Skieur Magazine

POUR EN FINIR

AVEC LES CLIVAGES

- Laurent Belluard

Puisque le freestyle est mort, parlons-en ! Parce que si la pratique désespère les fabricants de skis qui ont probableme­nt trop espéré de ce filon finalement assez exclusif, les icônes du freestyle, elles, sont les seules qui parviennen­t à un niveau d’exposition proche des plus médiatique­s alpins, à l’image de Marcel Hirscher (même nombre d’amis sur Facebook que Candide Thovex).

Derrière, les athlètes du freeride, qui lui n’est pas mort, sont à la ramasse, perdus dans la multitude des skieurs qui prêchent dans la (trop) petite chapelle des passionnés par ce ski inspiré et hors cadre. C’est là tout le paradoxe du ski : il y a dix ans, il ne valait plus rien, c’était un truc de ringards qui ne juraient que par les piquets rouges quand ce n’était pas les bleus... Le freestyle était alors sur un piédestal, voué à un avenir radieux, prêt à enterrer le freeride et ses tireurs de ligne. Aujourd’hui, il reste Candide, chaque année plus inspiré, déjà entré dans la légende, et Victor Muffat-Jeandet, un des hommes forts du groupe technique de l’équipe de France avec ses multiples podiums en coupe du monde, qui est parti en Islande après sa saison (qu’il a finie rôti) accompagne­r l’équipe déglinguée des Bon Appétit pour le tournage d’un épisode présenté au High Five. Parallèlem­ent, notre champion olympique de skicross, Jean-Fred Chapuis, s’est lancé dans une web-série pour promouvoir son sport mais aussi pour créer le Fight Ski Club, un produit autour du skicross qui a vocation à faire vivre la disci- pline au-delà des vecteurs classiques. Et que dire de Sam Favret, freestyleu­r à l’origine puis devenu tellement backcountr­y qu’il s’est aussi testé dans la pente raide, origines chamoniard­es obligent... Tout ça pour dire qu’à l’heure de l’ouverture de la saison à Annecy pour le High Five, l’image est au centre de la dynamique du ski, quelle que soit la discipline. Et si pendant trop longtemps, les différente­s pratiques du ski se sont regardées en chiens de faïence, c’est désormais du passé, chacun venant enrichir et s’enrichir de l’univers de l’autre. Ce bon Enak Gavaggio en fait la (courageuse) démonstrat­ion à chaque épisode de Rancho et s’il fallait encore un exemple pour prouver l’existence de ces nouvelles passerelle­s, il n’y aurait qu’à regarder le gigantesqu­e Aksel Lund Svindal dans Superventi­on 2, film scandinave qui mêle des skieurs de tous horizons donc, et même des snowboarde­urs avec entre autres la légende Terje Haakonsen. Bref, l’image a permis de réunir les contraires, s’est faite oecuméniqu­e, pardelà les clivages et les oeillères. C’est peut-être le signe que si les discipline­s sportives existent bel et bien, elles partagent l’essentiel : le plaisir de skier ensemble, là où c’est bon, là où l’envie emmène. Le ski, c’est du ski, peu importe les micro différence­s que l’on retrouve dans les sous-ensembles. Alors puisque le ski est loin d’être mort, le freestyle ne l’est pas non plus.

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