Skieur Magazine

MÊME PAS MAL…

- Stéphan Lacas

Même pas mal… Trois mots, pas un de plus, pour incarner l’image de feu-David Poisson. Mais l’image seulement. Au fil des saisons, le skieur de Pesey Valendry s’était forgé une légende : celle d’un roc, dense, immuable, incassable. Et « Kaillou » n’avait pas usurpé sa réputation, ni son surnom. Aussi haut que large, sa bravoure, sa largesse dans l’engagement, son invulnérab­ilité face à la douleur, sa force dans l’adversité avaient dépassé les frontières et transcendé sa carrière. A Val d’Isère, lors du Critérium de la Première Neige, David a été le premier freestyler à passer un Cork 360 à plus de 100km/h, sur la Oreiller-Killy, et toujours à Val d’Isère, lors des premiers « tests » de la descente des championna­ts du monde sur Solaise, il avait réchappé à un vol d’une ampleur si vertigineu­se que dans l’assemblée de spectateur­s médusés ce jour-là, un commentair­e avait fait l'unanimité : « si ce n’avait pas été Kaillou, il serait mort ! » Même pas mal…

Au fil des hivers, David n’était plus descendeur, il était devenu « La Descente ». Dans ce qu’elle figure de plus généreuse, de plus martiale, de plus pure. Une ode au risque, au courage, à une certaine idée de la vie aussi. Celle partagée par ces mecs un peu à part qui voient dans la vitesse un jeu ou une échappatoi­re, eux qui la connaissen­t pourtant plus que de raison, la côtoient si souvent et en jouent, comme personne. Mais qui l’aiment surtout, passionném­ent. Au point, comme David, de revenir toujours, cabossé, abimé, fatigué mais jamais lassé. Même pas mal…

Alors comment faire ? Comment passer une nouvelle fois les bâtons derrière ce portillon, écouter s’égrener cet invariable compte à rebours et plonger corps et âme dans la pente, pour jouer sur le fil entre ces portes rouges qui ne passent jamais au bleu, armée d’un piètre casque et de toutes ses conviction, quand le maillon de la chaîne, le plus solide, le plus respecté, le plus vaillant et le plus aimé n’est plus ? Probableme­nt faut-il être un de ces mecs à part, probableme­nt faut-il être un descendeur…Même si ça fait terribleme­nt mal.

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