, et même si ce dernier pense que l’inclusion du freestyle aux Jeux n’était pas forcément une bonne action du point de vue marketing, le fait est qu’il y a dans la discipline des compétiteu­rs qui ont envie de se mesurer, de donner le meilleur d’eux-mêmes. C’est dans leur nature et dans ce cas, la performanc­e est complèteme­nt nécessaire pour faire évoluer le sport. « On ne peut pas demander à un racer d’aller moins vite sous prétexte que c’est peut-être mieux pour l’image de son sport. » Quoi qu’il en soit, tout est allé crescendo au fur et à mesure des années, avec un sport qui est devenu bien trop technique, loin du je-m’en-foutisme des débuts où on ne se souciait pas vraiment de qui gagnait ou qui faisait mieux que l’autre tant qu’on faisait avancer le sport d’un même élan et dans la bonne direction. « Il n’y a qu’à voir la progressio­n du pipe en l’espace de 15 ans, permise aussi par des infrastruc­tures de meilleure qualité mais maintenant, c’est une discipline hyper spécialisé­e, une épreuve hyper sérieuse qui demande d’être un véritable athlète et j’ai l’impression que ça ne fait pas spécialeme­nt rêver les jeunes qui veulent encore rigoler un peu quand ils font du freestyle », affirme Olivier Cotte, dont la tournée ne désemplit pas de saison en saison, avec une nette préférence pour le slopestyle même si cette discipline s’est également sacrément énervée sur la performanc­e. « C’est un sport pour les jeunes, qui fait un petit peu peur vu de l’extérieur car devenu trop spécifique, et ça a été l’un des plus gros problèmes du snowboard, selon Bruno Bertrand, à vouloir être trop core, la communauté est devenue trop exigeante. Il faut être sapé comme ci ou comme ça, rentrer tel ou tel trick pour faire du vrai snowboard, à tel point que même les fans se sont

ET SI FINALEMENT, TOUT CELA N’ÉTAIT QU’UNE MODE…

LE FREESTYLE EST MORT, VIVE LE FREESTYLE ?

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