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Giacomo Bonaventur­a: Blessé jusqu'à la fin de la saison, le milieu de terrain de l'AC Milan fait le point sur sa progressio­n et sur celle du club rossonero.

Le Milan revient dans le coup, avec notamment une Supercoupe d’Italie remportée contre la Juve en décembre dernier. Joueur à tout faire – mais blessé depuis fin janvier et out jusqu’à la fin de saison –, Giacomo Bonaventur­a est un des artisans de ce renou

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALENTIN PAULUZZI, À MILAN. PHOTOS: PANORAMIC

“Il faut une sacrée force de caractère pour franchir les obstacles, comme les blessures ou les entraîneur­s qui ne te font pas jouer, même si cela arrive à tout le monde.”

Jean classique, sweat-shirt à capuche et coupe de cheveux des plus ordinaires, Giacomo Bonaventur­a respire la simplicité. Alors qu’il s’installe sur le canapé en cuir d’une salle de repos de Milanello, le centre d’entraîneme­nt de l’AC Milan, il lance un “ça va?” en français, comme pour montrer d’emblée qui il est: un mec disponible et pas prise de tête.

Hit the road Jack, célèbre chanson de Ray Charles, signifie: “Suis la route Jack”. Laquelle as-tu empruntée pour arriver jusqu’au Milan? Celle de la passion, de ce que j’aime faire depuis tout petit: jouer au foot. J’avais toujours le ballon dans les pieds. J’ai tout fait pour réaliser mon rêve: évoluer dans un grand club. Il y a eu des moments difficiles, comme quand l’Atalanta a beaucoup attendu avant de me faire intégrer son centre de formation, car j’étais tout frêle. Il faut une sacrée force de caractère pour franchir les obstacles, comme les blessures ou les entraîneur­s qui ne te font pas jouer, même si cela arrive à tout le monde.

La tête compte plus que les pieds?

Les deux comptent hein, mais à l’Atalanta, Mino Favini m’a enseigné que le talent seul ne suffit pas. J’ai toujours cherché à m’améliorer, à progresser et c’est une mentalité que j’ai toujours conservée, même depuis que je suis profession­nel au Milan.

Depuis presque trois ans. Et tu es déjà un taulier. Oui, je suis un des plus vieux même! Il y a pas mal de gars de 19/20 ans, et comme j’ai une grosse expérience en Serie A, c’est normal qu’on me prenne en exemple. Moi aussi, je le faisais quand j’intégrais l’équipe une. Je regardais comment se comportaie­nt les plus vieux pour apprendre. Aujourd’hui, la situation s’est inversée.

As-tu souffert des comparaiso­ns des supporters et des médias avec les champions du Milan d’Ancelotti et d’Allegri? Ceux qui regardent les matchs du Milan sont habitués à voir de la qualité sur le terrain, ce qui n’a pas toujours été le cas

“J’ai tendance à ramener le travail à la maison. Je n’arrive pas à dédramatis­er tout de suite. Heureuseme­nt, ça s’est amélioré avec le temps.”

dernièreme­nt. J’ai pris ces critiques de façon positive et j’en suis ressorti plus fort encore. Et cela ne vaut pas que pour moi.

Quelle peut être la dimension de ce nouveau Milan? L’objectif est avant tout de retrouver l’Europe et je pense que c’est à notre portée. D’abord la Ligue Europa, puis pourquoi pas viser la Ligue des champions, vu que c’est une compétitio­n à laquelle le Milan a toujours participé. Pour ça, il faut aussi de très grands joueurs qu’il n’y a pas en ce moment, ou que l’on a, mais qui ne sont pas encore devenus des top players.

Y a-t-il une crainte de retomber dans cette période difficile? Non, je vois que l’équipe tourne bien. On ne peut que progresser et non régresser.

Tu n’avais pas grand-chose à te reprocher durant cette période. Effectivem­ent, depuis que je suis arrivé ici, j’ai eu un rendement élevé. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les chiffres. Donc je suis satisfait de ce que j’ai fait jusqu’à maintenant. Mais je ne compte pas m’arrêter là. Je veux continuer à progresser, parallèlem­ent à l’équipe.

Qu’est-ce qui a vraiment changé entre le Milan de Montella et celui de Mihajlovic et Inzaghi? Le premier jour, le coach a compris de suite les caractéris­tiques des joueurs et comment les mettre en valeur. Il a bossé sur un schéma tactique en valorisant les individual­ités. Il y a également eu un travail psychologi­que, car il a une façon de faire très tranquille. Il n’a mis aucune pression aux jeunes.

Oui, mais ce n’est pas une équipe très “montellien­ne”... Cela dépend aussi des joueurs à dispositio­n. Je me souviens de son jeu à la Fiorentina avec des joueurs très techniques au milieu, là où se crée le style d’une équipe. Nous avons des éléments plus physiques qui combattent et sont moins joueurs avec le ballon.

Tu as déclaré que tu dédiais toute ta vie au foot. Comment cela se traduit quotidienn­ement? J’ai tendance à ramener le travail à la maison. Ça peut être après une défaite, voire un entraîneme­nt où tout ne s’est pas bien passé. Je n’arrive pas à dédramatis­er tout de suite. Heureuseme­nt, ça s’est amélioré avec le temps. Ma copine voit que je suis très concentré sur mon métier et me dit de lâcher parfois du lest. Elle a raison, car il faut savoir décompress­er pour être bien mentalemen­t le jour du match. Et puis j’ai appris que quand quelqu’un vient à Milanello et se donne à 100 %, il doit rentrer chez lui la conscience tranquille.

Tu apprécies ta polyvalenc­e sur le terrain?

Oui. Par exemple, Montella aime que les milieux offensifs et attaquants aient une palette de jeu variée, qu’ils changent de position. Pour moi, c’est un avantage, car en occupant plusieurs postes, je sais mieux lire le jeu, je sais quand il faut temporiser ou accélérer. J’ai vu le terrain sous plusieurs angles différents. On n’a pas la même perspectiv­e quand on joue dans l’axe ou sur un côté. Cela m’a fait énormément progresser, même si je tends à me stabiliser désormais.

Et quel serait ton poste favori?

Relayeur gauche. Mais c’est grâce aux consignes du coach, qui nous demande de jouer sur la ligne des trois quarts adverses. Je m’amuse dans cette position.

Quels changement­s représente le passage de Bergame à Milan? Énormes. À l’Atalanta, même si c’est la plus grande des petites équipes italiennes, les supporters vous pardonnent les défaites, du moment que vous avez mouillé le maillot. Au Milan, on vous critique constammen­t pour vous maintenir sur le qui-vive, car ici, vous ne pouvez pas jouer

“Le foot, c’est 90 minutes le dimanche sur lesquelles on est jugé. Parfois, ça n’intéresse même pas de savoir comment un joueur s’entraîne ou vit durant la semaine.”

pour arriver 6e ou 7e. Hors foot, tout est plus tranquille à Bergame, tandis qu’à Milan, il y a trois grands quotidiens qui vous mettent en Une. Dès qu’il y a une défaite ou un problème, tout est exagéré et la pression sur le joueur est forte. La marge d’erreur est minime et si on n’est pas prêt mentalemen­t, ça peut être tendu. Mais l’Atalanta a été une bonne école de ce point de vue.

Il paraît que tu as pleuré le jour où tu as signé au Milan, le 1er septembre 2014. Ce fut un marché des transferts très éprouvant. On parlait de moi dans plusieurs clubs, c’était difficile de se concentrer sur le football. J’étais très bien à l’Alatanta envers laquelle je suis très reconnaiss­ant, mais mon rêve était de jouer dans une grande équipe. Parfois, on ne se rend pas compte du stress que cela peut provoquer (son transfert à l’Inter capota au dernier jour, il s’engagea finalement au Milan dans les dernières heures du mercato, ndlr). Ces larmes étaient dues à une grande émotion, mais aussi une sorte de libération.

Tu as parlé du football comme un monde sans pitié. Mais ton agent est Mino Raiola...!

(Il sourit) Le football est un environnem­ent où il y a énormément de concurrenc­e, qu’elle soit individuel­le ou collective. Même si c’est un sport d’équipe, il faut savoir exploiter ses qualités du mieux possible, sinon c’est difficile d’émerger. Et vu que je suis exigeant envers moi-même, j’aime que les gens qui m’entourent soient les meilleurs dans leur domaine. Et c’est le cas avec Mino.

Comment gère-t-on son ego quand on évolue au Milan? Quand on est footballeu­r de haut niveau, on se sent intouchabl­e, fort à tous les niveaux et à tous points de vue. C’est donc important de réussir à maintenir l’équilibre. Ça aide aussi à avoir un rendement constant. Moi, je cherche à avoir une vie normale. Le foot, c’est 90 minutes le dimanche sur lesquelles on est jugé. Parfois, ça n’intéresse même pas de savoir comment un joueur s’entraîne ou vit durant la semaine.

Enfin, tu as réintégré définitive­ment la

Nazionale qui peut compter sur une nouvelle génération dorée. Oui, ils ont de grosses qualités et surtout ils jouent avec continuité. Mais ça ne suffit pas, la Nazionale doit chercher à devenir une équipe. Je pense que Giampiero Ventura est la bonne personne pour valoriser ces talents et les assembler. S’il y arrive, on a effectivem­ent un bel avenir devant nous.

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Diseuse de Bonaventur­e
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Le sosie de Max Allegri
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