Au coeur des 3 Vallées, cette combe inexploitée s'explore depuis un refuge et permet dans un confort quasi total, de vivre l'aventure en rando tout près de l'un des domaines les plus vastes et les mieux équipés du monde. Contraste.
IL EST 7 H, LE RÉVEIL SONNE. NOUS ÉMERGEONS DIFFICILEMENT DE NOTRE SOMMEIL PROFOND, LA FAUTE AU POÊLE À BOIS QUI CHAUFFE HARMONIEUSEMENT NOTRE PETIT CHALET PERDU À 2 417 M D’ALTITUDE. IL EST L’HEURE DE SORTIR ET D’ALLER EXPLORER UNE DERNIÈRE FOIS CE VASTE
Ce projet traînait dans ma tête depuis plusieurs années mais les conditions de neige peu favorables, un risque d’avalanche trop élevé ou des emplois du temps compliqués, nous avaient empêchés de mener à bien cette escapade de freerando dans les Avals. Pourtant, cette vallée limitrophe au domaine skiable de Courchevel est d’autant plus accessible que depuis le dernier télésiège, on peut l’atteindre directement par une traversée ou marcher 30 minutes afin de basculer directement sur le refuge. Ici, les guides locaux trouvent un formidable terrain de jeu pour leurs clients, situé à deux pas de la luxueuse station savoyarde mais notre objectif de ce mois de mars est de profiter de cette accessibilité pour apporter tout notre matériel de montagne et le ravitaillement nécessaire pour plusieurs jours afin d’explorer le haut de la vallée, un terrain beaucoup plus sauvage et abrupt, en restant sur place, coupé du monde ou plutôt, comme dans un monde parallèle...
Les Avals abritent deux refuges à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. Le refuge de Grand Plan, un grand chalet récent et bien équipé, était ouvert hiver comme été mais en décembre 2013, le gardien a perdu la vie emporté par une avalanche alors qu’il rejoignait son refuge. Depuis Grand Plan est resté fermé. Le second refuge, Lacs Merlet, est gardé uniquement l’été. Le confort est plus spartiate mais ce petit chalet au toit très pentu en forme de triangle lui donne un charme incroyable.
Ce refuge du parc national de la Vanoise comporte tout le nécessaire pour vivre convenablement en plein hiver : un poêle, du bois, du gaz, des lits et des bougies.
Le mois de mars a été particulièrement difficile en termes de qualité de neige dans la région qui a subi un épisode de neige très généreux mais très instable car brutalement suivi d’une période de forte chaleur. Heureusement, une petite chute de neige salvatrice accompagnée de plusieurs jours de beau temps déclenche notre départ. Nous attaquons notre trip avec le transfert de toute notre cargaison depuis le télésiège du Roc Merlet, en peau de phoque jusqu’à une épaule qui plonge directement sur le refuge des Lacs Merlet. Ici, nous atteignons également un point de rupture, nous laissons derrière nous le ski de masse et la civilisation pour plonger dans une vallée complètement sauvage et isolée. Ce chalet est un peu comme notre cabane de gamins, plantée sous la neige à l’entrée d’un territoire au fort potentiel de freeride. Notre premier objectif est le couloir nord de la Grosse Tête 2 728 m. Nous suivons le fond du vallon en direction du sud, avant de bifurquer et d’entamer notre montée skis sur le dos par les couloirs est qui sont plus courts mais qui commencent déjà à chauffer. La neige porte bien et l’accès s’opère facilement. Depuis l’arête qui mène au sommet, le panorama est époustouflant. Sur notre gauche : la fin de la vallée des Avals et en arrière-plan, les glaciers de la Vanoise qui ressemblent à une énorme calotte glaciaire.
« UN PARADIS NON EXPLOITÉ AU COEUR DES 3 VALLÉES, AVEC REFUGE GARDÉ OU PAS, C’EST LE TOP POUR PASSER QUELQUES JOURS À TRACER DES COULOIRS OU DES PENTES PLUS DÉBONNAIRES. CA DONNE UN VRAI SENS À LA FREERANDO. »
En face de nous, le long glacier de Gébroulaz coule quasiment jusqu’à nos pieds et sur la droite, nous distinguons les hauteurs du domaine skiable des 3 Vallées. Le décor est planté, il ne reste plus qu’à vérifier si le potentiel ski est également au rendez-vous. Dans un premier temps, nous sécurisons le haut de la face par des pressions sur le manteau neigeux, skis aux pieds mais encordés à un point fixe. Au sommet de la Grosse Tête, deux couloirs nord s’offrent à nous, le premier est évident, le second plus raide à environ 45˚, étroit et posé sur des dalles dans sa première partie, qui, selon l’enneigement, ne passe pas à tous les coups. J’ouvre la seconde option. Le couloir paraît « tout peuf », apparaît magnifique. Je m’attends à ce que ça « slough », il va donc falloir skier vite et juste dans cette partie encaissée. Je m’engage, le manteau s’avère épais et doux à souhait, cette section sommitale est un régal, nous pouvons totalement lâcher les chevaux. La partie suivante a hélas pris le vent, ce que nous n’avions pas vu. On se fait bien secouer par la neige dure mais sans dégât alors que sur le bas, la neige profonde vole à nouveau. Voilà notre instant « virage carte postale »... Le retour au refuge demande de remettre les peaux pour 100 m de dénivelé positif. L’idée d’un bon casse-croûte au soleil sur la terrasse de notre cabane nous pousse à élever la cadence puis, le soleil tombe petit à petit et finit par uniquement illuminer l’aiguille de Chanrouge. Un moment tout simplement magique.
Notre second objectif est le couloir nord de l’aiguille du Rateau 2 888 m dont la face nord comprend plusieurs couloirs dont un qui nous intéresse tout particulièrement, son entrée se faisant par une aiguille percée, un chourum dans le Dévoluy, un trou de souris ailleurs, bref, vous voyez...
À la sortie des vallons, toujours en direction du sud, nous tournons sur notre gauche pour monter la face sud du Rateau en peaux puis à pied. La neige revenue sur cette orientation offre une accroche et une portance idéales. Nous sommes maintenant sous cette fameuse aiguille percée qu’il va falloir atteindre puis traverser pour entrer dans ce fameux couloir nord. Le trou se situe à une dizaine de mètres au-dessus de nous mais le passage, dégarni de neige, impose d’escalader cette section et de treuiller nos skis bien accrochés sur nos sacs avec la corde. Qu’à cela ne tienne, le trou nous permet de passer la tête du côté nord et d’observer une partie de la descente. La neige semble froide et fraîche sur une vingtaine de centimètres. Comme nous l’avions jumelé d’en bas, un verrou rocheux barre le passage après 20 m de couloir. Nous posons un relais dans l’aiguille et nous descendons en rappel, skis aux pieds, en contrebas du verrou. La suite s’avère assez raide, à 45˚, mais l’itinéraire est évident et la neige très bonne à skier. Deux larges couloirs suivent et s’ouvrent devant nous pour filer jusqu’en bas, de quoi se lâcher et skier pleins gaz avant la demi-heure de marche nécessaire pour rejoindre le refuge. Autour du poêle, la soirée se fait au gré d’une bonne partie de cartes arrosée d’une bouteille de vin rouge, de quoi rendre la nuit encore plus agréable. Au réveil, nos regards sont attirés par la lumière des premiers rayons du soleil qui chatouille puis baigne les dômes de Polset au loin et Grosse Tête qui ressemble à une grosse meringue. Le temps de l’émerveillement, du ravitaillement et du rangement passés, nous descendons à skis en contrebas du refuge. Derrière un rocher, nous laissons le plus gros de notre paquetage en gardant l’essentiel pour notre mission du jour : le couloir nord de Roche Nue, 2 981 m. Les conditions ont changé et la neige a été travaillée par le vent dans la nuit. Skis sur le dos et piolet en main, nous attaquons depuis le bas du couloir nord. On brasse beaucoup de neige et il faut consentir un effort important pour se hisser au sommet de ce couloir large surplombé par de petites parois rocheuses de chaque côté. Nous laissons les derniers mètres d’ascension aux corbeaux, la plaque à vent qui domine cette section est peu engageante... Ce couloir esthétique excite le désir et incite à la vitesse d’autant que depuis notre « sommet », on observe une pente régulière et soutenue, autour de 40-45˚. Nous enchaînons les virages avec délicatesse et passons la sortie du couloir les cuisses brûlantes, le tout en ayant profité de l’unique créneau de lumière qui ose pénétrer ce couloir. Une tranquille glissade et nous rejoignons nos sacs posés au petit matin. Assis sur un rocher au soleil, nous terminons les restes des jours précédents arrosés d’une bière pour trinquer à notre magnifique petit périple, si loin et si proche... Il n’y a plus qu’à suivre l’itinéraire classique du hors-piste des Avals et skier en fond de vallée pour atteindre Courchevel Moriond. La boucle est bouclée. Pendant ces quelques jours, nous avons exploré une petite partie du potentiel du haut de la vallée des Avals, ce qui nous a déjà comblés. Le refuge est idéal dans l’optique de trouver de l’autonomie et du confort alors que les orientations des pentes des alentours, majoritairement nord et des dénivelés ne dépassant pas les 700 m de D+, font de ce paradis un excellent terrain de jeu, finalement assez accessible et pourtant peu fréquenté en freerando. Peut-être est-ce simplement parce que l’on est ici « loin à côté de chez nous », c’est-à-dire trop près d’un énorme domaine skiable pour les purs randonneurs mais déjà un peu trop loin pour les adeptes du hors-piste. À vous de vous faire votre idée !
« LA NOTION DE - LOIN À CÔTÉ DE CHEZ NOUS - RÉSUME BIEN CE QUE PROCURE CETTE VALLÉE DES AVALS, À LA FOIS SAUVAGE ET POURTANT SI PROCHE DES INFRASTRUCTURES
MODERNES DES 3 VALLÉES »