Le ski : victime expiatoire d’un monde qui tremble
Au début de l’année 2024, j’écoutais le très médiatique Jean-Marc Jancovici, que l’on ne peut pourtant pas qualifier d’intégriste, expliquer sur le plateau d’Apolline de Malherbe, sur RMC, que le ski était une activité de riches et qu’il s’interrogeait sur le bien-fondé de poursuivre les investissements vers la neige vouée à disparaître des montagnes.
J’ai eu envie de lui répondre qu’on peut skier quasiment pour le prix d’une place de cinéma pour peu qu’on évite les stations de prestige, celles qui attirent la lumière (et c’est tant mieux), mais qui donnent une image faussée du « skieur moyen ». Le cinéma est-il plus vertueux que le ski pour qu’on ne l’attaque pas ? Et puis, j’aurais aimé prolonger sa pensée en lui signalant que lorsqu’il n’y aura plus de neige en hiver sur les domaines skiables (ça n’est pas prévu dans les prochaines décennies, sauf pour les stations trop basses hélas), qu’adviendra-t-il des stations balnéaires ? Est-ce vraiment de l’acharnement de vouloir sauver des eaux les Pays-Bas ou Venise ? À l’inverse, pourquoi toujours critiquer les stations de ski pour des investissements somme toute modestes en comparaison de ces chantiers pharaoniques (7 milliards d’euros pour Venise ; plus de 25 milliards pour les Pays-Bas) ? Pourquoi la technologie ne serait-elle pas une part de la solution à côté d’une nécessaire sobriété accrue de notre monde ? Pourquoi refuse-t-on aux « villes à la montagne » ce qu’on accepte avec enthousiasme pour les « villes en plaine » ?
Cette dichotomie est d’autant plus inexplicable que l’industrie du ski, au sens large, fait des efforts que bien peu d’autres branches font en matière de réduction de son impact carbone. Certes, il y a encore beaucoup de points à améliorer mais quel secteur a annoncé être neutre en émissions de gaz à effet de serre dès 2037 si ce n’est celui des opérateurs français de remontées mécaniques ? Les fabricants de skis comme de vêtements de sports d’hiver s’impliquent tous les jours davantage pour réduire leur impact : Atomic comme Rossignol (mais le mouvement est général) ne cessent de proposer des produits innovants et moins polluants, mieux recyclables, sans PFC pour le secteur de l’habillement. La location de skis en station est un exemple, sans égal dans le sport, d’économie circulaire : pourquoi cet acharnement ? A contrario, j’ai visionné un reportage diffusé sur France 3 qualifiant la récente construction du nouveau refuge du Pavé, au coeur du Parc national des Écrins, « d’écologique », malgré le nombre impressionnant de rotations d’hélicoptère (mais comment faire autrement, si ce n’est ne pas faire ?). Ce « deux poids deux mesures » n’est finalement que le syndrome trop connu de la phrase de Victor Hugo : « La rumeur approche, l’écho la redit ». Une fois la victime expiatoire désignée, la foule, même avertie, s’en empare par facilité, comme on récite une prière pour expier ses propres fautes sans jamais s’attaquer à leurs causes…