Plongez dans les coulisses de l’événement français axé shooting
UN PROJET D’AMÉRICAIN MADE IN FRANCE
IL Y A DEUX ANS, SAM FAVRET ET PVS SE LANÇAIENT DANS UN PROJET VIDÉO DE GRANDE ENVERGURE METTANT EN SCÈNE LE RIDEUR CHAMONIARD ET SON ENTOURAGE DE LA VALLÉE. INTITULÉ BACKYARDS, CE FILM À LA FRONTIÈRE ENTRE DOCUMENTAIRE ET SKI-PORN REVIENT SUR LA VIE DE SAM ET L’ÉVOLUTION DE SON SKI AU FIL DES ANNÉES.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le film en est au stade du mastering audio. « Nous sommes chez le compositeur de la BO du film à l’île d’Oléron, toute la trame du film est posée mais on peaufine encore deux ou trois détails, on cale les voix off, les musiques… Après quelques semaines de montage intensif dans la cave à Saint-Gervais (ndlr : dans les bureaux de PVS), ça fait du bien d’être ici, de pouvoir surfer le matin et le soir et de boucler le film pendant la journée. Il y a pire comme endroit mais ça commence à faire long et j’ai hâte qu’on enchaîne les avant-premières et que l’hiver débute », avoue Sam, toujours aussi disponible.
Malgré ses origines chamoniardes et un réel talent pour appréhender les grosses faces, Sam a préféré après ses années freestyle se diriger vers un domaine qui lui a toujours plu, la production d’images, plutôt que de s’enfermer dans un circuit de compétition comme le Freeride World Tour, un événement dans lequel il ne se reconnaît pas. C’était d’ailleurs négocié d’avance avec ses partenaires au moment de son passage chez Rossignol chez qui le rideur a quasiment carte blanche tant qu’il réussit à faire parler de lui. Il y a quand même eu cette victoire avec style et engagement sur le Red Bull Linecatcher en 2013, mais comme il le dit lui-même, « ce n’est pas vraiment un contest comme les autres, on est tous là, sans pression, car la majeure partie des rideurs présents sont des mecs qui passent leur temps à faire plus d’images que de compétitions ».
Backyards, c’est un peu l’arrière-cour, le jardin de Sam, l’endroit des débuts mais aussi de la progression. Lui et PVS avaient pas mal d’idées en tête mais surtout l’envie de partir à l’aventure, de se mettre au défi de réaliser quelque chose de gros, et de le faire avec classe. Vu le travail demandé, la décision a été prise de faire un film sur deux saisons, entre 2014 et 2016, avec comme fil conducteur et pour principal terrain de jeu la station de Chamonix, berceau de Sam. Ce film suit son évolution, d’où il vient, ce qu’il a fait et où il en est désormais, une histoire qui passe par les années freestyle jusqu’au freeride, très présent dans Backyards avec une grosse part en Alaska, voire jusqu’à la pente raide, consécration pour ce rideur touche-à-tout désireux de mettre les pieds là où il ne les avait pas encore mis. « Être né et vivre à Cham, aux pieds de toutes ces montagnes mythiques, avec toutes ces histoires, les alpinistes, les premiers skieurs de pente raide, etc., ça te pousse clairement à un moment ou à un autre à te diriger vers la pente raide. Ce film me permet également de montrer toutes les facettes du ski, mais aussi le partage de la même passion avec les potes, entre les sessions à la cool en forêt et les grosses courses montagne comme on a pu en faire dans la face nord de l’Aiguille ou dans le bassin d’Argentière, où il faut se serrer les coudes. » Au-delà de la performance personnelle du rideur, c’est donc une performance de groupe qui est mise en avant, avec de nombreux invités
BACKYARDS, C’EST UN PEU L’ARRIÈRECOUR, LE JARDIN DE SAM, L’ENDROIT DES DÉBUTS MAIS AUSSI DE LA PROGRESSION.
au programme : Victor de Le Rue et Emilien Badoux en Alaska, les frangins Charlet (Jean-Baptiste « Bab’s » et Jonathan « Doud’s »), Christopher Baud, Fabian Bodet, tous les bons collègues de Cham, sans oublier Julien « Pica » Herry, un des meilleurs snowboardeurs de pente raide, avec qui Sam a tissé une forte amitié et qui l’a justement pris sous son aile pour l’initier à cette pratique extrême.
Ce sont d’ailleurs ces moments forts qui font la puissance de Backyards, cette émotion par exemple au moment des trois belles descentes dans la mythique face nord de l’aiguille du Midi, une première inoubliable pour Sam, la découverte d’un autre univers et des descentes d’un autre monde, partagées entre potes.
Idem en Alaska, une autre grande première, le rêve de tout freerideur avec ces faces mythiques, l’ambiance de Haines et le contraste entre la tranquillité de ce petit village de pêcheurs et toutes les boîtes de production présentes sur place pour rentrer de l’image. « On a eu la chance incroyable d’être là-bas pendant trois semaines et de pouvoir se confronter à ces montagnes, même s’il a fallu se battre, entre une météo capricieuse et les autres boîtes de production, forcément plus grosses (Tanner Hall, Legs of Steel, Jeremy Jones, Travis Rice, Absinthe…) qui tentent systématiquement de griller la priorité aux gens comme nous. Ils connaissent bien les lieux et ont les contacts pour avoir de meilleurs prix et surtout, la priorité auprès des sociétés d’héliski ! Ça nous a demandé encore plus de travail, notamment avec le guide pour anticiper les journées de tournage, avec beaucoup de repérages sur les cartes la veille pour aller droit au but le lendemain. »
« Une grosse aventure humaine », on entend très souvent ce terme revenir, malheureusement pas toujours à bon escient, surtout lorsqu’il est employé par une bande de pantins illettrés – enfermés dans une maison – filmés H24 par des caméras de télévision. Dans cette histoire, l’expression prend tout son sens et va même bien au-delà. Backyards, c’est aussi un gros travail d’équipe, même si sur ce genre de terrain, on minimise les troupes pour s’entourer du strict minimum, des gaillards solides, avec une bonne connaissance de la montagne et de ses dangers. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on retrouve au poste de cadreur principal, Alex « Bouli » Blaise, pote d’enfance de Sam et fort skieur. Il y a aussi Antoine Frioux de PVS, Grego Campi pour l’Alaska, sans oublier Sébastien Overney qui a fait le sherpa pendant ces deux années de tournage et a grandement aidé à la logistique dans les endroits un peu engagés, Fabien Bodet, snowboardeur du film, qui a également tourné sur la partie « glace » (cf. la couverture du Skieur Magazine n°116, sorti il y a tout juste un an) où Sam fait le pont entre freestyle pur et ambiance haute montagne.
Malgré deux grosses saisons entrecoupées de sessions surf et skate, deux autres passions auxquelles Sam accorde beaucoup de temps et qui interviennent comme une bouffée d’air frais au coeur du film, l’enveloppe budgétaire pour un projet d’une telle ampleur reste somme toute modeste. Bien entendu, on parle quand même de 60 000 euros en budget partenaires, ce qui n’est rien comparé à certaines grosses boîtes de production américaines, surtout si l’on inclut dedans les voyages, le matos acheté pour l’occasion (une caméra chez RED vaut un peu plus de 20 000 euros), quelques heures d’hélico, la postproduction et pas mal de frais divers. « C’est un budget non négligeable,
BACKYARDS, C’EST AUSSI UN GROS TRAVAIL D’ÉQUIPE, MÊME SI SUR CE GENRE DE TERRAIN, ON MINIMISE LES TROUPES POUR S’ENTOURER DU STRICT MINIMUM, DES GAILLARDS SOLIDES, AVEC UNE BONNE CONNAISSANCE DE LA MONTAGNE ET DE SES DANGERS.
en sachant que PVS et moi avons dû remettre quelques liasses sur la table une fois le budget partenaires explosé mais pour environ 100 000 euros sur deux ans, on a un film principalement tourné en 4K, qui n’a rien à envier aux meilleures productions du moment. Après, avec 100 000 ou 200 000 en plus, on aurait pu pousser le vice encore plus loin, et faire un peu plus les Américains ! Mais à quoi bon finalement ? Filmer d’hélicoptère un autre hélicoptère qui filme l’action, ça sert à quoi ? Faire dans la débauche de moyens juste pour pouvoir le montrer, c’est pas trop le truc de la maison... »
Avec son film quasi terminé, Sam a du mal à prendre du recul sur ces deux années d’images, vues et revues, retournées et montées dans tous les sens pour un film de 45 minutes (qui devait à la base n’en faire que 30, mais en deux ans de tournage, on en fait des images…). « Ça se laisse plutôt bien regarder », avouet-il, mais c’est surtout l’aboutissement du projet dont il est le plus fier. En deux ans, personne n’est à l’abri de s’en coller une sévère et de stopper net l’avancée du tournage. Il y a bien sûr quelques regrets, des choses qui n’ont pu être faites, notamment du gros backcountry, domaine dans lequel le Chamoniard s’est fait une renommée en participant au Real Ski Backcountry, le contest vidéo des X Games, où il a fini parmi huit pointures en finale face à des mecs comme Sammy Carlson ou encore Dane Tudor... Il y avait des priorités et des conditions d’enneigement pas forcément faciles sur la saison 2014-2015, obligeant toute l’équipe à se mettre une pression monstre pour la saison suivante. « On s’est mis à 200 % de novembre à juin sur 2015-2016, on a optimisé un maximum pour profiter des bonnes journées et perdre le moins de temps possible, quitte à ne s’accorder que très peu de temps libre dans la vie de tous les jours. »
La suite pour Backyards et Sam Favret, c’est une grosse tournée d’avant-premières qui mènera toute l’équipe de Chamonix au High Five Festival, puis de Hossegor à Londres, en passant par Amsterdam, les pays de l’Est, sans oublier tous les festivals de films de ski/montagne autour de la planète. De notre côté, nous n’avons pas encore eu l’honneur de visionner la version finale mais Sam nous a assurés que c’était un film qui change, une autre approche du film de ski mais surtout, une autre facette de son ski. « Il y aura forcément des déçus, des gens qui s’attendent à du pur backcountry mais je suis content de mon évolution et surtout, d’avoir réussi à raconter quelque chose de sympa sans trop en faire. » Rendez-vous devant l’écran !